Longtemps, la nature de l’intelligence nous est demeurée plutôt mystérieuse. Mais à présent, elle est l’objet d’une foule de recherches scientifiques, qui débouchent d’ailleurs sur des perspectives de plus en plus ahurissantes.
Exemple : on en est aujourd’hui au point de poser légitimement et sérieusement des questions comme : « et s’il suffisait de quelques pilules pour stimuler notre intelligence ? ».
L’émission scientifique allemande X.enius a choisi, à son tour, de s’intéresser à ce problème.
En premier lieu, elle nous fait découvrir un homme, Johannes MALOW, qui, grâce à un entraînement de la mémoire intensif, parvient à réaliser des « performances étonnantes » : se souvenir de suites de 1000 chiffres et jongler avec elles. L’entraînement mnésique et la stimulation intellectuelle vont souvent de pair…
A partir du moment où l’on se met d’accord sur ce qui constitue une « performance intellectuelle », on est, aujourd’hui, tout à fait capable de « mesurer l’intelligence », et de définir en quoi elle consiste. L’intelligence, c’est, en fait, la capacité à « comprendre très rapidement les choses» couplée à celle d’ « élaborer de nouveaux modèles intellectuels et de nouveaux comportements ».
Tout ceci met à contribution un certain nombre de fonctions et d’aptitudes : la mémoire, le langage, l’imagination, la capacité d’abstraction, la concentration, la créativité et le raisonnement logique.
Ainsi, un autre exemple nous est présenté, celui des MOINES BOUDDHISTES, lesquels sont de véritables champions de la CONCENTRATION et qui obtiennent, il se trouve, d’ « excellents scores » aux tests de détection de l’intelligence. Les neuroscientifiques ont, d’ailleurs, dûment prouvé, grâce à des tests, que, comme ils nous l’apprennent, « les exercices de méditation » ont le pouvoir de « modifier le cerveau ».
L’allemand Johannes Madow, pour sa part, ne connait pas son QI. Toujours est-il que, comme nous l’avons vu, ses prouesses intellectuelles résultent avant toute autre chose, d’un entraînement extrêmement poussé.
Les chercheurs prétendent que le QI n’est, en tout et pour tout, « qu’un outil ». N’empêche qu’un autre prodige, lui âgé de seulement 12 ans, Konstantin KUDLER, jouit d’un QI de 140 et (relation de cause à effet ?) est à même de mémoriser des noms, des visages, des cartes ou des chiffres « en un peu plus d’une minute » seulement. Interrogé, le jeune garçon nous explique que, pour les chiffres, il procède en associant à ceux-ci des images qui lui permettent de les graver dans sa mémoire. Un truc mnémotechnique, en somme…
Ce qui est désormais certain – parce que dûment démontré par des recherches neuroscientifiques – c’est que chaque évènement qui nous arrive induit une réaction immédiate de nos cellules nerveuses (neurones) sous forme d’ « impulsion ». Mais ce n’est pas tout…le SOMMEIL PROFOND s’avère absolument déterminant, en ce qu’il induit une véritable réactivation neuronale des informations au cours de laquelle ces dernières sont transférées de la MEMOIRE IMMEDIATE (ou MEMOIRE A COURT TERME) dont le siège est une zone du cerveau appelée l’HIPPOCAMPE, au CORTEX qui, lui, est le siège de la MEMOIRE A LONG TERME.
Des expériences menées dans des LABORATOIRES D’ETUDE DU SOMMEIL ont établi que, pendant les phases de sommeil profond, le cerveau se mettait à produire des ONDES DELTA. Conséquence : « ceux qui ont un bon sommeil profond bénéficient d’une beaucoup plus grande mémoire », le meilleur exemple étant celui des ENFANTS. Par contre, « à partir de 40 ans, le sommeil profond diminue en temps et en intensité ».
Il s’avère donc que « le nouveau savoir doit être consolidé pendant le sommeil ».
Pour nous en administrer la preuve, les chercheurs se livrent à une expérience de stimulation des ondes delta menée pendant le sommeil profond d’un groupe d’étudiants. Ici, les ondes sont intensifiées par stimulation électrique. Résultat ? A la faveur de tests, les étudiants concernés témoignent d’une mémorisation parfaite des mots qu’on leur a fait apprendre avant qu’on agisse sur leurs ondes delta ! Ce qui tend à établir amplement le fait que le sommeil profond, par sa stimulation de la mémoire, favorise l’apprentissage. C’est dire si la mémoire et la cognition sont intimement liées !
