Ce week-end j’ai enfin visité l’une des grottes du sud-ouest dans laquelle on peut voir des peintures préhistoriques. Comment ça, enfin? Tu n’est pas censée être passionnée d’art contemporain? Bah, oui, mais depuis que, gamine, j’ai visité le site préhistorique de la Valcamonica (Italie du Nord) et admiré les graffiti des Camunni, je suis toujours fascinée par ces témoignages très anciens.
Face à ces peintures stupéfiantes, je me suis étonnée du fait que ces dessins, qui remontent à 25.000 ans, ont des traits et une façon de représenter les objets incroyablement modernes, voire contemporains. Les sujets sont surtout animaliers, mais parfois on entrevoit aussi des figures humaines, très stylisées. Des bisons, des cerfs ainsi que des femmes sont evoqués par des traits extrêmement simplifiés, mais essentiels.
J’ai alors pensé à ce que l’on appelle, sur les livres d’histoire de l’art, le “primitivisme”: normalement ce mot indique une tendance de l’art du début du Xxème siècle, quand les artistes des avant-gardes (par exemple Picasso, Matisse, Derain, Vlamink, mais aussi Kandinsky) commencèrent à puiser leur inspiration dans l’art ethnographique et africain, mais aussi dans l’art populaire, dans le Moyen-Age et dans les graffiti préhistoriques. Cette tendance, qui ne fut jamais un véritable mouvement, mais traversa les différentes avant-gardes (Cubisme, Fauvisme et Expressionnisme surtout) et répondait aux exigences de renouvellement du language de la peinture: elle était associée à la spontanéité, à la force d’expression, à l’authenticité face à l’intellectualisme.
Cet engouement pour l’art primitif entraîna en effet de nombreux changements dans la peinture: l’emploi libre de la couleur, non plus liée à la réalité photographique, en fut un, mais aussi la décomposition des points de vue, propre au Cubisme, ainsi que la pureté et l’extrême simplication de l’art abstrait dont Wassily Kandinsky est le maître absolu.
Si j’ai decidé de vous parler de primitivisme aujourd’hui, c’est justement parce que la vision des peintures de Pech Merle m’a fait penser à la naissance de l’art abstrait: dans la préhistoire aussi on suppose que les formes peintes sur les murs des grottes avaient tout un tas de références symboliques. Dans l’art de Kandinsky aussi, la simplification au dégrès maximum aménait une série de significations symboliques, spirituelles et presque magiques.
Cette constation, qui mériterait bien sûr bien plus d’espace et de temps qu’un bref article de blog, me fait refléchir à une petite “découverte” que j’ai fait quand j’était au lycée, grâce à mon prof de grec et latin. Si on retrouve dans différentes cultures les mêmes mythes et légendes, parfois avec des similitudes étonnantes, c’est parce qu’ils font reférence à des schémas mentaux de l’homme (et qu’ils répondent aussi à des besoins et à des questionnements de l’humanité) présents dans toutes les cultures.
C’est curieux et surprenant: même l’abstraction, c’est-à-dire un art épuré, qui n’a aucune (ou très peu) d’attaches avec la réalité, pourtant chargé de valeurs spirituelles et de significations secrètes, se retrouve dans toute l’histoire de l’art à travers les siècles, comme si elle satisfaisait ainsi à un besoin de l’homme.
Tous ces questionements démandent des réponses et des études bien plus profondes que celles que je peux vous donner sur ces pages. Loin de moi l’idée de vous présenter ici une théorie articulée autour du primitivisme ou de l’abstraction! (en plus ce n’est pas vraiment mon sujet privilegié!!) C’était tout simplement le contenu de mes questionnements sur le trajet retour sur les routes du Quercy …
* La citation est de l'artiste américain Barnett Newmann et date de 1947.