Ce qui était moins attendu en revanche, du moins par les sondeurs et sans doute par la plupart des gens, dont moi, c'est le score du Front National. 18%, et surtout, surtout, 1 600 000 voix de plus que son père lorsqu'il avait été qualifié au second tour en 2002. 33% de plus. C'est considérable, et très inquiétant.
A mes yeux, le premier responsable de cette envolée est Sarkozy. Ca me semble incontestable. Lui et ses lieutenants si occupés à "syphonner" les voix du FN qu'ils n'ont pas compris qu'ils ne faisaient que souffler sur les braises. Enfin pas compris... Le problème est là, ils n'ont agit que par un cynisme ignoble, honteux, contraire aux valeurs de cette République qu'il ne cesse d'avoir à la bouche. "Défendre la République" disent-ils, quand ils ne font que l'affaiblir en dressant les gens les uns contre les autres.
Sarkozy, Guéant, Lefebvre, Morano, Copé (j'en oublie sans doute), et bien entendu tous les élus de la droite populaire, n'ont eu de cesse pendant 5 ans de stigmatiser les étrangers, les immigrés, les roms; d'amalgamer musulmans (même ceux qui ne le sont que "d'apparence") et islamistes. La coupe n'a pas été remplie, elle a été remplacée par un tonneau, plein à ras bord. Une honte. Systématiquement défendue, soutenue, encouragée par Sarkozy.
Si son attitude était un calcul, il était bien mauvais, et bien stupide. Car comment n'aurait-il pas compris, qu'ayant déçu sur le front de la sécurité, les électeurs proches des thèses frontistes n'allaient pas se laisser prendre une deuxième fois ? Il faudrait vraiment qu'il ait été aveugle au rejet dont il fait aujourd'hui l'objet. Mais je ne crois pas qu'il était aveugle. Je crois que ces idées sont aussi les siennes depuis le début, et que c'est une des raisons qui l'a poussée à les réutiliser lors de cette campagne.
Mes craintes vont au-delà de la montée du FN. Car je crois que ce qui est véritablement en jeu, c'est le racisme qui grandit dans notre pays. J'en discutais avec mon directeur récemment, qui me disait qu'il ne partageait pas cette opinion. Qu'autour de lui il ne voyait quasiment pas de gens racistes, que des personnes aux discours modérés, tolérants. Mais mon directeur vis dans le 2è arrondissement de Paris. Le Pen y a fait moins de 5% des voix.
Paris aujourd'hui me fait l'effet de New York aux Etas-Unis. Paris est cosmopolite, accueille une part très importante de personnes venant des régions, et de travailleurs ou étudiants étrangers, venant de tous les pays. Des gens dont le niveau de diplôme et de revenus sont supérieurs à la moyenne nationale. Dans notre tradition centralisée Paris est une sorte de phare qui représente la France dans toutes ses dimensions. On dit parfois Paris en lieu et place de la France. On a tort. Profondément tort. La France est au moins autant celle des campagnes que celle des villes. Et précisément, le vote FN vient des campagnes.
Je lis régulièrement les nouvelles sur les sites d'informations grand public : Yahoo, les journaux en ligne comme Le Monde, Le Figaro, Libération, ainsi que les "Pure Players" comme on dit. Depuis quelques mois, ma façon de lire les informations que donnent ces sources à changé. Je ne lis en gros que le titre des articles, puis je vais tout de suite aux commentaires. Parce que c'est là que les gens s'expriment. Et qu'ils donnent ainsi à mes yeux une information très importante sur l'état d'esprit de notre pays. Ce d'autant plus que l'effet Internet jouant, les gens souvent "se lâchent", disent le fond de leur pensée sans détours. Et ces commentateurs viennent de partout, de Paris, mais aussi de toutes les régions, campagnes comprises.
Il faut lire ces commentaires, aller découvrir ce que disent les gens sous les articles qui parlent de faits divers, ou des sujets autour desquels ont trouve les plus fortes caricatures de débat : l'immigration, la sécurité, le système d'aides sociales. On prend peur au début, mais il faut lire tout ça, entre les commentateurs qui soutiennent ouvertement les actes d'un Breivik (mais oui on en trouve, et pas qu'un), ceux qui amalgament systématiquement délinquance ou insécurité aux étrangers, forcément musulmans, ceux qui réclament le retour de la peine de mort, etc. Il faut le lire parce que c'est ça la réalité aujourd'hui. Les gens qui ont ces idées sont nombreux, très nombreux. Et le racisme lui, va bien au-delà des 18% qui ont voté Le Pen dimanche. Plusieurs études dans les dernières années montraient que les idées racistes dépassaient les 50%. Je n'exagère pas, et je n'invente pas pour la cause de mon billet.
Je me demande si le mécanisme des législatives n'a pas jusqu'ici desservit la nécessaire prise en compte de ce que signifie le vote FN. Car il masque complètement ce vote, en ne lui accordant aucun siège. Il nous permet de faire l'autruche, comme le fait que Marine Le Pen n'ayant pas passé le premier tour fait que les réactions aujourd'hui sont beaucoup moins horrifiées qu'il y a 10 ans. Pourtant la situation est pire. Mais nous sommes incorrigibles. Tant qu'un risque ne nous met pas au pied du mur, nous ne réagissons pas. Nous ne savons agir que dans la pression de necessité, quitte à laisser la situation pourrir jusqu'à être irrécupérable.
Alors ne mettons pas nos oeillères cette fois-ci. Regardons le racisme de notre pays en face. Ne le sous-estimons pas. Cela devient à mon sens, de fait, un des défis majeurs que François Hollande, une fois élu, devra relever. Car il est impensable qu'un Président n'agisse pas pour résorber les dissensions qui frappent la population de son pays. C'est quasiment sa fonction première. Une action contraire est une folie.