Il y a des petits plaisirs, comme ça, dans la vie. C'était hier soir à la télévision. Voir la droite exploser en une demie-heure et le parti de l'arrogance et de l'imposture se transformer en pauvres bonimenteurs de foire avec prédiction d'apocalypse si on ne les repêche pas et promettre un redressement possible de l'avion en piqué contre toutes les sciences et les mathématiques, assister en direct à la panique dans le nid de guêpes et voir défiler les promesses de réaliser la semaine prochaine tout ce qu'ils n'ont pas fait en cinq ans, c'est jouissif. C'était un peu comme regarder un crash d'avion au ralenti, vous savez, sur ces petites videos d'internet où on vous repasse l'accident à l'endroit, à l'envers, au ralenti et à l’extrême ralenti. Voir l'UMP s'écraser... replay, replay, replay...
Sarkozy avait pris la précaution d'annexer dans son giron les petites droites périphériques, Boutin, Borloo, le nouveau centre et Frédéric Nihouss. Cela pouvait éviter quelques désagréments en cas de bon score, mais cette tactique asséchait du même coup toute réserve de voix en cas de panne dans le désert.... Le bientôt perdant n'a plus qu'à espérer de secours que du Front National qui le lui refuse et de quelques abstentionnistes qui auraient sûrement été voter pour lui s'ils avaient voulu le voir gagner. Cela fait un peu léger.
Car la grande et prévisible nouvelle est arrivée vers 20h.30, par la voix de monsieur Collard (avec 2 L), et confirmée à 21h par le président d'honneur. L'UMP faisait semblant de l'apprendre: Le FN n'appellerait pas à voter pour elle. Le Front National est bien plus à l'aise dans l'opposition qu'au pouvoir pour brandir ses épouvantails, et à vrai dire, il préférerait carrément voir Hollande l'emporter.
De toute façon, même en cas d'élection, cela aurait posé un problème. Être élu avec les voix du Front National, cela a déjà gâché la carrière de quelques députés de droite il n'y a pas si longtemps, et ça se porte très mal pour un président, même peu soucieux de bienséance. Voilà ce que c'est d'avoir trop écouté Patrick Buisson, le Raspoutine de l'Elysée...
Ceci d'autant plus que le front national totalise un score élevé, douloureux pour les républicains et les humanistes. Quand vous être dans le métro, un voyageur sur cinq autour de vous a voté front national. Heureusement, quelques pays autour de nous souffrent du même eczéma, ce qui aide à atténuer quelque peu notre honte. Mais quand même.....
Ce qui me fait rire jaune, c'est de voir la camionneuse Marine disputer le volant de la droite au gringalet Nicolas. « La droite, maintenant, c'est nous ! ». Enfin, fasse le ciel, s'il existe, que cela reste une image de guignol. Je préfère la bêtise à la méchanceté.
Le grand coup de chapeau de la campagne va sans conteste à Jean Luc Mélenchon, pour le renouveau qu'il a su insuffler dans le paysage politique, pour la ferveur et l'intégrité de sa démarche, et pour la générosité avec laquelle il efface provisoirement sa personne afin de remettre le pays sur les rails qui vont à gauche. Certes, il a été victime du « vote utile », ce réflexe de prudence issu du souvenir amer du 21 avril 2002, qui a poussé beaucoup de ses sympathisants à voter « néanmoins » Hollande, « pour être sûr ». Reste maintenant à lui donner des députés, la cause et son héraut les méritent.
Dans les quinze jours qui viennent, la campagne va se déchaîner. Les sarkozistes pur sucre affirment que leur zébulon va multiplier les événement avec une telle célérité que le placide Hollande ne pourra pas le suivre. Mais c'est peut-être aussi parce qu'il a tout bâclé depuis cinq ans que tant de choses sont bonnes à refaire. Un coup tordu ? Il est capable, mais on l'attend tellement que cela risque d'être contre-productif. Prendre les gens pour des imbéciles, il y a tout de même une limite. Et puis Hollande a-t-il envie de répondre à l’affolement par la frénésie ? On imagine volontiers que non.
Par contre, il y a un insupportable que je redoute de voir arriver un jour au premier rang de la horde politique, c'est Copé. Technique de représentant en aspirateurs, qu'il a tenté d'utiliser hier soir avec Martine Aubry, qui en a pourtant vu d'autres : Copé pose trois questions d'un coup. Pendant qu'on répond à la première, il vous interrompt pour dire qu'il n'a rien entendu sur la seconde. Alors, on passe à la seconde et il vous interrompt à nouveau pour vous accuser d'avoir éludé la première, puis quelques instants après, à nouveau, de n'avoir pas abordé la troisième.
Lorsqu'il a bien saccagé l'argumentaire de son interlocuteur, il assène à nouveau deux ou trois contre-vérités de base, et l'impression générale est qu'il avait de la suite dans les idées alors qu'il n'avait rien à dire, et que vous ne connaissez pas vos dossiers alors qu'il a copieusement mélangé vos fiches. Un zeste de mensonges et de contre vérités, et passez-muscade.
Questions contre-vérités, il faut bien dire que Copé mérite un diplôme d'excellence. Par exemple, il accuse Martine Aubry de vouloir fermer 24 centrales nucléaires, alors qu'il ne s'agit pour le moment que de n'en fermer qu'une, Fessenheim. Et sur cette centrale, il reprend le petit numéro de Sarkozy, qui déclarait en se moquant qu'on n'avait que peu de chances de voir un tsunami déferler sur l'Alsace.
Un tsunami, peut-être, mais le grand canal d'Alsace, qui jouxte justement cette centrale, a son niveau d'eau huit mètres au-dessus des installations critiques. Or, si la centrale est garantie contre les séisme jusqu'à 6,5, les digues du grand canal, elles ne le sont pas ! Et la zone est sismique....
C’est avec des débats de cette richesse et de cette bonne foi que nous allons aborder les quinze derniers jours de convulsion de la bête. La droite s'est toujours crue légitime dans ce pays. En 1981, elle nous prédisait déjà la ruine et les dix plaies d'Egypte. En 1981, elle nous mentait déjà sur ses compétences exclusives à gérer l'international, maîtriser la finance et assurer l'égalité des citoyens.
En 1981, elle publiait « les cent jours de Mitterrand », cette période d'essai qui « suffirait aux Français pour comprendre ».
Bon allez, bientôt le 6 mai. Vous avez pensé à acheter le champagne ?