Souvenez-vous. C’était à la mi-mars. Patrick Buisson, le « sorcier de l’Elysée », accordait au Monde une interview dans laquelle il déployait des trésors de rhétorique et de sophistique pour démontrer que François Hollande plongeait irrémédiablement dans les intentions de vote, tandis que Nicolas Sarkozy, grâce à sa phénoménale campagne, remontait et allait finir par le doubler. « Depuis novembre, la courbe des intentions de vote en faveur de Hollande est orientée à la baisse. La tendance en faveur de Nicolas Sarkozy, depuis son entrée en campagne, est non moins incontestablement haussière. Les plus audacieux ajouteront qu’il suffit de prolonger les courbes pour connaître le résultat final. ». C’était le fameux croisement des courbes, donné par certains sondages ces dernières semaines, et censé rebattre totalement les cartes pour le second tour.
Souvenez-vous. C’était début avril. Nicolas Sarkozy, battant campagne, se confie au JDD sur l’énergie qu’il sent se déployer autour de lui. « Pour ma part, je dirais même que la mobilisation est plus forte que ce que j’ai connu, lors de la précédente campagne. Je sens monter la vague… ».
Souvenez-vous. C’était à une semaine du premier tour. Nicolas Sarkozy se vantait de rassembler, place de la Concorde, la majorité silencieuse dont il se targuait d’être le candidat.
De semaine en semaine, le président sortant a construit un discours de prestidigitateur, tentant de compenser par le bluff et les éléments de langage – pour sculpter la lecture des événements – son assise rachitique dans la population française. Aujourd’hui, à nouveau, l’enfumage reprend. Sur les plateaux de télévision du premier tour, les dirigeants de l’UMP se répandent en commentaires conquérants : « rien n’est joué », « tout reste à faire », « la gauche est minoritaire dans le pays ».
Faisons, a contrario, un bilan objectif de cette première manche de l’élection.
Le candidat du seul Parti socialiste bat de près de 3 points le candidat de l’ensemble de la droite républicaine (UMP, centristes du Nouveau Centre, radicaux de Borloo, partisans de Christine Boutin et de Frédéric Nihous).
Le candidat sortant, pour la première fois dans l’histoire de la Vème République, n’est pas en tête au premier tour de l’élection.
Alors que les appels à soutenir François Hollande se multiplient – Eva Joly, Jean-Luc Mélenchon, les dirigeants du Parti communiste … – Nicolas Sarkozy est adossé d’un côté à un Front National dont le fondateur (et emblématique figure) a déjà annoncé sa défaite, et de l’autre côté à des forces politiques – MoDem et Debout La République – qui n’ont pas de mots assez durs pour le qualifier depuis des années.
Les faits sont têtus : Nicolas Sarkozy est un candidat battu et aux abois, sans alliés évidents, et il s’est montré incapable ce dimanche de donner raison à ses forfanteries de campagne.
La vague, le croisement de courbes, la majorité silencieuse : qu’ils reposent en paix.
Romain Pigenel