Magazine Cinéma
Sélection officielle (hors compétition), avant-première/CANNES2012
Pitch.
Le dessous et le dessus des cartes de la journée de présentation du film "A Chacun cinéma" réalisé par 35 cinéaste pour le 60° anniversaire du festival de Cannes. Un film qui fut présenté en séance spéciale en 2007.
Comme avaient l'air de l'ignorer certains représentants des médias pour le point presse après la projection, vendredi dernier en avant-première chez Canal+, du documentaire "Une Journée particulière", le 60° anniversaire du festival de Cannes en 2007 avait mitonné un événement extraordinaire pour tout cinéphile : "Chacun son cinéma", un film composé de 35 court-métrages des 35 plus grands réalisateurs du moment sur le thème de la salle de cinéma. Dans son documentaire "Une Journée particulière"(hommage à Ettore Scola), Gilles Jacob, le délégué du festival de Cannes depuis plus de 30 ans (délégué 1977/2001, puis président du festival), en a inséré un certain nombre d'extraits. Démarrage sensuel avec "First kiss" de Gus Van Sant, puis, deux court-métrages érotisants "I Travelled 9 000 km To Give It To You" de Wong Kar Waï et "Cinéma érotique" de Roman Polanski, ensuite, "Diario di uno spettatore" de l'inénarrable Nanni Moretti parlant seul, assis dans une salle de cinéma vide aux fauteuils de velours rouge, un dispositif minimaliste et c'est passionnant, le génie de Moretti, cette union heureuse de l'image et la parole, ces mots qui font corps avec l'acteur qu'il est aussi. Quel bonheur, soit dit en passant, qu'il soit président du jury de Cannes cette année, ça nous promet un vrai palmarès cinéphile.
Gilles Jacob présentant son film en avant-première vendredi dernier chez Canal+
La journée de présentation de "Chacun son cinéma" en mai 2007 est cette "Journée particulière", l'apex d'une vie "passée comme un rêve"* au fil des festivals de Cannes écoulés : soudain, 35 des réalisateurs les plus brillants sont, de fait, par le regard, l'angle, du documentaire, les figurants d'un jour, de cette journée idéale où tout est multiplié par 35. Le protocole immuable d'une journée à Cannes est déroulé dans l'ordre chronologique, sauf, que comme l'a fait remarquer Gilles Jacob au point presse, un seul journaliste, sauf posséder le don d'ubiquité, ne peut pas "couvrir" toutes ces étapes à lui seul : l'arrivée à Cannes des 35 cinéastes, le photocall, la conférence de presse, la préparation de la présentation officielle du film, la montée des Marches, la photo en haut des Marches, l'installation des 35 dans le grand théâtre Lumière au sein du Palais, enfin, le dîner de gala et un feu d'artifice depuis la plage ; en bonus, les badauds agglutinés derrière les barrières de part et d'autre du tapis rouge, la préparation des hommes dans leurs palaces et des plats en cuisine, les coulisses... Journée apothéose d'un festival de Cannes, devenu personnage de film, ayant accueilli chaque année, tant d'années, dix jours durant, les équipes internationales d'un film, puis d'un autre, un rituel perpétuel, à la fois privé, VIP, d'accès ultra-balisé, et public, filmé par les télévisions du monde entier.
Le caractère des certains des réalisateurs se révèle au fil de la journée, ainsi, certains ont du mal à n'être qu'un parmi 35 et versent dans l'agressivité pour se faire remarquer. Polanski, qui avait déjà voulu organiser le photocall à sa manière très directive, déclare en conférence de presse que les questions des journalistes sont stupides et qu'il préfère "aller bouffer" (sic).
*"La Vie passera comme un rêve" de Gilles Jacob (éditions Robert Laffont, 2009)
Donc, ils sont venus, ils sont tous là, Michael Cimino, Bille August, Olivier Assayas, Elia Suleiman, Jane Campion, Ken Loach, Aki Kaurismäki, Alejandro Inarritu, les frères Dardenne, David Cronenberg, etc... que Gilles Jacob filme un peu comme des arrêts sur image, des portraits de chacun devenus les acteurs de son documentaire. Revanche du gentleman qui accueille les invités en haut des marches depuis 35 ans avec des nuances tellement subtiles dans sa manière d'être leur hôte qu'il semble à l'observateur non averti que tous ont droit aux mêmes égards. Tel un arbitre sur un terrain de football, spectateur le mieux placé du stade mais qui ne joue pas, Gilles Jacob a habité pendant longtemps le rôle du festivalier au centre du jeu cannois. Avec ce quatrième documentaire, produit par les chaînes Canal+ et Arte, Gilles Jacob "joue aussi" un match, le temps d'un film sur le film de Cannes, dans cet endroit du décor qu'il a créé, où les divas éphémères en robes de sirènes sur red carpet contrastent avec les thèmes souvent socialement violents des films en compétition, où l'équilibre entre les signes extérieurs de glamour et la cinéphilie revendiquée est à chaque festival un exercice funambulique.
Dans "A 8944 kms de Cannes" de Walter Salles, les deux badauds devisant devant un cinéma planté au milieu de nulle part dans le Nordeste du Brésil, qui programme "Les 400 coups", concluent qu'ils ont Gilberto Gil chez eux et qu'il existe à Cannes un autre Gil(lles), chef de la tribu...
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