Nous publions ci-après un extrait d'un texte d'un entretien condensé et biographies par M. Michel Henri DELENCLOS sur « BURON Robert et les Harkis !!! ». Ce texte nous été envoyé par M. DELENCLOS « Connaître les accords d’Evian : les textes, les interprétations et les conséquences »
BURON Robert et les Harkis !!!
Dans le numéro spécial du journal algérien «El Watan» intitulé «19 mars 1962. Les Accords d'Evian. Une belle et terrible apothéose», Nadjia Bouzeghrane -directrice de «El Watan» en Frances'entretient avec Martine Buron (1), fille de Robert Buron, un des négociateurs français à Evian (2).
A la question de N. Bouzeghrane «Qu'est-ce qui a fondé la conviction de M. R. Buron qu'il
fallait négocier avec le GPRA et le FLN l'indépendance de l'Algérie?»,
M. Buron précise:
«Mon père appartenait au Mouvement républicain populaire «MRP» chrétien-démocrate versant
chrétien social...Les départements algériens ne faisaient pas partie de son domaine de compétence,
mais il s'est trouvé en contact, y compris en France, avec des historiens, des intellectuels, des
militants politiques qui avaient des relations avec des indépendantistes algériens.
Il y avait aussi un militaire français, le lieutenant Rahmani, qui, ayant manifesté des opinions pour l'indépendance de l'Algérie, avait été mis en prison par sa hiérarchie militaire, il venait souvent à la maison.» (3). Puis, M. Buron rapporte les raisons du choix de De Gaulle pour son père, pour participer aux «pourparlers préalables» -du 10 au 19.02.1962, aux Rousses- et aux accords qui ont été signés à Evian, le 18.03.1962-; il s'agit selon elle, d'abord d'un article de son père, publié en 1958 dans «Témoignage chrétien», dans lequel il évoquait la poursuite du travail de décolonisation qui avait été commencé dans les pays africains.
Selon M. Buron, De Gaulle aurait apprécié cet article, confiant à R. Buron: «Je connais vos idées, cela me convient bien.». Ensuite, la seconde raison, M. Buron la commente: «...et je pense que le général De Gaulle, bien informé par certains membres de son cabinet ou de son entourage, s'est dit qu'il y en a un qui a des contacts un peu différents des autres et une vision qui pourrait être utile, Robert Buron.».
Nadjia Bouzeghrane pose cette question: «Y a-t-il eu des clauses secrètes aux Accords signés le
18.03.1962?». Ce à quoi, M. Buron répond: «Je n'en ai jamais entendu parler. Mon père n'en parle
pas dans ses mémoires, il ne m'en a jamais parlé. En tout cas, s'il y en a eu, il n'était pas au
courant. Les services de renseignements sont des appareils vraiment secrets et tous les membres
d'un gouvernement ne sont absolument pas au courant de ce que savent dans un domaine donné un
ou deux responsables politiques, pas plus.».
Poursuivant son entretien, N. Bouzeghrane interroge: «Votre père a-t-il eu le sentiments d'une mission accomplie? L'a-t-il exprimé?» . Selon M. Buron: «A la fin des Rousses, il avait vraiment le sentiment d'une mission accomplie, mais 15 jours plus tard, à Evian, au moment de la signature définitive, il était plein d'inquiétude...Par ce que faisait l'OAS, parce qu'il y avait des attentats. Le cessez-le-feu était l'objectif premier, mais cela ne réglait pas tout. La situation n'était pas pacifiée. C'était à la mi-mars.
Un mois et demi après, dans le cadre de la transition, mon père est allé en Algérie en tant que ministre des Transports pour discuter de l'organisation transitoire concernant son département, et à l'aéroport d'Alger il a vu tous les pieds-noirs qui commençaient à partir. Ce qui est frappant, et là c'est une réflexion a posteriori, en relisant quelques années après les notes qu'avait prises mon père, il n'avait jamais été question des harkis. Mon père n'en a jamais parlé.».
La directrice de «El Watan» demande: «Que pensez-vous des Accords d'Evian et de leur
application?». - «Les Accords ont été un acte nécessaire mais insuffisant. Des accords concluant
un conflit marquent une étape, mais après,chacun évolue de son côté. Ce qui est profondément
désolant et qui désolait mon père, après, c'est que les relations entre les deux pays n'aient pas pu
être établies sur des bases plus apaisées et plus coopératives.
Mon père a été nommé, en 1963, président du Centre de développement de l'OCDE, et à ce titre, il est retourné en Algérie où il a eu des discussions avec des responsables à qui il avait dit: «Méfiez-vous, vous vous lancez dans une industrialisation forcée, alors que la richesse de l'Algérie et ses bases c'est l'agriculture. Ne laissez pas tomber l'agriculture qui permettrait un développement territorial harmonisé.».
(1) Martine Buron. (12.01.1944/) née à Neuilly-sur-Seine. Fille de Robert Buron. Ancienne
députée européenne. Maire de Châteaubriant (Loire-Atlantique). Le 17.03.2012, elle est
présente au colloque qui se déroule à Evian et côtoiera Alain Ruscio, Gilbert Meynier, Gilles
Manceron, Christiane Chaulet-Achour, Michel Wilson, président régional de «Coup de soleil», etc.
sans oublier la «FNACA» venue participer à la cérémonie commémorative du 19 mars...
(2) Robert Buron. (27.02.1910-28.04.1973). Inaugurant l'aéroport de La Sénia, près d'Oran, il
déclare: «Si nous avons investi des milliards pour la réalisation de cette oeuvre magnifique,
c'est pour démontrer que la France est décidée à rester ici et pour longtemps.». Le soir du
18.03.1962, après la signature à Evian des «accords», il note sur son carnet: «Ma signature figure
au bas d'un bien étrange document...». Commentant ce qui se passe dans le bled en Algérie, il
laisse tomber: «Le passades Huns!». (L'Aurore» du 17.05.1962). Il deviendra membre de
l'association «France-Algérie», créée le 20.06.1963. Alors maire de Laval, il favorisera
l'implantation d'une mosquée et, son épouse qui lui succédera, la fera bénéficier de son aide
bienveillante. A ses obsèques, le 04.05.1973, une délégation de l'ambassade d'Algérie viendra se
recueillir avec une gerbe de fleurs.
(3) Abdelkader Rahmani (1923/) né au cap Aokas (Algérie française). Lieutenant de l'armée
française. En 02/1957, avec 51 officiers algériens de l'armée française, il avait adressé une
supplique au président de la République, René Coty, réclamant de «la politique française qu'elle se
dirige vers une solution équitable...». Il sera libéré de la prison de Fresnes par De Gaulle, le
29.09.1958, puis, le 04.02.1959, il est mis en position de non-activité pour avoir exposé ses
«troubles de conscience.». Il sera par la suite, plusieurs fois condamné à mort par A. Ben Bella et
H. Boumediene. Il vit actuellement en Indre-et-Loire.