Alors que la jurisprudence communautaire avait déjà reconnu la possibilité pour le juge national de relever d’office le caractère abusif d’une clause (CJCE, 27 juin 2000, C-240/98), c’est désormais sur le caractère détachable de la clause abusive que s’est prononcé le juge européen.
Dans un arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 15 mars 2012, dans une affaire Jana Perenicova et Vladislav Perenic, les juges de Luxembourg ont considéré que le contrat contenant une clause abusive ne devait pas être annulé dans sa totalité s’il pouvait subsister sans lesdites clauses, quand bien même une annulation du contrat en son entier serait plus favorable au consommateur, sauf disposition nationale le prévoyant expressément.
En l’espèce, un couple slovaque avait saisi la juridiction nationale compétente pour faire annuler un contrat de crédit à la consommation auquel il avait souscrit auprès d’un établissement non bancaire sur la base d’un contrat standardisé, comme c’est bien souvent le cas en ce secteur, considérant que ce contrat contenait des clauses abusives, comme l’indication inexacte du TAEG.
Le juge slovaque, qui retient que l’annulation totale du contrat serait moins coûteuse pour le couple, décide de saisir la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle en interprétation de l’article 6 de la directive 93/13/CEE.
Qu’est ce qu’une clause abusive ?
Au titre de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, est abusive une clause qui a « pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
Une « liste noire » des clauses abusives est prévue aux articles R. 132-1, R. 132-2 et R. 211-4 du Code de la consommation.
Il appartient donc au consommateur qui s’en prévaut d’apporter la preuve du caractère abusif de la clause devant le juge compétent, qui appréciera, au cas par cas, si cette clause est réellement abusive, et mérite donc d’être réputée non écrite, comme le prescrit l’article L. 132-1 du Code de la consommation.
La législation applicable en matière de clauses abusives
C’est grâce à l’influence du droit communautaire qu’un véritable régime juridique des clauses abusives a été consacré en droit français.
En effet, c’est la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, au visa de laquelle statue la CJUE en l’espèce, qui a eu pour mission d’harmoniser les droits des Etats membres en matière de clauses abusives.
Cette directive qui a été transposée par la loi du 1er février 1995 a largement modifié l’article L. 132-1 du Code de la consommation.
Une harmonisation minimale en matière de protection du consommateur
Cette décision réaffirme avec vigueur le principe d’harmonisation minimale sur lequel repose la politique communautaire en matière de protection du consommateur, en considérant que « cette directive ne s’oppose pas, cependant, à ce qu’un État membre prévoie, dans le respect du droit de l’Union, qu’un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel et contenant une ou plusieurs clauses abusives est nul dans son ensemble lorsqu’il s’avère que cela assure une meilleure protection du consommateur ».
Ainsi, même dans un souci de protection du consommateur, le juge ne peut pas anéantir totalement le contrat qui le lie au professionnel.
Le juge européen laisse cependant libre le législateur de chaque Etat membre d’adopter ou non une disposition nationale qui permettrait au juge d’annuler le contrat en son entier dans l’intérêt exclusif du consommateur.
En France, l’adoption d’une telle disposition serait délicate dans la mesure où elle remettrait directement en cause un principe fondamental de notre droit des contrats : le principe d’effet obligatoire des contrats contenu à l’article 1134 du Code civil.
Sources :
CJCE, 27 juin 2000, Aff. C-240/98
Directive 93/19/CEE concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs
CJUE, 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, Aff C-453/10.