C’est avec une stupéfaction mêlée de ce tournis qui peut prendre lorsqu’on est fortement choqué que j’ai découvert les scores du premier tour des présidentielles 2012. Il m’a fallu plusieurs minutes pour me remettre du choc émotionnel rencontré.
Bayrou, cinquième place. C’était totalement imprévisible. Hollande en premier, et Sarkozy en second, là encore, c’est un gros bouleversement. La seule inconnue résidait essentiellement dans la troisième place et là, je dois dire que mon cœur a clairement fait quelques systole de trop lorsqu’on a découvert qu’il s’agissait de Marine Le Pen.
Gasp ! Gosh ! Diable !
Ainsi donc la France ne serait pas autant remplie de tous ces bobos à la mèche et au vote rebelles prêt à en découdre contre le grand méchant Kapital par le truchement d’un ex-sénateur et député européen douillettement installé dans le 1% des plus riches Français ? Ainsi donc, l’engouement frénétique qui transparaissait sur certaine blogosphère et dans certains médias (avec un Méluche à plus de 30%) ne reflétait absolument pas la tendance réelle du terrain ? Certes, le Parti Communiste réalise ici, en cachette et grâce à un revamping complet, son meilleur score depuis plusieurs décennies, mais zut de zut, ce n’est pas la vague qu’on nous annonçait ! Limite même, avec un score pareil, peut-on parler de petite calotte bien dosée, ce qui remet l’idéal révolutionnaire romantique à des proportions plus en accord avec ce que le pays contient réellement comme gens prêts à oublier les meilleures pages du communisme réel.
Mais à part ça, je suis déçu déçu déçu : le premier tour est finalement d’une banalité consternante ! L’écart entre le premier et le second candidat n’est même pas épique, il est tout juste à la mesure de l’agacement des uns et la mollesse des autres… Si la France n’était pas déjà couverte de dettes, je crierais même « Remboursez ! »
C’est vrai, quoi : on m’avait fait comprendre que c’était l’élection qui allait pouvoir, enfin, débarrasser le pays d’un monstre dictatorial qui avait tous les leviers du pouvoir en main, qui avait avec lui toute une paire de journaux et toutes les grosses entreprises ou à peu près, pour le remplacer par un homme honnête, humble et pugnace, qui aurait, lui, à batailler contre le méchant monde de la finance, grâce au soutien des grandes villes de France, des départements, des régions, de l’Assemblée Nationale, du Sénat, de la Cour des Comptes, de la magistrature et de l’administration toute entière du même bord que lui.
On m’avait expliqué que cette élection était enfin l’occasion de remplacer l’étatiste-interventionniste Sarkozy par Hollande, un étatiste interventionniste mais mieux ! On s’était même pris à imaginer (pour rire) que le petit Jean-Luc, avec tous ses petits poings serrés, pouvait parvenir au second tour et changer la donne de ce triste plateau de fromages à pâtes molles.
Eh bien non : les instituts de sondage avaient vu à peu près juste, en sous-estimant le Front National, comme d’habitude, et en surestimant le poulain des médias, comme d’habitude.
Ceci posé, que se passe-t-il à présent ?
D’une part, il ne faut pas oublier que si l’on a éliminé 8 candidats, on se retrouve toujours avec les deux prétendants initiaux, et que les problèmes de la France n’ont pas changé. Nous sommes lundi matin, et la dette bouge encore.
D’autre part, comme d’habitude, il va y avoir, le 2 mai, un débat entre Sarkozy et Hollande, dans lequel nos deux prétendants pourront rivaliser de petites phrases en sirotant une camomille parfaitement adaptée au nécessaire assoupissement d’un peuple qui a montré, avec une participation tout à fait banale pour un résultat rigoureusement attendu, qu’il n’avait plus rien à faire espérer en matière de réveil.
En enfin, une fois que ce cirque sera terminé, nous aurons deux phases.
La première sera celle de l’euphorie : toute relative si Sarkozy décroche malgré tout la timbale, elle sera dithyrambique si c’est Hollande. Imaginer d’ailleurs des foules se bousculer et s’auto-congratuler sur les Champs-Élysées pour un type qui peine à rassembler autant de charisme qu’un abribus éteint, cela en dit long sur l’état de décrépitude du peuple français et son besoin quasi-compulsif de se vautrer dans la médiocrité.
La seconde sera celle de l’atterrissage. Qu’il soit du fait d’une cohabitation bien sentie (cas Sarkozy) ou du fait d’une explosion des CDS et du CAC (cas Hollande), le résultat sera finalement le même : les frétillants citoyens se reprendront le cours normal de la réalité en pleine face, avec au mieux un immobilisme paralysant et finalement destructeur, et au pire une rapide descente aux enfers financiers et la découverte de la vraie situation grecque de la France…
Alors forcément, vu depuis ces sombres perspectives futures, ce premier tour ne laisse qu’une question : « tout ça pour ça ? »
Vraiment, pas de doute : ce pays est foutu.