Élire un président n'est ni anodin (ça, c'est pour ceux qui suivent ceux qui disent que quel que soit le titulaire ce sera du pareil au même, contribuant ainsi à la réputation imméritée d'une couleur de bonnet) ni facile (ça, c'est pour ceux qui écoutent ceux qui disent qu'il suffit de comparer des programmes avec un algorithme de pondération évaluative).
Élire un président, c'est comme recruter un collaborateur ou choisir un compagnon de vie : le risque d'erreur est assez élevé pour que cela vaille la peine d'éviter tout autant le coup de foudre sidérant que la procrastination angoissée. Déjà, le 6 avril 2007, j'avais esquissé quelques considérations sur des critères de tri des candidats de l'époque.
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Élire un président, c'est arriver à oser s'impliquer dans un acte qui mêle le rationnel et l'irrationnel, l'affectif et le logique, le sens de l'histoire et le besoin d'aventure, bref prendre une décision somme toute
-simple dans l'énoncé du choix : H ou S - pour changer de A et B...; d'ailleurs, pourquoi avoir écrit H et S, à l'heure qu'il est, plus de risque de devoir contribuer à la cagnotte du Trésor Public, non ?- , ou personne, au stade de la seconde séquence,
-et complexe dans le tissus des motivations.
Le préSident sortant a un avantage relatif : il peut arguer d'une expérience, il dispose de ce que l'on nomme pudiquement les ressources de l'état, il peut trouver la fameuse énergie du désespoir dans un espoir de survie.
Le cHallenger, pour reprendre un mot du vocabulaire sportif, a lui aussi un avantage relatif : il incarne la tentation de la nouveauté, il a avec le bilan de son prédécesseur pas mal de grain à moudre, il peut mobiliser cette motivation de justice institutionnelle que porte une alternance des styles de pouvoir.
Les trois principaux candidats éliminés représentent des courants électoraux fondamentalement diférents, c'est une évidence. J'aurais tendance, par simplification certes abusive mais tout de même argumentable, à les caractériser par leur relation au temps.
♦ Le parti du passé absolu : c'était mieux avant, refermons les portes et les fenêtres, les frontières et les espaces, retrouvons-nous rassurés d'avoir identifié le vers dans le fruit de notre identité
♦ Le parti du présent relatif : recherchons l'équilibre citoyen, faisons avec lucidité la part des choses, sur des idées nouvelles projetons des réalisations traditionnelles
♦ Le parti du futur antérieur : purifions les structures, restaurons les fondamentaux révolutionnaires dans ce qu'ils ont de prophétique, passons au stade suivant de l'évolution politique et sociale
La question qui se pose, pour les adeptes de ces manières de voir, est qu'ils sont maintenant obligés de faire le choix ternaire rappelé plus haut : H ou S ou personne...
♦ Les leaders [1] du parti du futur antérieur ont publiquement manifesté un choix pour H ; pour continuer à exister et faire vivre leur courant, il leur va falloir argumenter et défendre ce choix. Ils semblent avoir les ressources rhétoriques pour y parenir.
♦ Les leaders du parti du passé absolu ont tellement bien réussi à définir leur courant en affirmant que H et S étaient deux avatars du même idéal que pour eux la question du choix est hors référentiel ; la seule issue logique, à supposer que la logique formelle soit une vertue tribunicienne, est la troisième porte : personne.
♦ Les leaders du parti du présent relatif peuvent regretter leur position décimalement minoritaire, mais ne peuvent ignorer la nécessité, pour demeurer cohérents avec leurs convictions, de prendre position, puisque cela se passe ici et maintenant, et qu'ils se trouvent avoir quelques points de vue communs avec H comme avec S.
A titre personnel, je ne peux que leur conseiller de prendre acte du fait que l'idée de faire encore plus de la même chose pour se sortir d'une situation diagnostiquée comme dangereuse peut être évaluée comme signe d'irréalisme, et aussi de manque de confiance dans l'inventivité de nouvelles équipes. Le concept de non-cumul des mandats peut se lire de manière à la fois synchronique - pas en même temps - et diachronique - pas trop long temps - .
Pour ne pas laisser le MoDem dans ue situation de jachère, peut-être faut-il que ses dirigeants réfléchissent sur la manière dont le PSU, trente années plus tôt, a résolu un problème analogue : être un réservoir d'idées qui ne sont pas soumises à l'épreuve de la pratique désappointe les militants et détourne les électeurs. Il convient donc de se risquer à se compromettre. Avec qui ? Avec le partenaire non pas le plus absolument attractif, mais avec le moins relativement répulsif...
Autrement dit, et pour conclure, le parti du présent relatif ne se couvrirait pas de honte en préférant H à S, et en refusant de se laisser tenter par personne.
J'ai d'ailleurs reçu au courrier du matin un appel en ce sens, émanant de centristes avertis...Courriel qui m'a donné l'idée de ce billet. Je n'ai donc rien inventé !
[1] Je sais que les leaders répètent à l'envie vos voix ne nous appartiennent pas...Mais beaucoup d'électeurs
écoutent leurs leaders.
Nota : ne voir aucune malice dans le choix de l'illustration. La vache orange n'a pas hésité à faire un bout de chemin avec le renard gris...