Gallimard, 2006
Ce livre de la jeune auteur new-yorkaise, épouse de Jonathan Safran Foer, l'auteur de Extrèmement fort et incroyablement près, a été l'un des grands succès de la rentée littéraire 2006. C'est vrai que le titre ne fait a priori pas envie. On se dit, c'est niais, c'est du re-re-revisité...Pas du tout !
Avec une écriture souvent tragi-comique et une construction très habile, Nicole Krauss signe un roman très original, à énigmes.
Car trois personnages prennent la parole. On ne sait au début ce qui les lie, on va comprendre progressivement que c'est un livre, L'histoire de l'amour. A la tête de chaque chapitre, un "icône" qui désigne le personnage qui prend la parole : un coeur(l'organe), un livre, une pendule.
Il y a un vieillard, Léon Gursky, vivant comme un reclus à New-York. Après cinquante ans d'"abstinence", il se remet à écrire un roman. On apprend qu'il a échappé à l'holocauste en émigrant à New-York. Dans sa Pologne natale, il était tombé amoureux fou de la belle Alma. Il lui adressait des chapitres du roman qu'il était en train d'écrire. Cette dernière a émigré aux Etats-Unis en 1940 quelques mois avant Léon, avec l'enfant qu'elle portait de lui. Ne voyant pas revenir Léon, Alma a fini par se marier. Enfin arrivé à New-York, Léon retrouve Alma mariée. De dépit, il décide de garder son amour intact, de vivre face à sa solitude...en suivant de près la vie de son fils qu'il n'a jamais vu et qui est devenu un écrivain célèbre.
Vient ensuite Alma, une jeune fille de 14 ans, dont le père vient de mourir. Elle découvre que son prénom est celui d'une héroïne de roman L'histoire de l'amour, titre que son père avait offert à sa mère lors de leur rencontre. La mère d'Alma est contactée par un mystérieux éditeur qui lui demande de traduire en anglais L'histoire de l'amour. Pour conjurer le deuil et la solitude et pour trouver un "second amoureux" à sa mère, Alma se met à la recherche de ce mystérieux éditeur et d'Alma, le personnage, qui selon elle, existe vraiment.
Enfin, le troisième personnage est l'écrivain qui a publié L'histoire de l'amour. On apprend qu'il a fui l'holocauste polonais des années 40 et qu'il s'est exilé au Chili où il a publié cet unique roman...
Ces voix s'expriment alternativement. Au début, le lien entre eux est inexistant. Il va se créer peu à peu, emmenant le lecteur dans un chemin tortueux, labyrinthique.
Au centre de cette histoire, le deuil, les trahisons, l'amour passion, l'amitié, la solitude. Un foisonnement romanesque où évoluent des personnages blessés par la vie, mais répondant au malheur par la fantaisie : Léon, l'octogénaire reclus, s'est inventé un meilleur ami fantôme, Alma, la petite orpheline, tente de noyer son chagrin dans une enquête qui lui réserve de multiples surprises. Quant à Bird, le petit frère d'Alma, il se prend pour Dieu...
Le ton est gai, alerte tout en évoquant la vieillesse, la mort ("quand ils rédigeront ma nécrologie. Demain. Ou le lendemain. On y lira : Léon Gursky laisse derrière lui un apparetement plein de merde") évitant tout misérabilisme lié aux histoires de l'Holocauste. L'histoire est centrée autour d'un livre et de toutes les vies qui ont été chamboulées par ce dernier.
L'histoire est très marquante, tragique. La fin, géniale, vous fera sans doute verser quelques larmes. Un livre intelligent, remarquablement construit, qui traite avec habilité de thèmes universels.