C’était à prévoir : les chamailleries entre les deux socialistes pour la timbale élyséenne font rage et la presse frétille à l’idée de relayer bruyamment, en pleines pages couleurs, chaque vitupération et autre borborygme de l’un ou l’autre qui permettra de faire pencher définitivement la balance, de préférence avant le scrutin du 6 mai. Pendant ce temps, l’économie encaisse. Mal.
Le second tour se profile donc avec tout ce qu’on pouvait imaginer de hargne, de sang, de chique et de mollards. Du reste, ils étaient espérés par les journalistes en mal de sensations fortes : ce n’est pas comme si la crisounette économique avait rassasié leurs appétits de palpitations. Alors, ils s’en donnent à coeur joie, surtout qu’en plus, bonheur « inattendu », le FN s’est mis à jouer les trouble-fête dans cette pourtant si belle démocratie que le monde entier regarde.
Notez bien, ici, qu’on aurait eu un troisième larron en la personne de Mélenchon, là, pas de trouble-fête et de résultats gâchés par l’encombrante présence ! C’eut été supayr. Mais bon, ces imbéciles d’électeurs en ont décidé autrement.
Alors, la presse toute entière s’est vouée à rattraper cet affront au bien penser comme il faut. Il faut dire que cette presse est, très largement, acquise au Camp du Bien et qu’il ne faudrait surtout pas qu’elle puisse laisser passer l’occasion de bien expliquer, à tous et toutes, le sens profond de ce vote lamentable, qui rappelle, comme le disait sans rire certain éditorialiste de Marianne sur de sérieux plateaux d’Europe-1, les Zeures Les Plus Sombres de Notre Histoire.Car ce qu’on voit poindre, là, c’est évident, ce sont les jeux de jambes excités de certains pour récupérer les voix du Front National. Cependant, attention, je vous arrête tout de suite, si la récupération est tentée par un homme de gauche — au hasard, François H. — c’est la nécessaire main tendue aux brebis égarées d’un socialisme qui n’a pas su les convaincre. Et zou, on peut alors se permettre une jolie Une, comme celle de Libération le 24 avril :
Et là, bien sûr, personne, en France, ne trouve à redire. On est ici dans le social, le geste humanitaire, en quelque sorte, la « récupération » au sens premier c’est à dire à la fois le pardon et le rattrapage, le recyclage en quelque chose d’à nouveau utile et bon. Ce n’est pas comme si un (sale) type de droite tentait la même chose. Là, ce serait, forcément, veule, fourbe et la manœuvre basse et calculatrice d’un être prêt à tous les machiavélismes pour arriver à ses fins, quitte à se vautrer dans la fange putride dans laquelle s’ébroue la Bête (dont le ventre est bien sûr fécond, et tout ça). Illustration : la une suivante aurait déclenché un tollé.
Tout ceci est bel et bien bon et cela permet d’oublier nos petits soucis quotidiens, comme le lait qui a tourné, les poubelles à sortir, le verre à ramener à la consigne et … les catastrophes économiques qui s’accumulent avec un rythme soutenu.
Gasp ! Les Pays-Bas s’approchent d’un véritable krach politique avec la démission du gouvernement du Premier ministre Mark Rutte, et dès lundi matin, les taux de l’ensemble des pays de la zone euro qui se tendaient. Le taux de l’OAT de l’Etat français est monté à 3,098% (contre 3,081% précédemment), et celui des Pays-Bas de 2.314% à 2,380%, ce qui, avec la crise politique, pourrait entraîner la perte de son AAA.
Alors vite, parlons de ce petit fachiste de Buisson, qui mène la campagne de Sarkozy dans les contrées qu’on sait !
Gosh ! Le ministre espagnol du Budget, Cristobal Montoro, montre des signes évidents de panique et estime que son pays est «dans un moment d’extrême fragilité». L’Espagne a levé près de deux milliards d’euros et vu, dans la foulée, ses taux d’intérêt presque doubler.
Bon, restons calme : parlons des déclarations de Marine Le Pen. C’est important, ça, hein.
Flûte ! La récession grecque, déjà d’un joli gabarit, promet d’être un peu plus sévèrement burnée que prévue. Le pays, qui connaît sa cinquième année consécutive de récession, a bien bénéficié des larges mannes européennes, mais manifestement, ça ne suffira pas (là, on entend les libéraux du fond de la classe crier « Suuuuurprise ! »).
Pas de raison de paniquer. Évoquons plutôt les fines analyses de la presse sur la notion de « vrai travail » lancée par Sarkozy comme un os à ronger.
Argh ! L’immobilier n’est plus du tout aussi booming et détendu du crédit qu’il l’était avant ! On dirait même qu’on va se prendre un petit grain ! Pourtant, ça ne peut pas descendre, enfin voyons ! C’est du solide, l’immobilier ! Et puis y’a plein de pénurie ici, là, et là, avec des familles qui se recomposent à tire-larigot et du PTZ+ qui déboule à gros bouillon, non ? (là encore, on entend les libéraux du fond de la classe crier « Suuuuurprise ! »)
Non ?
Ah zut alors.
Heureusement, les jeunes préfèrent Hollande, interrogeons-nous sur la stratégie Sarkozy pour le deuxième tour, et surtout, évaluons bien la nécessité d’un, de deux ou de trois débats !
C’est IN-DIS-PEN-SA-BLE !