Avec l'affaire de la Société Générale, nous avons vu les dérives de la financiarisation. Elles ont été abondamment commentées.
Il n'en demeure pas moins que les marchés financiers peuvent aussi jouer un rôle économique très intéressant.
C'est l'objet de ce (
Nous allons essayez de comprendre l'intérêt économique de cette financiarisation pour un producteurs de richesses agricoles.
Dans un premier temps, quelques éléments de repères seront donnés, puis nous passerons à des situations concrètes (
Qu'est ce qu'un marché des contrats à terme ?
Les marchés à terme sont des lieux où se rencontrent des acheteurs et des vendeurs, qui négocient l'échange de contrats à terme.
Ces marchés sont particuliers: on échange du "papier" - des contrats normalisés qui stipulent la nature, la qualité et la quantité des marchandises et qui peuvent être achetés ou vendus à tout moment durant la durée du contrat, les vendeurs et les acheteurs ne se mettent d'accord que sur le prix.
En réalité les marchandises ne sont jamais livrées. Les obligations de prendre livraison, quand on est acheteur, ou de livrer lorsqu’on est vendeur, sont évitées par la liquidation des contrats :
On appelle position l’achat ou la vente de contrats à terme.
- En position vendeur : à la place de livrer la marchandise à la date prévue de livraison, il peut y avoir rachat du même de nombre de contrats à terme, ce qui liquide la position d’origine.
- En position acheteur : à la place de prendre livraison de la marchandise et de la payer, il peut y avoir revente du même nombre de contrats à terme.
Ouh la... J'en vois qui décroche, ce sont les adeptes de la lecture en F ^^
Donnez-nous du concret m'sieur, on comprend rien, c'est flou, non ^^
c'est souvent la phrase rituelle des élèves (en philo, en éco, en socio etc...)
Prenons un exemple concret (simplifié)
Mr Alhuil est agriculteur (
Il espère, compte tenu de son expérience et des débouchés commerciaux qu'il a envisagés, un prix de 130 euros la tonne.
Il prévoit son rendement (40 tonnes à l'ha), ses coûts et sa marge bénéficiaire.
Si, au moment de vendre sa récolte, le prix baisse de:
- 1 euro la tonne, sa perte sera de 400 euros
- 10 euros la tonne, sa perte s'élève à 4 000 euros.
Quand on sait qu'en janvier 2005, le cours de la tonne de pommes de terre était de 22 euros et que, deux ans plus tard, en janvier 2007, il atteignait 300 euros, on mesure l'ampleur des fluctuations, donc la difficulté de gérer une exploitation.
Examinons maintenant ce que peut apporter ce fameux marché.
Exemple 1: Le marché de la pomme de terre s'effrite (
En mars 2008, Mr Alhuil se fixe un prix d'objectif de vente de ses pommes de terre en tenant compte d'abord de ses coûts de production (il doit donc prévoir une marge bénéficiaire qui lui permette de rémunérer son activité), de la demande sur ce marché et des prix du marché et de ses concurrents.
Il se fixe comme objectif 130 euros la tonne.
Mais il a des craintes: il y a eu surproduction, les prix sur le marché réel risque de ne pas être à la hauteur de ses prévisions. Il doit donc anticiper.
Il décide de se porter sur le marché à terme.
Voici une illustration concrète d'un de ces contrats-papiers que l'on échange.
En ce moment, le prix des contrats à terme à échéance avril 2008 est de 130 euros la tonne (ce prix correspond à son prix d'objectif).
Mr Alhuil va alors réaliser une opération de couverture. Il va vendre (virtuellement) sa récolte à 130 euros la tonne, ce contrat sur le marché à terme arrive à échéance en avril 2008.
Que va-t-il se passer si ce marché chute ?
En avril, à échéance du contrat, il liquide sa position sur le marché à terme:
- soit il livre sa marchandise (cas le plus rare)
- soit il ne livre pas, mais liquide sa position de vendeur en rachetant avant l'échéance des contrats.
Concrètement, cela signifie qu'il rachète en avril des contrats à terme qui sont à 90 euros la tonne. Il a donc vendu à 130 euros et acheté des contrats à 90 euros, soit un gain de 40 euros (ils ne sont pas virtuels, ceux-là ^^)
Pendant ce temps, sur le marché physique de la pomme de terre, le prix ne correspond pas à ce qu'avait prévu l'agriculteur. Rappelez-vous, il pensait vendre à 130 euros la tonne.
Ses craintes étaient fondées: le marché fixe le prix à 90 euros la tonne (l'offre est supérieure à la demande). C'est le prix au comptant.
Mr Alhuil fait ses comptes:
vente sur le marché physique: 90 euros + gains sur le marché à terme: 40 euros = le prix d'objectif (130 euros) est atteint. Il peut vivre de son activité.
Ainsi, il s'est couvert contre le risque de fluctuation (ici à la baisse) des prix de la pomme de terre.
Voici un schéma explicatif (
Exemple n°2: le marché de la pomme de terre ne touche plus terre, il est en
ébullition !
