R.J. Ellory
Sonatine Éditions
553 pages
Résumé:
Frank Parish, inspecteur au NYPD, a des difficultés relationnelles. Avec sa femme, avec sa fille, avec sa hiérarchie. C’est un homme perdu, qui n’a jamais vraiment résolu ses problèmes avec son père, mort assassiné en 1992 après avoir été une figure légendaire des Anges de New York, ces flics d’élite qui, dans les années quatre-vingt, ont nettoyé Manhattan de la pègre et des gangs. Alors qu’il vient de perdre son partenaire et qu’il est l’objet d’une enquête des affaires internes, Frank s’obstine, au prix de sa carrière et de son équilibre mental, à creuser une affaire apparemment banale, la mort d’une adolescente. Persuadé que celle-ci a été la victime d’un tueur en série qui sévit dans l’ombre depuis longtemps, il essaie obstinément de trouver un lien entre plusieurs meurtres irrésolus. Mais, ayant perdu la confiance de tous, son entêtement ne fait qu’ajouter à un passif déjà lourd. Contraint de consulter une psychothérapeute, Frank va lui livrer l’histoire de son père et des Anges de New York, une histoire bien différente de la légende communément admise. Mais il y a des secrets qui, pour le bien de tous, gagneraient à rester enterrés.
Mon commentaire:
Frank Parrish est un policier comme on en voit souvent dans les romans: c'est un rebelle dans l'âme, qui défie les règles de son service de police, qui a des problèmes familiaux, est divorcé et alcoolique. Par contre, c'est un bon policier. Sa vie n'est pas simple. Il la passe essentiellement avec des cadavres et des criminels, de là une certaine frustration. Être policier et enquêteur à New York à notre époque est loin d'être de tout repos.
Une phrase du roman résume bien l'esprit du personnage:
"Que même quand les gens font les choses de la mauvaise manière, ils peuvent les faire pour les bonnes raisons." p.551
C'est l'essence même du personnage de Frank Parrish. C'est encore plus vrai lorsqu'il est confronté à une sordide histoire mêlant des adolescentes et qu'il en fait une fixation. Il y joue sa carrière et même sa vie.
J'ai particulièrement aimé cette lecture. L'histoire avance à bon rythme, mais c'est dans sa construction que j'ai le plus apprécié ce roman. On fait tout d'abord la connaissance de Frank Parrish. L'auteur nous laisse nous faire une idée du personnage, qu'il est facile de cataloguer à la première impression, mais qui s'avère ne pas correspondre tout à fait à l'image qu'il donne. Il est impoli, arrogant, a reçu de nombreux avertissements, s'est fait suspendre son permis de conduire, a une retenue sur son salaire et doit rencontrer régulièrement une psychologue. Il vit aussi dans l'ombre de son père, le grande John Parish, un policier décoré, que l'on disait vertueux. Mais Frank sait que ce n'est pas vrai. Il doit apprendre à vivre avec ça. Le roman alterne entre les conversations de Parrish avec Marie la psychothérapeute, et ses enquêtes.
Parrish s'occupe de plusieurs affaires en même temps. Jusqu'à ce qu'il soit appelé sur les lieux d'un crime: Danny, un petit trafiquant, a été tué. Sa jeune soeur aussi, une belle adolescente qu'on a bizarrement habillée. Parish fouille pour trouver des réponses et plus il creuse, plus cette affaire le trouble et l'intéresse. Il décide de s'y consacrer le plus possible. C'est cette affaire qui prend d'énormes proportions que raconte le roman.
Le talent de l'auteur, c'est de nous plonger totalement dans le monde des policiers de New York. Leur vie difficile, les appels à toute heure pour se rendre sur les lieux d'un crime, les risques du métier. Parish qui a touché le fond, trouvera malgré lui du réconfort en rencontrant Marie, en parlant de son père, en tentant de trouver le coupable de son enquête en cours. C'est un roman complexe et touffu, qui parle de nombreuses affaires. C'est ce que j'ai aimé personnellement. Il n'y a pas qu'une enquête en cours et pas juste un seul point d'intérêt. Je sais que normalement, pour les romans policiers, on recherche l'intrigue avec un grand I. Pour moi, le plaisir de cette lecture réside justement dans son aspect crédible. Un policier newyorkais travaille sûrement sur plus d'une chose à la fois, en voit des vertes et des pas mûres et doit combiner sa vie personnelle (difficile dans le cas de Parrish) à ses propres valeurs face à la cruauté dont l'humain est capable.
Les Anges de New York est un roman d'enquête, un roman noir, sur le profilage d'un tueur et sur la façon dont certains policiers peuvent vivre difficilement leur impuissance à tout résoudre. Il y a de belles scènes dans le livre et la dualité d'une relation père-fils compliquée. Surtout que le père n'est plus là. Le portrait de Frank Parrish est celui d'un homme qui recherche la justice à tout prix. Si son but est louable, les moyens qu'il utilise ne le sont pas toujours, du moins selon les règlements de la police. L'enquête est captivante et j'ai particulièrement aimé tous les détails sur la façon de mener une enquête. Les pages défilaient vite, l'intrigue m'intéressait et la forme que prend le roman encore plus. Il me semble qu'il y avait longtemps que je n'avais pas lu un aussi bon roman policier.
Quelques extraits:
"À un moment, les chaînes qui liaient les enfants à leurs parents devaient se briser. À un moment, il fallait accepter le fait que le monde était là, qu'il les attendait, et que s'ils devaient s'en sortir... eh bien, ils s'en sortiraient. Ou pas. Si on décidait d'aller les chercher à l'école un jour pour s'assurer qu'ils rentreraient sains et saufs à la maison, alors ce serait peut-être le lendemain qu'ils se feraient renverser par une voiture à un passage clouté. La vie avait des angles aigus et des bords coupants. La vie était pleine d'embûches." p.77
"Frank Parrish aurait aimé croire en Dieu, mais il estimait que la foi devait être mutuelle. Elle devait être réciproque. Et il savait, avec une absolue certitude, que Dieu ne croyait pas en lui." p.180