Jerome Robbins ou le Meilleur des Mondes
Une mise en scène sans décors, avec d'excellents jeux de lumières qui modèlent les corps et donnent à la danse toute sa dimension, accentuée encore par les couleurs pastels des costumes des danseurs. Un travail de scène où domine une esthétique tout à la fois minimaliste et joyeuse. Les lignes et les figures de la danse sont pures et dépouillées, harmonieuses et allègres, avec parfois un trait d'humour, comme ces roulés qui font sauter en l'air les danseurs qui auraient pu y faire obstacle, suivis de cumulets amusés. Mais dans le monde selon Robbins, il n'y a pas d'obstacles, tout fonctionne de manière huilée. Et si ballet commence de manière très dépouillée avec deux danseurs qui exécutent un pas de deux aux allures de lent menuet, c'est pour se terminer par une joyeuse société dont les cercles dansants signalent le bon fonctionnement. Le monde rêvé et perdu de l'Invitation au voyage, où l'on pouvait vivre ensemble, là où tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme, et volupté.*
Le bruit et la fureur du monde de Jiří Kylián
A la fois, on est stupéfait des performances des danseurs qui effectuent un travail magique de déboîtement et d'emboîtements impensables des corps entre eux, avec une précision millimétrée qui confine à la perfection. Si l'on est assez prêt de la scène, ou si l'on dispose de bonnes jumelles de théâtre, on verra combien la chorégraphie de Kylian sollicite tous les muscles du corps, jusqu'à ceux du visage, pour exprimer cette histoire pleine de bruits et de fureur, et qui ne signifie rien.**
Le verdict du public est intéressant: après la première partie, ce fut l'enthousiasme des applaudissements, ce type d'ovation que l'on entend lorsqu'un ballet classique a été parfaitement exécuté. On se dirige vers les foyers ravis de la perfection d'un spectacle somptueux, que seuls peuvent exécuter les meilleurs des artistes, qui donnent à voir le résultat d'années d'un travail incessant et exigeant. Mais les applaudissements de la seconde partie confinaient au délire, accompagnés des trépignements de pieds des grands jours, des bravi, des sifflets et des youyous de joie aigus et modulés devant l'extraodinaire travail certes, mais aussi devant la correspondance de la chorégraphie au monde contemporain .
Sera-ce l'occasion d'un tournant dans l'histoire des productions du Staatsballett? L'excellence de son travail pourrait se mettre davantage au service d'une réflexion sur les problématiques et l'esthétique du vingt-et-unième siècle. Et c'est précisément ce que le public réclame à grands cris.
Crédit photographique: Wilfried Hösl
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* in Charles Baudelaire, Les fleurs du Mal
**Soliloque de Macbeth, acte V scène V And then is heard no more: it is a tale
Told by an idiot, full of sound and fury,
Signifying nothing."