Prenons le cas inverse, les prix s'envolent. Le prix d'objectif est le même (130 euros la tonne).
En mars, les contrats à terme se négocient toujours à 130 euros la tonne comme dans le cas précédent.
Par contre, de mars à avril, les prix sur le marché physique et sur les marchés à terme s'envolent. En avril, sur le marché à terme, les prix s'établissent à 200 euros la tonne et sur le marché physique, on est à 200 euros la tonne.
Bilan de l'opération:
- marché physique: 200 euros (vente)
- marché à terme: 130 (vente) - 200 (achat) = - 70 euros
= le prix d'objectif est atteint : 130 euros (200 - 70)
Voici le schéma correspondant (
Exemple n°3: tout de suite ou demain, tel est le choix, ma pomme ^^
Les deux exemples précédents sont basés sur le fait que les deux marchés (physique et à terme) évoluent dans le même sens (exemple n°1: à la baisse / exemple n°2: à la hausse). Mais si ce n'est pas le cas...
- hypothèse n°1: le prix sur le marché réel baisse / stagne alors que le prix sur le marché à terme augmente.
Si on est rationnel, alors il vaut mieux entreposer sa récolte et la vendre sur le marché à terme, plus rémunérateur.
Conséquence directe: les quantités physiques offertes chutent (puisque les producteurs les vendent à terme), la rareté de l'offre entraîne donc une hausse des prix de la pomme de terre réelle et
le prix à terme et le prix comptant se rapprochent.
- hypothèse n°2: le prix sur le marché physique augmente alors qu'il stagne ou baisse sur les marchés à terme. Le mécanisme est le même: au lieu de stocker pour vendre à terme, les
producteurs inondent le marché réel de pommes de terre et désertent les contrats à terme. Les prix des deux marchés vont donc avoir tendance à se rapprocher.
Nous avons donc une application des mécanismes de marché que nous avons vu en classe.
Voici, pour enfoncer le clou une vidéo qui reprend les mêmes principes (c'est évidemment de la communication pour une entreprise, on pourrait redire sur la qualité du montage et des effets
visuels, mais elle me parait tout de même très intéressante par rapport à notre sujet). A vous de voir...
Offre & Demande Agricole : comment gérer le risque de prix
Bon alors, il nous faut une conclusion qui fait le bilan et qui ouvre le sujet, non ?
Ces fonctionnements de marché présentent plusieurs intérêts pour le producteur:
- ils permettent d'avoir une meilleure anticipation des prix futurs. En effet, dans ce type d'échange, les vendeurs/acheteurs ne discutent pas de la qualité, des délais de livraison (puisqu'ils sont normalisés). Seul le prix est l'objet d'une négociation. On est donc bien dans le fonctionnement théorique du marché (dans les marchés réels, il y a évidemment beaucoup d'autres critères que le prix qui sont négociés)
- ils permettent de couvrir les risque contre les fluctuations des prix, et donc de permettent à des acteurs économiques de poursuivre leurs activités. En ce sens, ils jouent un peu la fonction d'assurance.
- Ils exigent un certain nombre de conditions que l'on peut deviner avec la vidéo: un bouleversement considérable du métier
d'agriculteur (qui peut être amené à utiliser ces mécanismes) et / ou l'apparition de sociétés de services (qui forment, conseillent, gèrent ces différentes stratégies).
- enfin, et je vois bien que certains trépignent (si, si...): il y a évidemment des limites. Même si ce n'est pas l'objet de ce billet (et d'ailleurs, en classe,
nous n'avons pas encore attaqué les limites du marché), je dois évidemment les évoquer (ah, ce fameux, que dis-je, ce légendaire esprit de nuance): la couverture de risque n'est
pas la seule motivation qui animent les acteurs de ces marchés.
Il existe également des motifs de spéculation. Cela consiste à prendre aujourd'hui des décisions économiques (ici acheter / vendre ces contrats) sur la base d'un hypothétique
prix dans le futur (à la hausse ou à la baisse selon la position de départ). Le décalage dans le temps (j'achète ou je vends à 1 mois) est ici crucial pour gagner / perdre.
Un autre aspect "critique", lié au précédent, réside dans la financiarisation excessive. On l'a dit à propos de la Société Générale, les banques gèrent-elles les dépôts,
accordent-elles des crédits (leur activité de base, comme avec Mr Alhuil qui cultive ses pommes de terre) ou bien sont-elles devenues des acteurs clés sur les marchés financiers qui
achètent et vendent des titres, ou des entreprises dans une logique de spéculation ?
Allez, on se quitte avec un jingle, comme dans le dernier billet, c'est du masterpiece (Charlie
Parker him self au saxo), et pas de la première époque (non parce que les jeunes, là, à mon avis, vous n'allez même pas écouter tellement cela vous paraîtra désuet...si ...si... je
le sais, quand j'annonce qu'on va visionner des extraits de films en noir et blanc, muet... je vois bien que votre machoire esquisse un mouvement de haut en bas^^).
Bon, la prochaine fois, je ferais un jingle avec la refondation de NTM
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