REVIEW – Les gars d’Austin s’arrêtaient enfin en Suisse avec leur troisième galette sous le bras, LIVE MUSIC, album bien moins excitant que le BE BRAVE précédent. Et sous les arches, un calme assez plat également.
J’ai découvert The Strange Boys avec un tube, entendu comme ça par hasard lors d’une fête en aparté et en appartement. "Be Brave", single du deuxième album du même nom, carburait aux ingrédients classiques du garage rock anglais seventies ; un titre échappé des compiles Nuggets que j’eu oublié ? Non, "Be Brave" est un titre des années 2010. Vlan. Alors passéiste, vieille formule garage, voix à la fois marquante mais d’un mimétisme dylanien, l’harmonica criant comme compagnon de route inévitable, … oui. Mais des titres bougrement efficaces et un sens de la mélodie bluffant, "A Walk On The Bleach" ou "Night Might" illustrant parfaitement le leitmotiv de son de vieille radio texane, avec une touche country bien là, mais assez discrète pour ne pas être indigeste. Novembre 2010, ils se produisent au White Trash Fast Food à Berlin, dans la salle en sous-sol. On se promet alors un voyage dans le temps. Concert annoncé à 22h, les loubards ne balanceront la première note que minuit passé, lorsque le public – et très certainement les Strange Boys – eu absorbé assez de vodka-mate pour se décoincer. Un concert pour le moins décadant, les quatre musicos jouant de plein pied devant nous, Ryan Sambol scandant son texte à notre attention plutôt qu’à celui de son micro ; tout le caractère punk de leur debut album THE STRANGE BOYS AND GIRLS CLUB se reflétait dans cette performance, donnant à leurs titres aux allures les plus sages (comme "Friday in Paris") une résurgence agressive bien dosée. Un album mis en abîmes comme le savent le faire également The Black Lips. Inutile de dire que je me réjouissais de revoir les loufoques sur scène, et ce malgré plusieurs mauvaises augures, dont la mélasse qui ambaume leur dernier album LIVE MUSIC.
© Photos : Hadrien Häner
Les Strange Boys semblent ne pas avoir opté pour une démarche « plus vite, plus grand, plus fort » ; au contraire, plus les albums sortent, plus ils semblent s’imposer de contraintes, préférant répéter la formule des ballades les moins pimpantes. LIVE MUSIC (un titre pour le moins antinomique tant l’abandon de la touche lo-fi est criante) comporte cependant ses tubes mélodieux, "Me and You" en tête, grossis par un nouvel invité, le clavier. Le pianottement donne un goût plus maniéré, tombant dans le piège folk remâché sans charme dans lequel s’est vautrée une ribambelle de groupes actuels (constat pas très éloigné de celui opéré par Laurent Kung sur le cas St. Vincent et le désir d’un professionnalisme dérouté). Convier un nouvel acteur à sa gamme, en l’occurrence le clavier, ce n’est pas forcément se réinventer et donner une plus grande densité à son œuvre. Là, l’instrument noble assagit le tout, même la voix en studio et en live de Ryan Sambol s’est – semble-t-il – lissée par des cours de chant intensifs, la dépouillant de son identité qui accrochait l’oreille. La performance de ce vendredi au Romandie semblait suivre cette pente, le concert n’ayant plus rien à voir avec celui vécu il y a un an et demi.
Sur scène, les Strange Boys semblent des enfants sages, mais tout de même très communicatifs avec le public. La joie de jouer est là, Ryan Sambol semble se réjouir d’abandonner sa gratte pour se poser au clavier. Ça veut commencer fort, avec "Night Might" si je me souviens bien, l’un des tubes piquants de BE BRAVE ; le titre du même nom prendra sa place en milieu de set après une suite de ballades où la bande n’aura plus investit son agressivité. Du coup, le morceau ne fait qu’acte de présence, et les petits nouveaux, hormis "Me and You", n’imprègnent guères le tympan. Le set souffrira surtout d’une cadence globale salement indolente, le groupe ne semblant pas avoir de setlist clairement définie et les problèmes de son n’aidant pas (la performance assez réjouissante des Mondrians, en première partie, endurait déjà cette entrave indépendante de leur responsabilité). De nombreux titres sont entrecoupés de réclammations du groupe à l’égard de l’ingé-son, les temps-morts n'en finissent pas: la continuité perd ainsi tout rythme et le concert – par extension – toute mon attention.