On le savait. Rien n'irait au Salon du Livre de Paris cette année. Prendre Israël en invité d'honneur pour le "60ème anniversaire de sa création" n'était pas l'idée la moins polémique possible. Que l'on adhère ou pas au boycott, cette énième épisode montre bien la fracture qu'il peut y avoir entre l'état hébreu et les pays arabes, mais plus intéréssant encore, de la manière dont nous, occidentaux, jetons un oeil sur tout ça. Presse et autres penseurs et philosophes (ou pseudo) s'en donnent à coeur joie de crier leur avis. "'C'est un scandale", "une honte", "je les comprends !" On a eu droit à tout ces derniers mois, et la même polémique qui avait déjà eu lieu pour le Salon du Livre de Turin n'annonçait vraiment rien de bon. Alors ce fût la valse, la danse parfaite, et à qui critiquerait le mieux les pays arabes pour leur "sectarisme" et autre "hypocrisie", et à qui critiquerait le mieux Israël pour sa politique "honteuse" et "digne de l'apartheid Sud-Africain" envers la Palestine (que certains préfèrent encore appeler territoires occupés). Certaines personnes, journalistes ou bloguers, ont tenté de faire la part des choses, de trouver le sacro-saint juste milieu ; et d'autres, plus nombreux, ont préféré au même titre que nos "élites" foncer têtes baissées dans ce débat stérile qui fait rage depuis tant d'années. Car que l'on nous ne la fasse pas. C'est toujours le même cirque, la même pièce qui se joue sous nos yeux depuis 60 années. Et à nos démocraties de s'élever et de s'écrier, prenant partie une fois à droite, une fois à gauche, comme elles l'ont toujours fait. Quoique, ce fait reste discutable aujourd'hui : elles ne penchent que d'un côté et font semblant d'équilibrer grâce à de nombreuses promesses et sourires de l'autre côté. Ce que l'on peut tirer de tout ce remue-ménage c'est que si Israël à clairement le droit de s'exprimer, la Palestine a tout autant (si ce n'est plus) le droit de montrer et de crier sa douleur. Les événement récents ne peuvent que nous le rappeler chaque jour un peu plus... Mais faut-il en vouloir pour autant aux auteurs ? A vrai dire nous pourrions dire oui et non. Oui car certains contribuent par leur plume à ancrer la politique actuelle de l'état hébreu comme "normale" ; Non car certains n'y sont absolument pour rien et dénoncent corps et âmes cette même politique.
Mais alors faut-il pour autant en blâmer ceux qui boycott ? Là encore oui et non. Oui car le dialogue n'avancera pas vraiment ; mais tout autant Non car nous savons tous qu'il faut des coups d'éclats pour que la masse se réveille et fasse entendre sa voix. Car après tout, pourquoi ne pas crier alors que nous sommes tous aujourd'hui certain que Annapolis ne nous mènera à rien ? Et si cet article fait bien faible figure par rapport à la joute verbale et écrite que certaines personnalités ont pu se livrer ces derniers mois, il n'en reste pas moins qu'il reste une sorte d'appel à la raison. Non pas qu'il ne fasse pas avoir de point de vue et le crier haut et fort, mais plus car c'est un véritable appel au secours qui est lancé cette année. Car oui, après tout, pourquoi personne ne l'a t'il vu de telle manière ; un appel au secours ? Oui, la politique actuelle de l'état d'Israël envers la Palestine doit cesser. Oui, tout autant, Israël doit pouvoir s'exprimer. Mais quand on voit les deux parties s'étriper pour une question si futile alors que tant de pas sont à faire vers la paix on peux se poser de nombreuses questions... Et ces mêmes parties qui disent tant en faire ne sont-elles pas tombées dans le piège absurde qu'elles même se sont tendu ? Après tout, ça ne me gênerais pas de voir le salon du livre de Paris accueillir Israël ET la Palestine en invités d'honneur. Car là ce n'est pas pareil. Et que l'on commémore l'anniversaire ou la Nakbah et bien on aurait pu parler, pour de bon cette fois. Car ce qui se passe aujourd"hui dans cette région du monde ne doit pas être pris comme un problème entre deux états ; mais plus comme un problème où le monde doit se pencher, maintenant. Et ce n'est pas en offrant un coup de pub à Israël que les Arabes se sentiront sur le même pied d'égalité, et ce n'est pas en offrant ce coup de pub à Israël que le gouvernement hébreu comprendra qu'il a besoin d'humanisme, et non d'être renforcé dans ses idées par une absurde polémique ! Parce qu'après tout, les auteurs ont-ils besoin de se justifier de leurs actes, n'est ce pas une démarche personnelle et privée, et non un morceaux de viande sur laquelle se jeter, affamé ? Nous parlons, nous parlons et rien n'avance. Nous crions, jurons, hurlons et tout stagne. Les Grands se moquent bien de ce qui se passe et doivent bien se rouler de rire du haut de leur tour d'ivoire, vendant missiles à l'un et "aide humanitaire" à l'autre. Car c'est bien eux qui tirent les ficelles. Et nous, nous tous, jouons à leur jeu stupide et rabaissant. C'est pour ça que je boycotterais le Salon. Car là-haut ils se foutent clairement de nous. Et j'irais au Salon pour débattre ; et je re-boycotterais pour dénoncer. Comme ça c'est clair. Je ferais la girouette un jour et puis l'autre juste pour bien montrer aux organisateurs que si je n'approuve pas la politique actuelle de l'état hébreu, je viendrais quand même pour débattre, tenter de comprendre chaque point de vues. Et pour le cas des auteurs et détracteurs : chacun avait sa vision de la chose, son envie de faire et nous n'avons à blâmer aucun des deux camps pour ses prises de positions. Le vrai débat vient de là. Et c'est bien triste qu'il se soit fait par le biais de la presse et non à la porte de Versailles... Merci aux organisateurs d'un choix si judicieux... --*-- Quelques articles pour aller plus loin : Amos Oz : "En Israël on veut des écrivains prophètes" par Rue89
Sayed Kashua : "My French Boycott" par Haaretz Tariq Ramadan : "Israël, le sens d'un boycott : il s'agit de ne pas nous taire !" "Salon du livre : la littérature israélienne dans tous ces états" par l'AFP "Boycotter ou pas, les écrivains arabes divergent" par As Safir (traduit par Courrier International) "Polémique sur la présence d'Israël au Salons du livre de Paris et de Turin" par Pierre R. via Cent Papiers "Le Salon en otage" éditorial du Monde du 13 mars