Lundi, il n'avait pas compris. Il cherchait encore une France silencieuse qui pourtant s'était exprimée plus de 80% dimanche soir. Il cherchait les « vrais travailleurs », dénonçait une gauche qu'il cherchait au Fouquet's, s'agaçait des délocalisations qu'il n'osait reconnaître comme bilan.
L'échec
Le 21 avril 2002 avait laissé un traumatisme, surtout à gauche. Malgré de bons résultats économiques, la gauche plurielle n'avait su convaincre. L'insécurité avait été agitée comme un fabuleux sujet. On lui attribua la principale responsabilité dans la qualification du Front national du second tour. Dix ans plus tard, le constat est pire pour Nicolas Sarkozy. Il a sauvé sa qualification de second tour. Mais son double échec devrait interroger.
Il a rétréci la droite parlementaire à son plus faible étiage de la Vème République, à peine un quart des voix. Par rapport au premier tour de 2007, il a perdu environ 2 millions de voix. Et il fait progresser le Front National. En 2002, Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret avaient attiré 5,5 millions des suffrages. Dix ans plus tard, l'unique candidate du Front National rassemble 6,4 millions des votes sur son nom au premier tour de cette présidentielle 2012. Que s'est-il passé ?
En 2002, on accusa la gauche d'ignorer les « vrais » problèmes, de pratiquer l'angélisme. Nicolas Sarkozy a cru qu'il suffisait d'en parler pour convaincre. Encore fallait-il obtenir des résultats. L'échec de Nicolas Sarkozy en matière de lutte contre l'insécurité est patent. En 10 ans, les atteintes aux personnes ont progressé de 87.000 actes: de 381.000 en 2002, elles ont régulièrement progressé pour atteindre 468.000 l'an dernier !
Et pourtant, depuis 2002, la boulimie législative de Nicolas Sarkozy a largement écoeuré jusqu'à son propre camp. Pour le simple dernier quinquennat, la multiplication des lois, pour de si mauvais résultats, a décrédibilisé Nicolas Sarkozy. Ce dernier s'est révélé dangereusement incompétent. Même la Cour des comptes, en juillet dernier, s'est inquiété de la mauvaise gestion des forces de l'ordre.
Sans réponse
Lundi matin, Nicolas Sarkozy et ses proches avaient la gueule de bois. On les a vu défiler, un à un, pour s'enfermer pour l'une de ses traditionnelles réunions dites « stratégiques». Patrick Buisson, le brillant conseiller qui convainquit Nicolas Sarkozy de cette stratégie frontiste, n'était pas venu. Ils cogitèrent durs pour tenter d'imaginer comment favoriser les meilleurs reports de voix au second tour.
Tout ça pour ça... A Donzère, la ville dont Eric Besson, l'ancien ministre de l'identité nationale qui organisa le sinistre débat éponyme, le Front national est arrivé devant l'UMP. A Meaux, la ville de l'avocat-député Jean-François Copé, François Hollande est arrivé en tête.
Un désaveu ? « Je ne le crois pas, bien au contraire ». Guillaume Peltier, l'ex-frontiste devenu expert ès sondages vivait sur une autre planète. Il tenta de défendre son mentor sur iTélé puis France Inter. La veille, il confiait: « Si on n’avait pas eu ces thèmes forts, Marine Le Pen aurait été encore plus haut » Ah, la belle excuse.
Louis Alliot, vice-président du FN et compagnon de Marine Le Pen déclara attendre « l'implosition de l'UMP » après la défaite.
Les vrais travailleurs ?
En sortant de son QG, lundi matin, Nicolas Sarkozy confia à la nuée de journalistes qui l'attendaient qu'il avait décidé d'une manifestation pour le « vrai travail ». Il était clair qu'il avait choisi sa posture, guerroyer sur le terrain même du Front National. Et tant pis pour l'électorat centriste. Patrick Buisson était finalement toujours aux commandes. « Le 1er mai, nous allons organiser la fête du travail, mais la fête du vrai travail, de ceux qui travaillent dur, de ceux qui sont exposés, qui souffrent, et qui ne veulent plus que quand on ne travaille pas on puisse gagner plus que quand on travaille». Qui fera le tri ? « On défendra, nous, le vrai travail, pas le statut.» Sarkozy continuait sa croisade contre les syndicats.
Vers 18 heures, Nicolas Sarkozy était à A Saint-Cyr-sur-Loire, dans une petite salle. Finalement, son planning de campagne avait à peine changé. La veille à la Mutualité, il avait pourtant promis d'aller « partout », « à la rencontre de chaque Français ». Ce n'était que des mots, comme toujours.