Au laboratoire de neurophysique de L’UNIVERSITE DE BERLIN, nous rencontrons une spécialiste de « l’entraînement cérébral », le Pr EUZER. Elle nous confirme que oui, « on peut parfaitement entraîner le cerveau » mais, pour l’instant, non pas dans sa globalité, mais plutôt par tranches ; elle précise : « on n’entraîne qu’une seule facette ». Cette facette peut être la mémoire, ou encore la pensée abstraite, l’intelligence spatiale, la concentration.
Mais de quelle manière les stimule-t-on ?
Mme Euzer nous cite divers moyens : les psychostimulants, qui eux-mêmes se répartissent en deux catégories : les substances licites que sont CAFEINE et GINGKO BILOBA, et les substances disponibles sur ordonnance seulement, telles le MODAFINIL et la RITALINE.
Mais, constate-t-elle, les « effets » sont « très variés et surestimés » sur les sujets sains.
Il n’empêche ; le débat sur le DOPAGE DU CERVEAU commence à faire rage…
C’est ainsi que des tests ont été effectués sur des JOUEURS D’ECHECS ; on a administré à ceux-ci, tour à tour, de la RITALINE, de la CAFEINE et des AMPHETAMINES, tous stimulants avérés. La question était : sachant qu’ils agissent au niveau des points de contact entre les SYNAPSES (chargées de transmettre, d’un neurone à l’autre, les signaux chimiques) en y bloquant des substances telles que la DOPAMINE, de pareils produits permettent-ils vraiment d’engranger des savoirs ? Les résultats, mitigés, donnèrent lieu à des interprétations assez divergentes : pour un autre spécialiste, Claus LIEBE, les psychostimulants administrés n’ont fait que « dégrader la performance » des joueurs d’échec-cobayes, son explication de ce phénomène étant que jouer aux échecs est « une performance à la fois cognitive et créative ». A rebours, le Pr Euzer semble afficher une opinion contraire, ce qui, assez bizarrement, ne l’empêche pas de déclarer qu’«il n’existe pour l’instant aucun pilote rendant plus créatif ou plus intelligent ». A cela, elle ajoute qu’il est temps de « porter le sujet [d’un éventuel dopage du cerveau] sur la place publique » pour en faire un débat de société. Elle en profite également pour remarquer, au passage, que « la caféine est accessible partout ».
Autrement plus affirmatif et enthousiaste que ces deux savants européens est Allan SNYDER, chercheur à L’UNIVERSITE DE SYDNEY.
Fasciné par la CREATIVITE, Snyder définit cette dernière comme le fait de « combiner des idées apparemment sans aucun lien pour en faire une idée nouvelle ».
En menant, dans son CENTRE DE RECHERCHE SUR LE CERVEAU, des tests sur des étudiants qu’il faisait DESSINER, il a constaté que, pour la plupart des gens, le dessin n’était pas une acte de représentation, mais un acte de PROJECTION : "nous dessinons tous des caricatures de ce que nous croyons connaitre, des symboles de ce qu’on connait ", et cela « entrave la créativité ». A côté de cela, le savant australien nous cite le cas de NADIA, qui est une jeune AUTISTE ASPERGER et qui, en tant que telle, a, au contraire de nous, accès aux « informations brutes qui existent avant d’être conceptualisées » et, de ce fait, réalise de fabuleux dessins.
Snyder explique : dans le cerveau, l’hémisphère gauche mémorise les concepts et les pré-connaissances, et c’est à l’hémisphère droit que reviendrait le privilège d’avoir une créativité plus grande. Il suffirait en conséquence de « mettre en veilleuse une partie du cerveau » pour en réveiller d’autres…et le tour serait joué ! C’est ce qu’a entrepris de faire Snyder, à l’aide d’une machine qu’il a mise au point, un « appareil à courant électrique et à ondes magnétiques » qu’il utilise, là aussi, sur des étudiants volontaires.
Et il a été frappé par le fait qu’après chaque stimulation, les dessins que produisaient ses sujets d’expérience affichaient des caractères étonnamment plus réalistes. A croire que leur sens du détail, donc leur performance, avait été boostée, exactement comme on le constate chez les autistes Asperger.
Mais il reste, bien sûr, à totalement, solidement valider ces résultats, et Alan Snyder est un savant encore en butte à des controverses.
La créativité est peut-être la part la plus complexe, la plus difficile à cerner de l’intelligence…
P. Laranco.