Dans une interview par
Laure Bretton pour le journal Libération, François Hollande revient sur les résultats du premier tour et ses intentions pour pour la bataille de l'entre deux tours.
Au lendemain du premier tour, quelle est votre analyse du vote des Français ?
J'ai remporté une première victoire, les Français m'ont placé en tête. C'est une première dans l'histoire de la Ve République. Le candidat sortant a perdu. Contrairement à ce qu'il plastronnait,
il est arrivé second. Et sa prétendue «stratégie» fondée sur «le croisement des courbes» s'est écroulée.
Dans votre déclaration à Tulle, dimanche, vous en venez très rapidement au vote FN…
C'est normal, le résultat obtenu par le Front national est une donnée marquante du scrutin. Le vote FN a changé de nature entre 2002 et 2012. Il est moins haut dans un certain nombre de villes et
il est plus fort dans des territoires ruraux qui en avaient été jusque-là préservés. Qu'est-ce que cela révèle ? Un mécontentement agricole, des électeurs qui, sans doute de droite, ont voulu
sanctionner le candidat sortant en allant vers Le Pen. Et aussi un électorat de souffrance, composé de petits employés, d'artisans, d'ouvriers qui vivent vraiment un sentiment d'abandon. C'est ma
responsabilité de m'adresser tout de suite à ces électeurs qui n'adhèrent pas forcément aux idées du FN, l'obsession de l'immigration en particulier, mais qui expriment, avant tout, une colère
sociale.
Le vote Front National est-il un vote d’adhésion ou un vote protestataire ?
Les deux. Il y a pour une part une adhésion à l'extrême droite, clairement assumée, et même parfois une adhésion personnelle à Marine Le Pen. Et puis un vote d'utilisation, d'instrumentalisation,
de protestation. Il exprime une volonté de sanctionner, pas simplement le candidat sortant, mais le système politique, l'Europe et la mondialisation.
A qui s’adresser entre les deux tours ?
D'abord à l'électorat de gauche qui, quel que soit son vote de premier tour, ne veut pas se détourner de son objectif et veut sanctionner Nicolas Sarkozy. L'erreur que je ne commettrai pas,
c'est, pour parler aux autres, d'oublier les nôtres. Le vote Mélenchon, c'est un vote de transformation, de contestation, de colère, presque de manifestation dans tous les sens du terme. Jean-Luc
Mélenchon a su avec talent incarner cette aspiration. De la même manière, l'électorat écologiste va bien au-delà du score d'Eva Joly. L'ignorer écarterait un certain nombre de citoyens qui ont
envie de changement. Etre le président de tous ne veut pas dire être un président qui viendrait de nulle part. Je suis socialiste, je suis le représentant de la gauche, mais je m'adresse à tous
les Français, car je veux être le président du rassemblement.
Quelle campagne allez-vous menez ?
D'abord, il faut mobiliser les électeurs qui ne sont pas venus voter. Il faut aller chercher celles et ceux qui peuvent se dire, à tort, que c'est déjà gagné. Deuxièmement, il faut parler à tous
les républicains sincères qui ont à coeur l'intérêt de la France. Enfin, il y a l'électorat de Le Pen, dont une part vient de la gauche et devrait se retrouver du côté du progrès, de l'égalité,
du changement, de l'effort partagé, de la justice, parce qu'il est contre les privilèges, contre la mondialisation financière, contre une Europe défaillante. A moi de les convaincre que c'est la
gauche qui les défend.
Sarkozy s’est emparé du thème de l’Europe qui, selon lui, ne protège pas assez. Il veut s’adresser à la France du non. Vous aussi ?
Seule une très faible partie des électeurs du non s'est portée sur le candidat sortant. Il est identifié à l'Europe libérale et d'austérité telle qu'elle est. Il en a été le dirigeant et même
l'inspirateur au moment de la crise. Il est vu comme celui qui n'a rien fait ou, pire, celui qui a défait. Que ce soit sur la faiblesse des dispositifs pour lutter contre la spéculation ou sur la
question de l'immigration.
C’est un sujet dont vous avez peu parlé avant le premier tour…
C'est vrai que Nicolas Sarkozy l'a copieusement instrumentalisé depuis le début de sa campagne ! Il a annoncé qu'il voulait réduire de moitié l'immigration. Mais c'est un fait incontestable : il
est depuis dix ans responsable de la politique migratoire et le flux annuel de nouveaux migrants n'a pas diminué. Tout simplement parce que l'immigration zéro n'est pas possible et l'immigration
divisée par deux, à 100 000 personnes, supposerait de contrevenir à bien des principes de droit européen et international. Je me refuse à la caricature, je dénoncerai les mensonges sur la
régularisation des sans-papiers. La gauche, depuis des années, considère que la maîtrise des flux migratoires doit être poursuivie avec une lutte plus efficace contre les filières clandestines.
Sur ces questions, je n'ai ni mauvaise conscience ni davantage l'intention de verser dans la surenchère.
Après ce premier tour, vous êtes confiant ?
Nous avons réuni les conditions de la victoire, mais il y a une campagne à faire jusqu'au bout. Je suis donc tranquille et confiant. La preuve de l'inquiétude de Nicolas Sarkozy, voire de son
improvisation, c'est qu'après avoir demandé deux débats de second tour, il en demande désormais trois ! Il a échoué à l'écrit, alors il voudrait multiplier les oraux dans l'espoir de se rattraper
!
Ne craignez-vous pas cette confrontation ?
Non. Regardez tout ce qu'il avait claironné : que les courbes allaient se croiser, que j'allais faire moins de voix que Ségolène Royal en 2007. Tout a été démenti ! C'est ça, Nicolas Sarkozy,
toujours l'esbroufe. Cela ne m'inquiète pas.
Comment abordez-vous le débat du 2 mai ?
Très sereinement. Je pense que ce doit être un moment d'élévation. Le candidat sortant veut en faire un pugilat, car il n'a pas le choix. Il est comme un coureur qui a été distancé et essaye
d'attraper par le maillot celui qui est devant. Je veux être offensif sans tomber dans un combat de catch. Je rappellerai son bilan et je montrerai le chemin que je veux pour la France : le
redressement dans la justice.
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Source : FH2012