Le 23 avril 2012 a un arrière goût de 21 avril 2002. Le grand vainqueur d'hier soir c'est le Front National qui voit désormais le débat politique se faire autour de ses thématiques. Une fois c'est un accident, deux un concours de circonstances. Ce troisième succès électoral pour la formation d'extrême droite traduit le passage d'un vote de rejet de la classe politique traditionnelle à un vote d'adhésion sinon aux valeurs du moins à la vision du monde qu'il propose. Six millions d'électeurs on ainsi voté hier pour Marine Le Pen. Lentement mais sûrement la France a glissé tout au long du mandat de Nicolas Sarkozy vers l'extrême droite. Le poison s'est infiltré dans tous les pores de la société. La lepénisation des esprits est aujourd'hui une réalité.
Reste à savoir comment la douce France, pays béni des dieux, a pu en arriver là. Faute de perspectives, l'hexagone à peur et se cherche un bouclier contre un monde dans lequel elle ne se retrouve pas. Le climat anxiogène qui pèse sur notre pays fait le lit du FN. Il est vrai que chacun de nous quel que soit son âge voit changer son environnement. Ici ce sont des minarets qui poussent, là ce sont des services publics qui disparaissent. Un peu plus loin ce sont les usines qui ferment les unes après les autres… La protection sociale est menacée, l'école est grippée et les salaires ne protègent pas de la misère. Ce paysage de désolation a de quoi laisser désorienté et désopilé plus d'un peuple.
La réponse n'est pas dans le cabotage de Nicolas Sarkozy, capitaine d'un bateau ivre. C'est d'un cap dont on besoin les Français. Le risque hélas c'est que loin de proposer des directions différentes les protagonistes en lice pour le deuxième tour n'en offrent aucune se contentant d'une gestion en bon père de famille de la maison France pour l'un, de trouver des boucs émissaires pour l'autre.
Cette campagne de second tour qui débute le fait de la plus mauvaise façon. A défaut d'un affrontement projet contre projet, on attend toujours celui de Nicolas Sarkozy, on peut compter sur le président sortant pour taper bas, pour souffler sur les braises de la peur et de la démagogie pour tenter de sauver coûte que coûte son siège.
La France parce qu'elle est un grand pays ne peut s'enfermer dans la chimère d'un petit village d'irréductibles gaulois. Elle doit au contraire renouer avec le monde et croire en sa capacité à l'orienter.
Face à l'angélisme supposé de la gauche sur la question de l'immigration et à sa décadence sous entendue sur les questions de société le président sortant va sans doute dans les jours qui viennent se poser comme un rempart quand son bilan atteste du contraire. Le choix du slogan "la France forte" prend aujourd'hui tout son sens. La rare capacité du Chef de l'Etat sortant à affirmer avec la plus grande assurance des contre-vérités promet une bataille de second tour beaucoup plus âpre que prévue pour la gauche. Si à gauche rien n'est gagné, à droite rien n'est perdu.