30 ans de succès pour le CFM56
C’est une success story comme il en existe peu dans l’industrie. Et elle est unique en son genre dans l’aéronautique : le CFM56 de General Electric et Snecma, qui fête ces jours-ci 30 ans de bons et loyaux services, affiche un bilan tout en superlatifs.
Qu’on en juge : 22.000 moteurs en service, 9.000 avions équipés, 135.000 heures de vol et 3 millions de passagers par jour, un décollage toutes les deux secondes et demie. Et ce n’est qu’un début, compte tenu de livraisons en croissance, 1.300 exemplaires l’année dernière, 1.600 en 2014.
Il s’agit de la coopération franco-américaine la plus importante, toutes catégories confondues. En même temps qu’un exemple atypique de relations nouées par-dessus l’Atlantique, qui plus est dans un secteur de pointe.
Le CFM56 propulse en exclusivité toutes les versions successives du Boeing 737 et une proportion importante des différents membres de la famille Airbus A320 (mais en partage avec un rival, le V2500 d’International Aero Engines).
Il y aura bientôt 40 ans, dépendant quasi exclusivement des commandes militaires, notamment à travers la propulsion des avions de combat de Dassault, Snecma cherchait à diversifier ses activités et à aborder de plain-pied le marché civil. Encore fallait-il lui trouver un bon partenaire, capable de partager le lourd investissement requis par le développement et la mise en point d’un moteur de milieu de gamme, d’une poussée de l’ordre de 10 tonnes. Cette cible était liée à un marché potentiel nouveau, non encore concrétisé, celui que constitueraient les court/moyen-courriers à 150 places. C’est-à-dire un Boeing 737 rajeuni et dûment remotorisé, ou encore un projet d’Airbus, futur A320.
La suite de l’histoire repose sur la rencontre de deux capitaines d’industrie résolument visionnaires, René Ravaud, alors PDG de Snecma, et Gert Neumann, directeur général de la branche moteurs civils de General Electric, d’origine allemande et, de ce fait, en confiance avec des interlocuteurs européens. Ils se sont entendus, ont bientôt parlé le même langage, permettant à Snecma de choisir GE (et non le contraire !) pour mettre au point un «10 tonnes» baptisé CFM56. La contraction de deux manières de baptiser les moteur, CF pour Commercial Fan côté américain, M pour moteur suivi d’un numéro d’ordre côté français. C’est ainsi que le concept M56 a donné naissance au CFM56.
Une réussite technique, malgré d’apparents handicaps. Snecma était alors un pur produit de l’économique étatique française, née de la nationalisation en 1946 de l’ensemble du secteur français de la propulsion aéronautique. Et GE constituait un symbole fort de la libre entreprise pure et dure «à l’américaine». La mariage de la carpe et du lapin ? Ravaud et Neumann ont contourné les obstacles en concluant une alliance à 50/50, chacun des deux partenaires restant maître de ses coûts et libre du choix de sa manière de faire.
La société CFM International, filiale conjointe installée à Cincinnati, créée pour gérer le duo, est restée une structure légère qui a toujours choisi les solutions simples et donné la priorité absolue à l’efficacité. Encore s’agissait-il de faire valoir les qualités du tout nouveau CFM56 et de lui trouver des applications. Ce fut une tâche ardue, tout d’abord une succession d’échecs, au point de conduire le programme franco-américain à deux doigts de l’abandon pur et simple. Il était tout simplement arrivé trop tôt sur le marché.
C’est le bon vieux DC-8 qui permit d’éviter le pire. Sa version allongée Super 70, dotée de CFM56, s’annonçait comme une solution simple pour retrouver des coûts d’exploitation très concurrentiels. Trois compagnies américaines, Delta Air Lines, United Airlines et Tigers finirent par se laisser convaincre, donnant enfin une chance au tout jeune CFM56. Puis le Pentagone décida d’en équiper une partie de ses ravitailleurs KC-135. Vinrent ensuite le 737 nouvelle manière et le tout nouveau A320.
La suite est connue : un succès commercial planétaire pour un moteur remarquablement réussi qui affiche un taux de disponibilité technique proche de 100%. Snecma et GE ont récemment reconduit leur accord jusqu’en 2040 en même temps qu’était mis au point un successeur, baptisé LEAP. La saga est dorénavant assurée de se prolonger loin dans le XXIe siècle.
Pierre Sparaco-AeroMorning