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Commentaires épars sur une élection en cours

Par Alainlasverne @AlainLasverne

 

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e ne cache pas mon drapeau de citoyen écrivain. Le mien est rouge. Le vote Melenchon me paraissait le plus capable de changer les choses en profondeur. Sans illusions et non sans peurs, eut égard au fait que le personnage en question a un passé social-démocrate qui ne le prédisposait pas aux grands bouleversements, sans compter les logiques d'appareil que ne méconnaît pas le PCF.

Deux raisons majeures ont emporté mon adhésion. Le FDG a un programme cohérent de transformation sociale et nous nous trouvons, - moi comme les autres -, dos au mur, plongeant dans une vie difficile, tant matériellement qu'au niveau des valeurs et du vivre ensemble, sous l'emprise croissante de la marchandisation qui frappe tous les secteurs de l'existence, sans compter la croissance des procédures de contrôle à l'égard du citoyen.

Pour finir sur les raisons d'un vote, j'ajouterais que je suis plus que las des appels à la révolution qui ne touchent presque personne, impeccables sur la forme mais réduits à une incantation en forme de ritournelle, pour n'avoir pas de contenu programmatique et de volonté de prise du pouvoir. Comme si les salariés allait se saisir demain dans un bel unisson soixante-huitard des leviers de commande, localement et nationalement. Bref, il y a un temps pour l'utopie et un temps pour forcer lucidement un changement profond, si ce n'est révolutionnaire.

Demain demeure ouvert et les évolutions souterraines et puissantes de la société française se déploient, parallèlement ou non à un vote.

Il n'échappe qu'à peu de gens, aujourd’hui que le travail est en miettes. Une activité déstructurée pour faire le profit de quelques-uns, casser l'idée même de réalisation professionnelle, détruire les rapports humains dans le faire, qui génèrent pourtant les meilleures solidarités et peuvent alimenter ce vivre-ensemble, cette intégration des parties pour former un tout supérieur qu'on appelle faire société.

De là, découlent en grande partie la difficile coexistence de chacun avec les autres, le racisme pour partie et l'éclatement vertical du pays vers une séparation entre les métropoles et le pays rural, ou horizontal avec la constitution de centres riches, aux flux dynamiques, et des zones péri-urbaines reléguées, appauvries, aux circulations de personnes et d'activité réduites.

En trente ans la France a été ouverte aux forceps sur la mondialisation des échanges. Économiquement, institutionnellement, politiquement. Tout cela tourne à vide et la machine grippée grignote nos richesses, handicape nos vies, constitue des foules solitaires prêtes à se jeter dans les bras de quiconque ne semble pas être un politicien blanchis sous le harnais.

Qui progresse à cette élection 2012 ?...Ceux qui n'ont pas une image ou un parti ancien, bien connu pour semer du vent et récolter des voix.

Il en est des formes politiques comme du travail et du vivre-ensemble. Elles sont usés jusqu'à la corde et les français se sentent abusés. Mieux, ils ne se perçoivent plus comme membres d'une collectivité alors qu'on a creusé entre eux des fossés qui n'étaient que filets d'eau antan. Ils sont uniques, tant individuellement que collectivement, leur ont répété à longueur de discours ampoulés, vides, leurs leaders experts en rasage gratis. Hors, ils sont absents des lieux où ils devraient être.

L'agora médiatique accueille jour après jour peut-être un millier de personnes, toujours les mêmes. Les assemblées qui sont les agora des français, ne comptent pas un seul ouvrier pour exercer ce pouvoir qu'on assure leur appartenir. On décide de guerres obscures sans leur demander leur avis, on méprise leurs décisions quand ils ont la rare occasion de les exprimer. On saborde toute possibilité d'améliorer la vie des plus démunis alors qu'aux frontons de ces palais appelés mairies ils lisent toujours que la fraternité et l'égalité sont des valeurs cardinales.

Quand à la liberté, au travail elle est de se taire pour un salaire de plus en plus minable. Et bien heureux qui échappe au harcèlement !...Et quand ils veulent faire savoir qu'ils en ont assez, ils doivent demander l'autorisation de manifester, ou le faire quand ça ne dérange pas les puissants ou ce travail qui les abîme.

