Opéra en trois actes avec ouverture, intermède et final
[Après le jambon persillé, la truite …]
par Chambolle
Premier acte: Les truites de l’Oncle Victor
L’oncle Victor est une légende familiale. Ce n’est pas mon oncle d’ailleurs, mais mon grand oncle. Plus vieux que mon grand-père de quelques années, il avait, comme lui, la moustache en croc, le verbe haut, la tête près du bonnet et de solides convictions républicaines. Un seul point les différenciait: si le cadet avait le vin gai, le plus vieux l’avait triste, solennel et patriotique. C’est pourquoi, à la fin des repas de famille, quand chacun chantait la sienne, mon aïeul entonnait « Le trou d’mon quai », et mon oncle trémolotisait « Le violon brisé » (Ils ont cassé mon vi-o-lonnn, parceeeeuuu que j’ai l’âme française…) On lui pardonnait ce léger défaut, en faveur de ses talents culinaires qui étaient grands et dont il faisait profiter avec générosité ses parents et amis.
A cette époque lointaine et à la notable exception de la morue et du hareng saur, tous deux synonymes des privations qu’imposaient le Carême ou la simple dèche, le poisson de mer était ignoré des habitants de la vallée de la Saône. En compensation, la pollution au pyralène leur était inconnue (1). Ils consommaient donc allègrement carpes, anguilles, tanches, brochets, gardons, perches, truites et même la mythique lotte de rivière.
Les poissonniers conservaient ces poissons dans leurs viviers. Ils les en tiraient selon les besoins de la clientèle. C’est ainsi qu’en toutes saisons, les amateurs pouvaient trouver les ablettes et les gardonneaux de leurs fritures, les tanches de leurs matelotes ou, les anguilles, perches, carpes, brochets de leur pochouse laquelle est au Bressan ce que la bouillabaisse est au Marseillais. Il y avait aussi des truites, prises près des sources de la Loue et de la Seille quand, sortant du Revermont, elles ne sont plus torrents et pas encore rivières.
[Ici le fameux “vent des rameaux” ! 2008 ! vers midi …]