A Saint-Cyr-sur-Loire, Sarkozy était hargneux. On aurait cru qu'il voulait en découdre avec les mains. Il avait oublié qu'au 2nd tour, on rassemble. Qui voulait-il rassembler ? Qui pouvait-il rassembler ?
Irresponsable.
Nicolas Sarkozy, bien sûr, était irresponsable de son propre bilan. « Les délocalisations, dans vos territoires, ce n'est pas acceptable. » Il avait raison, mais il n'avait rien pu faire contre la disparition de 900 usines en 5 ans. Il s'évertua à fustiger la technocratie. Il s'amusa de ces grandes entreprise squi, la crise aidant, avaient réclamé l'aide des Etats. « Quand la crise a soufflé, ils ont chacun retrouvé leur président.» A ces banques et autres groupes, que n'avait-il pu imposer quelques contre-parties en matière d'emploi ou de gouvernance ? Evidemment, il n'en fut pas question devant cette assemblée transie d'inquiétude de militants qui voulaient encore croire au rêve Sarkozy.
« Et les retraites payées avec une semaine de retard, alors que les loyers sont payés le 1er ? » Son ministre du budget avait refusé la mesure il y a deux ans.
Triste sire...
Don Quichotte
A Saint-Cyr-sur-Loire , Sarkozy s'inventait des combats, comme celui contre la « technocratie » qui n'aurait rien compris. N'était-il ministre ou président depuis 10 ans ? N'avait-il placé nombre de proches, d'amis, de proches amis à la tête des administrations policières, judiciaires, voire bancaires ?
Il s'inventait des polémiques: « C'est un scandale, parce qu'on ose prononcer le mot immigration. C'est un scandale ! » Les sondages, y compris ceux de son proche institut Opinion Way, semblaient indiquer que la France s'inquiétait surtout du chômage, de la précarité, de la santé publique qui devient privée.
« Ne pensez pas à nos dettes, il n’y a pas de dette ! Ne pensez pas à l’Europe, il n’y a pas d’Europe ! Quant aux chinois n’y pensez pas, ils arrivent » Mais de quoi parlait-il ?
Mais Sarkozy s'obstinait. La Burqa était son moulin à vent dont il était le Don Quichotte. Trois cent verbalisations « La Burqa, ce n'est pas anecdotique ». Sarkozy n'avait pas retenu la leçon. Il se pensait en 2002 ou peut-être même en 1986. Nous étions en 2012.
« Le travail qui rapporte moins que l'assistanat, c'est une véritable injustice ! » Mais de quoi parlait-il ? Connaissait-il seulement le montant des minima sociaux ?
« Je voudrai dire un mot à mon contradicteur : comment voulez vous sortir de la crise si vous niez la crise. Comment inscrire la France dans le monde si on nie la réalité du monde » Mais de quoi parlait-il ? Accuser François Hollande de nier la crise, quand toute sa campagne ne portait que que sur le redressement d'une France abîmée était curieux. Dans la salle, les applaudissements étaient hésitants.
Le président des Riches eut cette formule malheureuse, le clown ne mesurait plus qu'il en devenait ridicule: « Je veux parler aux petits, aux sans-grade, aux ruraux, aux petits retraités, qui ne protestent pas mais ont le droit d'être respectés.»
Il cherchait pourtant encore cette France silencieuse. Elle s'était pourtant largement exprimée, ce dimanche, avec une participation quasi record de plus de 80%.
Désespéré
Il conclua dans la polémique. Il rappela sa fumeuse anecdote, vieille de 10 jours quand il passa sur France Inter. Puis fustigea: «Je n'accepterai pas de leçons de morale d'une gauche qui voulait installer DSK à l'Elysée » déclara celui qui l'avait installé au FMI en juin 2007.
L'homme du Fouquet's et des weekends à Marrakech dénonça cette gauche qui « dîne dans des restaurants de luxe » et qui « invite dans ses meetings des exilés fiscaux ».
En début de meeting, il était stressé, grave, désespéré. «Je ne me permettrai pas de juger les Français dont je ne connais pas les souffrances.» C'était un avis d'impuissance : « Je n’ai pas à donner de leçons de morales. J’ai vu qu’on leur faisait le reproche d’avoir voté pour les extrêmes. Je ne le leur reproche pas. Il y a des Français qui pensent que les choses ne peuvent pas continuer ».
Il avait raison. « Il y a des Français qui pensent que les choses ne peuvent pas continuer ».
Le changement devait être sans lui.
Ami sarkozyste, lâche ton candidat.