On s'étonne que, parti de rien, ou presque, Melenchon et les communistes aient fait un score plus qu'honorable, malgré les médias surjouant la menace ou relayant le rouge pour renforcer le maître de l’Élysée, avec pour compagnie le silence embarrassé des camarades sociaux-démocrates qui veulent bien aller de l'avant mais d'un pas de sénateur qui ne bouge pas les lignes, ces grandes lignes au-delà desquelles les français, ces idiots populistes, devinent quelque chemin des écoliers qui n'aurait sans doute pas de couteau entre les dents, mais leur parle toujours de communauté. Communauté qui demeure la belle et première forme du communisme. Il faudra sans doute que la situation se durcisse encore pour que la dynamique FDG rassemble ses alliés naturels et assemble les français dessillés.

On s'étonne que, parée d'une aura de béotienne, Marine le Pen en vienne à tutoyer les sommets Et quels sommets d'abord ?...Forcément ceux de ces sondages qui nous bouchent l'horizon, pour agglomérer chaque esprit citoyen en un bloc « pour » ou « contre » untel, alors que chacun utilise à sa mesure ces fines antennes que la connaissance mais l'expérience, aussi, de la vie amère lui donne, quand il s'agit de percevoir au-delà d'une figure dans les projecteurs, ce qu'untel ou unetelle amènera réellement de neuf et de réel dans la bataille politique.

Ne les auraient-ils pas utilisés ces antennes, les dix-huit pour cent de français qui ont soutenu la fille de Le Pen ? Non, ils sont abusés, tourneboulés au cœur des mirages exposés par cette bateleuse de campagne, chavirés par ces hordes basanées qui d'un sang impur emplissent nos maisons...

Les français sont sans doute plus intelligent que les chromos qu'on leur propose. Ils sont peu à aimer la sauce brune, sauf la partie tenue par un racisme qui permet de supporter l'insupportable et l'appétit du chef qu'on leur enseigne huit heures par jour sur les territoires patronaux.

Et quand ils répètent que les immigrés prennent le travail des français, ce n'est pas à l'homme d'une autre pays, d'une autre culture qu'ils s'adressent mais à toutes ces peaux de chagrins qu'on leur sert comme aumône sociale, à toutes ces institutions qui les numérotent et les oublient, à toutes ces lois qui leur écrasent la tête et les condamnent à une vie oublié, dénuée de respect et d'espérance. Par la faute de petits caciques locaux et nationaux de droite et de gauche professionnelle qui leur ont usé la candeur, asséché le réservoir à espérance.

Ce qu'ils disent, enfin, à tous ceux-là qui mentent sans désemparer, c'est « Merde! », tout simplement, chacun avec l'accent de sa région. La fille Le Pen est honnie par les élites, même si elle en fait partie. Et la grande part des élites intellectuelles, politiques, économiques ou culturelles de ce pays a failli. Elle s'est adonnée aux joies de la doxa unique à coups de discours, de livres et de lois. Elle s'est révélée comme une caste avide de privilèges – les exemples en seraient nombreux, mais il suffit de voir la partie émergente qui, chaque soir à l'écran, tue la politique, méprise la citoyenneté, tente et réussit à ôter toute voix et tout visage à ce français qui se lève tôt pour marner et pleurer à l'intérieur de lui-même devant ces simulacres grinçants d'un avenir perclus.

Alors, puisqu'on les contraint à vivre comme des porcs, ils revendiquent celle qui incarne le mouton noir au sein de la caste. Ils renversent la table, et appellent le désastre, car ils sont conscients que, de toute façon, ils n'auront pas d'autre issue que de se vautrer un moment avec celle-là, dont ils savent bien au fond qu'elle leur fait du Hamelin pour les ramener dans un enclos tout pareil avec quelques matons supplémentaires, blancs de préférence et quelques velléités qu'elle ne mettre pas en œuvre car libéral est son programme réel comme son mode de vie.

Ils n'ignorent pas non plus que sur l'autre bord on peut voir un qui rassemble bien, et il lui font crédit d'être ce qu'il est. Mais il ressuscite l'hypothèse communiste, alors qu'il est bien trop, il faut bien l'accepter ou forcer le destin, mais nous n'en avons pas encore la force.

Nombre de ceux qui incarnèrent ce « tous ensemble » communiste englouti dans le programme commun, sont encore là en leaders, à prêcher quelque brouet social-démocrate, impeccables dans leur traîtrise assumée et leur costume de faiseur. Il est trop tôt, ils sont encore là ces parasites de l'Idée et de l'Action, pensent les français, que reste-t-il ? Il reste à briser salement le jeu. C'est plus facile, quand est épuisé, que de tenter un sursaut, aller vers un renouveau réel de cette gauche qui est au cœur profond de notre pays. Cette gauche qui le constitue comme la Révolution notre histoire.

