Depuis longtemps, sur ce blog, je fustige la xénophobie et son exploitation par le pouvoir sarkozyste. Puisque je parlais de Sarkozy, de l'UMP, d'Hortefeux, Besson et Guéant, et surtout de la communication et des idées, je ne me suis pas préoccupé de ceux qui vote réellement pour Marine Le Pen. Ce qui m'interessait, c'était la responsabilité des responsables politiques qui exploitaient certains sentiments.
Et avant de commencer, il faut savoir que je crois beaucoup à la dimension pédagogique des discours politiques. Sarkozy et Le Pen ne s'alignent pas sur une xénophobie qui est simplement là déjà ; ils apprennent à leurs électeurs à être xénophobes, à comprendre l'ensemble des questions sociales et économiques à travers la lentille de l'islamophobie, qui a remplacé l'antisémitisme dans les rouages du populisme de droite.
Cela ne veut pas le racisme et la peur de l'autre n'existeraient pas sans Sarkozy et la famille Le Pen. Le rôle est de valider, d'encourager ce sentiment, de le nourrir et d'enrichir son application à une vision du monde. Ainsi va le trafic des raccourcis habituel : insécurité ? immigation ; chômage ? immigration ; déficits ? immigration ; Europe ? fermer les frontières (ou sortir de l'euro). Tous les bouleversements des vingt dernières années -- mondialisation, désindustrialisation, deuil des Trente Glorieuses -- sont remplacés dans ces représentations par un équivalent en carton-pâte où tout tourne autour de la figure de l'immigré et la nostalgie d'un passé d'avant la décolonialisation. (Car, comme je l'ai dit tant fois déjà, "l'immigré" qu'on voudrait empêcher de penétrer dans l'espace Schengen, est en fait ce Français dont les grand-parents sont nés au Maghreb.)
Mais les électeurs eux-mêmes ? Et Hollande et le PS, que doivent-ils faire devant ce 19% ? Aujourd'hui Marc Vasseur touittait ceci :
à la louche FN : 1/3 fachos (un peu moins je pense) 1/3 réac droitards 1/3 déclassement/oublié (un peu plus)
Cela me paraît assez raisonnable. (Voir aussi ZeRedac.) Ce qui voudrait dire que la différence entre un FN à 12% et un FN 19%, c'est ce gros tiers qui, si tout était transparent et logique, ne serait pas à sa place chez Le Pen.
La démarche de Hollande me semble parfaitement claire et justifée à cet égard :
Sur l'immigration, j'ai dit ce que j'avais à dire. Je m’adresse à ceux qui ont fait le choix et qui l'ont fait par colère, par frustration, souvent des ouvriers, des employés, à ceux qui connaissent le chômage. Et quand vous regardez une carte sur le vote FN et une sur le chômage, vous avez parfois coïncidence. Je ne dois pas les laisser de côté.
Mais le message peut-il passer ? C'est là que revient le problème "pédagogique". Hollande a beau dire : si on combat la précarité, vous allez être mieux, vous aurez moins peur de l'Islam. Celui qui a ainsi succombé aux mystifications du Front National ne peut plus comprendre les choses ainsi, et ne croit pas de toute façon à la capacité des instances politiques de résoudre ses problèmes concrets. Reste donc l'immigré comme "problème" fantasmatique, dans une immédiateté qui prend le dessus sur les subtilités de la macroéconomie.
Il y a donc un effort à faire envers ceux que Marc désigne par "déclassement/oubliés", un effort de communication, certes, mais c'est seulement sur le long terme. L'État Français et le Front National, ensemble, font leur propre "pédagogie" depuis cinq ou dix ans, pour le premier, et des décénnies pour le second. Il sera difficile d'effacer cela rapidement.
Pour la droite (ancienne droite républicaine), les choses sont plus compliquées encore, ce que montre le très fort rejet de Nicolas Sarkozy, justement chez les électeurs de l'extrême droite. On parle de 44% seulement de report de voix en faveur de ce dernier. C'est faible. Le succès de Sarkozy en 2007 était fondé dans l'illusion qui consiste à faire croire que les défenseurs du grand capital vont améliorer la vie des déclassés simplement en chassant les Arabes. La dérive actuelle du chef de l'État montre que pour maintenir l'illusion, il doit aller de plus en plus loin dans le sens de la xénophobie. Comme un héroïnomane qui sans cesse besoin d'augmenter sa dose. Chantons avec Carla : tu es ma came….