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Elle était célèbre, la voix de Bossuet, elle résonnait devant Louis XIV et sa cour. Retransmise à la radio par France Musique (un peu après 1H58mn) nous assistons au Carême du Louvre, le 5 mars 1662 (Bossuet a 35 ans, Louis XIV, 24). Grâce à Geoffroy Jourdain et Benjamin Lazare, nous pouvons écouter une partie du "Sermon du nouveau riche". Ce sermon comme les Oraisons funèbres de Bossuet, nous les avons lus au lycée, mais nous ne les avons jamais entendus, jamais écoutés. Ces chefs d'oeuvre d'oralité sont lettre morte lorsque l'on ne fait que les lire, d'autant que les textes des sermons sont incertains (cf. le travail de Christine Noille-Clauzade).
Les voici, lus par Benjamin Lazar, avec l'accent bourguignon de l'époque, avec les "R" qui roulent et tonnent et vibrent, avec les silences que ne marque pas l'imprimé, avec les "s" du pluriel, tous prononcés, qui sifflent à la fin des mots dans le silence de l'écoute. Tout à coup, on "perçoit" la partition de ce sermon au lieu d'un espace uniforme, linéaire (la ponctuation et la mise en page s'avèrent de faible secours pour rendre compte de la musique du texte). De l'orateur, on perçoit la volonté d'expliquer, de convaincre, les menaces aussi. On "perçoit" la structure fixe du sermon (texte, exordes, péroraison). On l'entend penser, argumenter. Eloquence que l'on a pu décrire comme une "machine démonstrative".
A cette occasion, on peut penser ce qu'impose à un document oral sa reconstitution écrite, ce que l'écrit fait aux oeuvres anciennes (cf. Homère). Beaucoup des "grands textes" que nous étudions à l'école étaient conçus pour l'oral, pour être récités, dits, voire chantés. Un changement de média n'est jamais neutre.
Références :
Christine Noille-Clauzade, "A la recherche du texte écrit : enquête rhétorique sur les sermons de Bossuet", paru dans Lectures de Bossuet : Le Carême du Louvre, Presses Universitaires de Rennes, pp. 89-109