Abstentionisme actif vs. vote de valeur

Par Pierremoysan

Enfin deux jours de répit, ce Week End, dans cette campagne électorale stérile, navrante et plus qu'affligeante à laquelle il nous est donné d'assister. Deux jours sans avoir à entendre les jérémiades vindicatives ou les indignations d'un tel ou d'un tel, deux jours sans avoir à subir les chamailleries puériles de ces candidats de cour de récré entre lesquels il nous est demandé de choisir dans ce simulacre de démocratie qu'est devenue l'élection présidentielle. Du moins presque deux jours : la trêve a été de courte durée, les chamailleries ont repris hier soir dès 20:00

Aux deux dernières élections, ne pouvant décemment pas donner ma voix à qui que ce soit, j'avais déposé une feuille de PQ dans l'urne car le symbole me semblait en rapport avec le niveau des débats et des campagnes électorales qui avaient précédé... Il n'est malheureusement fait aucun cas de l'expression d'indignation ou de protestation par vote nul ou blanc (même si j'avais mis du PQ de couleur) dans notre mode de scrutin, contrairement à l'abstention qui, avant la publication des résultats, hier soir, inquiétait fortement les grands candidats.

Ma feuille de PQ dans l'urne ayant été comptabilisée comme un vote NUL, je me suis donc abstenu, hier, de voter, pas de manière passive mais par conviction. Et, peu importe les sondages, je n'irai pas voter au second tour : il m'est totalement impossible de donner une voix au nain de droite qui, dès hier soir, à vomir, ratissait copieusement chez Marine Le Pen et dont, même s'il ne le met plus en avant, on connaît le bilan. Tout comme je ne peux décemment pas non plus cautionner un candidat qui parle de changement sans aucune remise en cause du modèle économique de la finance internationale auquel nous ont asservis les dernières présidences de gauche comme de droite. Même si le nain sortant n'avait pas été présent au second tour, je ne me serais pas plus déplacé.

Tout comme aux dernières élections, je ne me suis senti complètement représenté par aucun des candidats nominés pour la course au gâteau, que ce soient les deux 'grands', les second couteaux populistes ou les petits candidats. J'aurais éventuellement pu voter pour les Verts, ce sont peut être les seuls à avoir rédigé un programme objectivement alternatif et constructif, à avoir proposé une ébauche de changement de modèle faisant fi de tout populisme et à avoir tenté d'élever le débat. Leurs négociations ridicules avec le PS ont coupé court à toute envie de leur donner 100% de mon vote ! J'aurais pu accorder un certain pourcentage de ma voix (si le système le permettait) à François Bairou, il a, pendant sa campagne, exprimé quelques idées intéressantes notamment sur le sujet de la modernisation de la démocratie et des institutions. Mais le mode de scrutin impose de trancher entre les différents candidats.
Pire, le concept de vote UTILE mis en avant par les nains de gauche et de droite fait que la bataille s'est jouée démagogiquement entre quelques grands candidats et grands partis bipolaires qui ont confisqué le débat en édictant leurs positions aux autres partis. Il n'est resté que très peu de place pour les idées souvent représentées par les petits partis, du moins ceux qui ont réussi à rentrer dans la course à l'oignon (même si l'égalité des temps de parole des dernières semaines avait légèrement rétabli la balance). Le vote UTILE, un concept simple : ne plus voter POUR mais CONTRE quelqu'un. L'élection présidentielle ne consiste plus qu'à mettre au pouvoir un aristocrate de droite ou de gauche préalablement désigné par sa caste. La campagne électorale, qui devrait être un moment de droit de parole et d'expression, n'est plus qu'un cortège de mensonges, de démagogie, de populisme, de petits arrangements, de règlements de comptes relayés avec délectation par les médias et de promesses qui, n'en doutons jamais, ne serons pour la majorité d'entre elles pas tenues. Ce qui par contre est réel, c'est l'avidité au pouvoir manifestée par cette aristocratie élective, et c'est le coût exorbitant de toutes ces grandes messes sur-médiatisées auxquelles il nous a été donné d'assister ! La démocratie de sort pas grandie d'un tel spectacle...
Le mode de scrutin uninominal immuable depuis 200 ans qui consiste à choisir et à mettre au pouvoir une personne et un parti en lieu et place des idées me semble être devenu totalement inapproprié aux problèmes de changement de modèle auquel nous sommes confrontés. Ce mode de vote ne permet plus de voter en cohérence avec ses opinions.

Certains candidats ont proposé de rendre le vote obligatoire. Je trouve l'idée intéressante, mais à la condition expresse de prendre en compte les bulletins blancs et d'en tirer les conséquences en terme de représentativité. Une feuille de PQ, dans une urne, c'est une opinion. Les pourcentages attribués ensuite à tel ou tel candidat devraient obligatoirement être corrigés de cette expression d'opinion. Mais on pourrait également changer de mode de scrutin. Des scrutins référendaires sur des thématiques de programmes, par exemple. L'expérience de démocratie participative qui se déroule actuellement en Islande, même si les médias s'en font très peu l'écho, est quelque chose d'extrêmement intéressant et novateur. Quelques villes françaises, Strasbourg, St Etienne, Louvigny... ont testé cette année de manière expérimentale un mode de scrutin parallèle 'par approbation' ou par 'notation'. Le principe est de choisir quelques candidats ou programmes , puis de leur attribuer une note d'approbation de 0 à 20. On pourrait même imaginer que le vote UTILE soit évité par une possibilité de vote sanction de certains programmes avec des notes négatives de -20 à 0. Bizarrement, il est très difficile de trouver de l'information sur ces expériences de scrutins alternatifs, comme un parfum de tabou, les grands médias n'en parlent pas... ou si peu !

L'expérience avait déjà eu lieu en 2002 et en 2007. Mais le vote de Valeur avait cette année son site Internet, afin de rendre l'expérience accessible à tous : lien vers le site votedevaleur.org