Après Soul Eater qui m’a récemment déçu et Saint Seiya Omega qui ne me concerne finalement plus, je suis retourné lire du manga à la pelle pour vous en dégoter quelques uns qui valent le coup. Cette semaine c’est chez Ki-oon que j’ai fais bonne pioche, avec leur nouveau titre de fantasy moyenâgeuse : Wolfsmund, de Mitsuhisa Kuji.
Ce titre est publié depuis 2010 dans le magazine bi-mensuel Fellows!! (Bride Stories) de l’éditeur Enterbrain. Le genre abordé, la fantasy, n’est guère surprenant lorsque l’on sait que le mangaka est l’ancien assistant de Kentarô Miura (Berserk). L’occasion également d’en savoir un peu plus sur l’époque et le lieu de naissance du pays des Helvètes : la Suisse. Le premier tome est sorti chez nous le 12 avril dernier et l’histoire compte pour l’instant 3 volumes au Japon.
Voyons maintenant comment il s’en sort pour sa première tentative…
Passer le col du loup, ou mourir…
Les Alpes, XIVe Siècle.
Entre le royaume de Germanie et l’Italie la célèbre chaîne montagneuse forme une barrière quasiment infranchissable. Le seul axe qui traverse ces sommets est le col du Saint-Gothard. Pour préserver les intérêts économiques et territoriaux au tour de ce point névralgique, les cantons d’Uri, Schwytz et Unterwald signe un traité commun et tente de se soutirer à l’autorité germanique. Mais la famille des Hasbourg ne l’entend pas de cette oreille et y voit une bonne occasion de renforcer sa présence sur la frontière. Le Duc Léopold 1er d’Autriche mobilise la cavalerie et envahit les 3 cantons pour réprimer la révolte dans un bain de sang.
La résistance s’organise pour l’indépendance mais un obstacle sans pitié est désormais sur pied : Wolfsmund, la gueule du loup. Entre l’Autriche et l’Italie c’est un passage obligé pour l’organisation de la résistance. Mais aucun rebel n’a jamais réussi à le franchir car les murs de cette forteresse cache un cruel bourreau : Wolfram, le maître des lieux, qui a toujours réussi à déjouer tous les subterfuges des résistants et hors la loi souhaitant travers son domaine.
Et quiconque tente de jouer un mauvais tour à ce loup doit être bien sur de lui, car s’il échoue, il y perdra la tête !
Wolfsmund ou l’histoire des petits suisses pour les nuls
Le col du Saint-Gothard existe bel et bien et les faits historiques qui servent de base pour le ce récit le sont tout autant, mais on n’en perçoit pas – en tout cas pas encore dans ce premier volume – toute la portée. Le traité des cantons sus-mentionnés est en effet l’un des actes fondateurs de la république Helvétique, aussi je me permets de vous raconter la petite histoire, en version accéléré, de nos amis fabricants de Ricola…
Les suisses sont à l’origine les Helvètes, et leur arrivée dans leur futur pays commencent en 58 avant JC, lorsqu’ils échouent à s’installer dans le sud-ouest de la Gaule, battus par les armées de notre cher Jules, chef des romains. Ils font alors parti de l’empire romain puis vont pendant un millénaire se faire balader entre différents territoires : le territoire suisse est occupé par les Burgondes et les Alamans au Ve siècle puis incorporé successivement aux royaumes de Bourgogne, des Francs, à l’empire Carolingien et enfin il est rattaché au XIe siècle au Saint-Empire romain germanique, celui là même qui nous intéresse dans notre histoire.
Quand est-ce que la Suisse devient la Suisse alors ? Et bien, officiellement, l’histoire de nos chers chocolatiers date de 1291. Elle n’est bien sur pas choisie par hasard, car elle correspond au plus vieux document écrit connu parlant d’une alliance entre nos 3 fameux cantons suisses : Uri, Schwytz (qui donnera son nom à la Suisse) et Unterwald. Le début d’un combat contre le Saint-Empire qui va durer jusqu’en 1315… Et c’est là que Wolfsmund semble tenter une voie différente.
Normalement en 1315 les Helvètes vont défaire Léopold 1er lors de la bataille de Morgarten, là où Mitsuhisa Kuji semble indiquer que le premier assaut du monarche autrichien est victorieux, au début en tout cas. On suppose donc que l’action se situe entre la signature du pacte en 1291 et la bataille de 1315 et plus précisément entre 1307 et 1315, puisqu’on assiste au retour de Guillaume Tell dans sa province, après le légendaire évènement du tir dans la pomme, sur la tête de son fils, en novembre 1307. La forteresse du tyran continuera-t-elle à maltraiter les indépendants helvétiques ad vitam ? A priori non mais pour connaître le comment, il faut attendre la suite de Wolfsmund, qui a d’ailleurs d’autres attraits que ces simples fragments d’histoire…
Mais cette histoire, Helvétie bien ou pas bien ?
Oui, Wolfsmund est un titre qui démarre bien. Si on commence par l’aspect visuel, il n’y a pas grand à redire du trait du mangaka : net et plutôt anguleux, il nous présente des guerriers taillés dans le roc et de jeunes demoiselles, tout aussi dangereuse, mais au forme beaucoup moins austères. Les personnages sont dans des costumes et armures d’époques relativement simple, qui sont plus là pour faire office de symbole ou d’objet fonctionnel que pour être admiré de par leurs fioritures. Les décors sont plutôt réussis avec une mention pour l’intrigante forteresse du col, aussi impressionnante qu’inquiétante.
A chaque subterfuge déjoué ou chaque tentative déjouée, Mitsuhisa nous emporte alors dans des courses effrénées ou des affrontements à haute tension. Les combats sont en effet fréquents et constituent l’un des bons points de ce premier volume : les luttes, toutes à mort, dégagent une grande intensité grâce à des plans bien pensés, des visages très expressifs (mais sans trop en faire) et une chorégraphie tout à fait lisible. Les tentatives de fuites transpirent également l’adrénaline car l’on sait que l’issu du capturé sera fatale.
C’est d’ailleurs le deuxième point remarquable de Wolfsmund : son ambiance… Ce premier tome présente 3 histoires, 3 destins et 3 duos. On découvre un chevalier servant et la princesse qu’il jure de protéger, une combattante surdouée qui remplit une mission pour son prince ou encore, le héros de l’indépendance de la Suisse, Guillaume Tell, accompagné de son fils. Qu’on prenne ou non fait et cause pour tous ces tandems, on apprécie leur droiture et leur détermination à mener leur mission à bien. Sachant que l’échec est synonyme de décapitation et que l’ennemi est un oppresseur cruel et implacable, on ne peut qu’espérer que ces héros s’en sortent et passe le col.
Mais ce manga ne vas pas vous parler d’histoire qui finissent bien. Réaliste et sombre, très sombre, voici une danse cruelle et macabre menée de main de maître par Wolfram, bourreau, taulier et homme de main du duc Leopold. L’homme est malin, paraît inoffensif et bêtement souriant mais il ne faut pas s’y laisser prendre pour garder la tête sur les épaules.
Mais tout muraille a une faille et le col du Saint-Gothard ne fait pas exception… Donc vivement la suite, le 14 juin prochain !
Titre : Ôkami no Kuchi – Wolfsmund
Auteurs : Mitsuhisa KUJI
Date de parution : 12 avril 2012
Éditeurs fr/jp : Ki-oon / Enterbrain
Nombre de pages : 208 pages
Prix de vente : 7.65 €
Nombre de volumes : 1 et 3 au Japon (en cours)
© 2010 Mitsuhisa Kuji