Le Pen, comme une catharsis, comme un vol noir sur les ruines, voilà ce qu'ils prennent. Les hardes et le chaos. Comme une préfiguration des drames immenses qui nous attendent entre l'austérité, le gouvernement mondial et cet impérialisme guerrier jamais assouvi qui tient lieu d'unité nationale, au pays de la liberté, comme on appelait dans mon enfance les USA.

Si Hollande veut non pas gagner – la parenthèse Sarkozy est quasiment close, les expériences tératogènes ayant un pronostic vital des plus faibles - c'est à cet appétit mortifère qu'il doit tendre l'oreille. Car il ne tenaille pas que les votants lepénistes. C'est un spectre qui ravage toutes les têtes, à un moindre degré. Il faut que ce politique soit bien conscient qu'il s'adresse à des français dont le médiateur de la République a qualifié l'état de « burn-out ». Cramé, les français sont cramés par une permanente agitation des formes du travail et des institutions, engendrant une instabilité sociale et individuelle inouï dans les rapports économiques citoyens et politiques. Lois modifiés, abrogées, crées en permanence. Travail transformé ou détruit continuellement. Institutions multipliées, remplacées, éliminées sans cesse. A cet égard le quinquennat sarkozien, qui a vu défiler un nombre incalculable de gouvernements et de gouvernants, est un exemple patent.

On peut y ajouter le domaine culturel où la dynamique du capitalisme introduit un perpétuel renouvellement des produits, un défilé de modes, de personnalités et d'exigences renouvelées en permanence qui estompe le fond culturel commun du pays tout en ne permettant pas à de nouvelles formes pérennes de pensée, de pratiques et d'organisation de s'installer pour enrichir et ordonner l'existence de chacun. Sauf s'il s'agit des plus rentables, synonymes des plus médiocres, la plupart du temps.

Il affirme qu'en parlant il contiendra un habitus patronal dans l'impunité et une caste acharnée à garder ses montagnes d'argent ou une UE cheval de Troie de cet ultra-libéralisme totalitaire orchestré par l'internationale des banques.

Il faudra, camarade Hollande, plus que des mots. Il faudra que tu prennes un peu de cette sueur mauvaise des français sur ta belle chemise. Que tu sentes ce qu'il y a comme peine dans cette odeur aigre. Il faudra prendre conscience que si dix-huit pour cent éperdus veulent foutre la table en l'air, il en est quatre-vingt dix-neuf qui se cognent la tête sur les murs.

Il faudra casser la table à ton tour. La grande table qui nous fait le menu chaque jour. A l'UE tu n'iras pas pantalonner sinon tu reviendras à poil. Il ne s'agira pas de faire des demi-mesures, ménager la chèvre et les dividendes. Sinon tu feras le lit du désespoir, grossi par ces banquiers et autres riches qui ne pensent qu'à sauver leurs aises en professant leur amour de la France à l'entrée d'un paradis fiscal.

Remettre les institutions dans le sens de l'intérêt général et les élus à un niveau de rémunération comme de responsabilité qui les ramène dans la société française. Rebâtir des élections donnant le pouvoir au peuple au lieu d'organiser un simulacre pour dépossession programmée. Donner les leviers aux salariés dans les entreprises, assécher les dividendes et refaire non pas du social un assistanat généralisé, mais l'institution de la solidarité et de la fraternité prioritaires. Remettre la culture au service du peuple et non le peuple au service des marchands. Faire des médias sinon les promoteurs d'une exigence d'éducation populaire, au moins des instruments au service de l'expression de tous et non de quelques conglomérats marchands. En donnant des chaînes aux citoyens, aux associations, aux créateurs, dans la proximité, pour sortir du modèle vertical marchand qui nous étouffe. Sans parler du défi écologique qui est comme un grand arbre de vie s'écroulant lentement sur nous et qu'il te faudra ranimer, en commençant par écarter les ennemis les plus directs, dont le profit et les lobbies sont le bras armé.

La liste serait longue pour combler le grand silence que tu as développé ces derniers mois, enrobé d'un programme succinct qui n'écarte rien mais projette peu de concret et rien d'ambitieux.

Sinon, ta défaite sera l'introduction d'une faillite de trop pour la gauche, pour le pays tout entier. Et viendra le temps des Le Pen, comme la fin des espérances.


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