Extraversion et introversion

Par Lancelet

Les termes “extraversion” et “introversion” (et les adjectifs correspondants, “extraverti” et “introverti“) sont passés dans le langage courant depuis que Carl Gustav Jung les a utilisés dans son ouvrage Les types psychologiques, paru en 1921. Il les y définissait comme deuxattitudes, ou orientations de l’énergie, opposées. Ces deux façons d’être au monde sont inégalement réparties dans la population, du moins en Occident, puisqu’entre deux tiers et trois quarts des individus y sont extravertis, les autres étant introvertis. Il ne s’agit pas d’un choix délibéré, puisqu’il semble y avoir une base neurobiologique à l’existence d’une préférence pour l’une ou l’autre de ces deux attitudes. Et pourtant, la société occidentaleregarde d’un oeil plus favorable l’extraversion, même si les apports de l’introversion sont indéniables, y compris dans des domaines inattendus comme le leadership.

Définitions

L’individu extraverti est tourné vers le monde extérieur, l’introverti vers son monde intérieur. L’extraverti construit sa pensée surtout par les échanges et les contacts avec les autres. Il communique volontiers, et partage ses pensées, ses idées, voire ses questionnements, avec ceux qui sont en sa présence. L’introverti, au contraire, est tourné vers son monde intérieur. Il se nourrit de sa réflexion et de ses émotions. Le monde extérieur, qu’il s’agisse de la présence des autres, ou simplement de sons (bruits, musique), peut parfois être vécu comme intrusif. Ainsi que le soulignait Jung, il ne s’agit là que d’une préférence (comme d’être droitier ou gaucher). Personne n’est totalement extraverti ou totalement introverti !

Une base neurobiologique ?

Pour un individu, la préférence pour l’une ou l’autre des deux attitudes pourrait avoir une base neurobiologique. En effet, un introverti et un extraverti n’ont pas la même réponse aux stimulations sensorielles. Le niveau de base d’excitation corticale est plus bas chez un extraverti, et plus élevé chez un introverti. En conséquence, l’extraverti recherche les stimulations extérieures, tandis que l’introverti aura tendance à les fuir. Cela se vérifie par exemple en mesurant le rythme cardiaque d’individus à qui l’on fait écouter de la musique : les extravertis préféreront un volume plus élevé, faute de quoi leur rythme cardiaque sera ralenti ; à l’inverse, les introvertis préféreront quant à eux un volume moins élevé, sinon leur rythme cardiaque aura tendance à s’accélérer. Si vous n’arrivez pas à vous mettre d’accord avec votre conjoint sur le volume idéal pour l’autoradio, c’est sans doute parce que l’un d’entre vous est introverti, et l’autre extraverti !

Des études ont montré que, chez les chauffeurs de car devant effectuer de longs trajets monotones, les introvertis étaient plus vigilants et moins sujets aux accidents, et que la performance des extravertis s’améliorait s’ils écoutaient la radio ou avaient une conversation avec un passager.

Quand la pression sociale nous demande d’être extravertis.

Ainsi que le souligne Susan Cain dans sa conférence The Power of Introverts, avec le vingtième siècle et l’avènement de l’ère industrielle, les conditions de vie et de travail ont évolué et favorisent désormais les comportements extravertis. Qu’il s’agisse de l’école ou de l’entreprise, les environnements de travail sont conçus de manière à favoriser les échanges et le travail en équipe (même si, en entreprise, la mode des open space a sans doute pour but inavoué d’entasser davantage de salariés au mètre carré). Dans un tel environnement, les extravertis sont favorisés, car il leur suffit de lever le nez de leur bureau pour pouvoir aussitôt engager la conversation avec un voisin.  Et les introvertis, qui ont besoin de calme et de solitude pour réfléchir efficacement et exprimer la richesse de leur créativité, souffrent de cette avalanche de stimulations. Ils se sentent parfois même coupables d’avoir besoin de s’isoler pour penser clairement. A l’école, la note departicipation en classe a pour effet de favoriser les élèves extravertis, et de pénaliser les introvertis…

Les qualités des introvertis

Les introvertis n’ont pourtant pas à rougir de leur mode de fonctionnement. Ils préfèrent souvent écouter et réfléchir avant d’ouvrir la bouche, ce qui peut faire croire à leur entourage qu’ils sont timides. C’est peut-être pour cette raison qu’ils préfèrent l’écrit à l’oral, pour pouvoir prendre le temps de peaufiner leurs idées et de ciseler leurs phrases, avant de les livrer en pâture au monde extérieur. Ils aiment aller au fond des choses et prendre le temps d’en examiner tous les aspects. Ils peuvent rester calmes au milieu de l’agitation, voire de la panique. Enfin, ils n’ont pas peur de la solitude, car c’est grâce à elle qu’ils rechargent leurs batteries et mûrissent leur réflexion.

Quand ils sont en position de managers ou de leaders, les introvertis laissent plus volontiers leurs subordonnés exprimer leur créativité et leur proactivité, alors qu’un extraverti pourrait involontairement décourager ces mêmes subordonnés de faire preuve d’initiative, en exprimant d’abord ses propres idées.

Alors, introverti ou extraverti ?

Si, après une journée de travail fatigante, vous préférez rentrer chez vous pour lire un bon bouquin au calme, plutôt que de sortir boire un verre avec des amis… ne culpabilisez pas : c’est juste que vous êtes intraverti ! Et vous êtes en excellente compagnie. Parmi les introvertis célèbres, on peut citer : Albert Einstein, Mahatma Gandhi, Steven Spieberg, Al Gore, Abraham Lincoln, J.K.Rowling, Bill Gates, Isaac Newton, Julia Roberts, Audrey Hepburn, Clint Eastwood, ou Tom Hanks.