Jack White
Blunderbuss
Columbia
États-Unis
Note : 7/10
Par Jean-François Téotonio
Jack White sort quelque peu de ses sentiers battus sur son premier album solo en carrière. Le rockeur du midwest américain a fait sa marque avec du blues-rock sale, envenimé par une guitare overdrivée au max. Avec les White Stripes, The Raconteurs ou même The Dead Weather, on reconnaissait à tout coup la touche de Jack White, que ce soit en premier plan, ou simplement à l’arrière d’autres musiciens. Et même si on essayait de nous faire croire qu’il s’agissait d’un projet de groupe auquel Jack White n’était que simple membre, on sentait que son son à lui prenait le dessus. Sauf qu’ici, au lieu de partager la vedette avec des stars que lui-même amène sur la grande scène, tout le crédit lui revient à lui, ou presque.
Aux premières écoutes, on se demande où White veut nous amener. On nous propose d’entrée de jeu le son du fameux clavier Rhodes, popularisé dans les sixties, sur Missing Pieces. On retrouve d’ailleurs assez rapidement ses éclectiques solos de guitare. Puis, sur Sixteen Saltines, le bouton DRIVE sur son amplificateur est au maximum, les pédales sont en marche, et on se retrouve avec un rock à grande vitesse, comme un bon projet de Jack White nous a habitués. Au fil des morceaux, toutefois, on commence à faire face à un country acoustique inspiré des prog-folkistes de l’époque de Dylan. La folle guitare électrique laisse sa place à l’acoustique et au lapsteel. Étonnant au départ, mais au fil des lectures, on se rend compte que le tout est bien ficelé, et que l’Américain sait où il se dirige. Il aborde ces changements de style de façon très assumée.
Au final, ça passe sur la plupart des pièces, mais ça casse sur quelques-unes. Hip (Eponymous) Poor Boy, pop-country sans réelle conviction, ne passera pas à l’histoire. Love Interruption, au contraire, à l’acoustique, sonne comme Neil Young dans ses belles années. Sur la chanson-titre, lapsteel et piano en premier plan, on écoute surtout l’histoire que nous raconte White, car les textes ne sont pas négligés, quoique les thèmes – conflits hommes-femmes… le sujet de prédilection du blues, quoi – se suivent et se ressemblent.
La pianiste Brooke Waggoner est très présente, et fait un très bon travail. Elle devance même la guitare électrique dans son taux d’utilisation au cours de l’album. On ne s’en plaint pas, car l’intensité rock ne s’y perd pas. Si le disque est plus enraciné dans un certain folk-rock de générations passées, les plus rares éclats de solos éclectiques propres à White ne s’en font que mieux sentis et plus agréables.
La toute dernière pièce de cet opus, en deux temps, représente bien de quoi il s’agit ici. Take Me With You When You Go commence par un piano quasi-jazzé, puis embarque les back vocals féminines. Au milieu de la pièce, le rythme change drastiquement, et on sent une urgence dans le jeu des musiciens. Bien fait.
Un disque, donc, qui va satisfaire les fans de longue date du guitar hero post-moderne qu’est Jack White, mais qui n’attirera pas les fans occasionnels. Un bon compact, mais qui ne passera probablement pas à l’histoire.