Il existe deux façons d’analyser le résultat d’hier : Soit, considérer que le score historique de Marine le Pen, et ses près de 18% sont un camouflet pour la stratégie « au peuple » du président sortant. Ce verdict est partagé par de nombreux commentateurs. Et, Nicolas Sarkozy a indiscutablement échoué dans sa tentative d’assécher le FN comme en 2007.
Soit, considérer que le Président et son conseiller Patrick Buisson n’avaient pas d’autre choix. Suivre non pas tant le FN, que ce diagnostic implacable, d’un peuple français menacé par le déclassement. Comme le montre Délits d’Opinion depuis plus de deux ans, face à la menace d’une mondialisation qui effraie par sa concurrence déloyale, face à l’ouverture des frontières qui fait craindre un déracinement économique et culturel, une partie des français recherche désespérément des façons de reprendre la main. Le sondage IPSOS réalisé le 22 avril sur les motivations du vote est d’ailleurs révélateur. Pour les électeurs FN, les trois leviers clés sont l’ immigration ( 62%), l’ insécurité (44%), et le pouvoir d’achat (43%).
Ces thèmes écrasent tout le reste. Ils ne datent pas de deux mois, moment de l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy. Ils sont en germe depuis le traité de Maastricht. Ce n’est donc pas Sarkozy qui a contaminé la campagne, mais bien l’absence d’idéologie alternative, forte et structuré qui ont conduit à imposer les thèmes du FN. C’est le centre-droite qui a échoué à imposer une vraie vision audible pour les classes populaires et moyennes, et qui réponde à leurs préoccupations.
Si la ligne Buisson a si bien compris le peuple, pourquoi a-t-elle toutes les chances de perde ?
Au cœur du résultat, il y a d’abord une personnalité, Nicolas Sarkozy, qui n’a jamais réussi à casser cette image bling-bling : or, La personnalité du candidat est jugée déterminante par 49% des électeurs selon le sondage IPSOS publié hier.
Cette relation épidermique explique notamment le faible report de voix du FN, situé en moyenne à 45%, et qui est insuffisant pour espérer à Nicolas Sarkozy de gagner. Pour l’emporter, Nicolas Sarkozy doit dorénavant réussir l’impossible : définitivement accepter que sa personnalité constitue un handicap dans la campagne, et mettre ses deux qualités reconnues -carrure présidentielle et volontarisme- au service de causes très clairement identifiées. Au croisement entre les thèmes mobilisateurs au sein du FN et parmi les électeurs de Bayrou -La crise économique et financière (65%), le déficit public(43%), le pouvoir d’achat (44%)-, trois questions si’mposent qui peuvent détourner du référundum pro ou anti-Sarko :
1) Pour lutter contre les déficits, voulez vous baisser les dépenses ou augmenter les impôts ? (72% des électeurs de Marine Le Pen privilégient une réduction des dépenses. Seuls 2% veulent augmenter les dépenses et les taxes.)
2) Voulez-vous augmenter l’immigration légale ou la diminuer ?
3) Acceptez-vous une baisse de votre pouvoir d’achat (via une hausse des cotisations salariales) pour revenir à la retraite à 60 ans ?
Alors que 14% seulement des électeurs de Marine Le Pen pensent que la situation s’améliorera si Nicolas Sarkozy est réélu, ces engagements concrèts pèseront plus lourds que de grandes promesses.