Ce matin, je me réveille d’humeur monotone. La cause ? L’incapacité pour mon cerveau d’aligner deux phrases. Un vide intersidérale a remplacé ma matière grise.
Mais heureux de voir que (super) Namoussa est là pour me soutenir. Elle qui publie un article par seconde.
Elle qui, hier dans un rêve trépident, était l’héroïne de ma résurrection. Assis à une table à boire quelque substance que je n’ai pas le droit de vous citer, elle me dit : » Tu sais, je pense beaucoup à toi quand j’écris. Tu es ma muse. Mais ces temps ci, tu me fais chier. » J’étais resté bouche bée quand elle se leva pour s’approcher de moi et me susurrer à l’oreille des mots qui avaient l’air d’être les suivants : « Inspire toi de ta vie de tous les jours. Au pire inspire toi de moi ».
Je sais, j’aurais pu tourner cette situation à mon avantage. Elle. Moi. Mon rêve. J’aurais pu … l’obliger à écrire mes textes. J’aurais pu aussi …
Mais ce matin, comme à mon habitude, j’entrepris ce périple qui me mène, tous les jours, à mon doux calvaire.
La plus grande partie de ce dernier se passe dans le métro. J’ai pu remarquer un point commun entre tous mes compagnons de voyage d’un jour. C’est qu’ils courent tous. Alors que notre prochaine diligence arrive dans une minute. Tout le monde se précipite dans celle à quai et bondée de monde.
On se bouscule. On se jette par terre. Les portes se referment, on a l’air con.
La prochaine arrive enfin, c’était très long, un très long moment de solitude pour certains. Le scénario se répète. On est bousculé à l’intérieur. Jeter en plein dans une arène pleine de … cafards. Oui parce que le métro c’est sale.
Je vais peut-être vous paraître schizophrène, bi-polaire ou atteint de je ne sais quelle pathologie psychiatrique après la demande que je vais vous faire. Mais ça va, je le vis bien. Donc je vous demanderais de fermer vos yeux et d’imaginer que vous êtes présent, là, avec moi dans cette rame de métro de sortir de votre corps, comme si vous étiez en plein lévitation dans un métro bondé de monde.
Ouvrez les yeux ! Vous n’allez rien voir sinon !
Photo mis en scène par Janol Apin dans les années 90. (Source : laboiteverte.fr)
« Ces gens qui dorment »
A première vue, vous pouvez croire que je parle de pauvres SDF, mais que nenni. Regardez bien, au fond, Costard trois pièces. Pochètte en cuir, chaussure italienne.
Quand il est monté, il a tout fait pour éviter de toucher « les gens ». Avec son regard hautain il s’est dirigé vers ce siège vacant, en courrant, avant qu’une dame, qui avait sûrement l’âge de sa grand-mère, ne le prenne. Il s’installe, tel un pacha crasseux . Il s’endort. Quelques secondes plus tard. Il se permet de baver. Il dort sûrement, mais il sert toujours autant sa sacoche en cuire. Il a raison, des arabes peuvent lui voler quelques feuilles blanches ainsi que son beau stylo made in china.
Il se réveille enfin, comme s’il était programmé. Il essuie les quelques gouttes de baves qui lui restent sur la joue. Il sort de la rame. Il se dirige surement vers un entretien d’embauche ou vers sa propre société. Un petit génie de la finance peut être. Tant d’inconnus qu’on croise, qui sont peut-être exceptionnel mais qu’on ne le voit pas. On ne voit plus rien de nos jours.
« Les Étudiantes »
Plus loin on peut apercevoir ce groupe de jeunes demoiselles. De jeunes étudiantes en fac qu’on reconnaîtrait entre mille. Minis jupes et collants opaques. Cette mèche qui valse au gré des tortillements du métro. On reste là, béa en les voyant. Ces jeunes demoiselle parfument la rame de leurs odeurs voluptueuses! Un iPhone à la main. Oui! Car, si tu n’as pas d’iPhone Tu ne peux accéder à ce cercle très restreint. Prenons celle qui a l’air d’être la cheftaine de la tribu. On ne la reverra sûrement jamais, mais imaginons là. Jeune. Étudiante. En médecine ? Non elle fait des études de droit. Le pavé rouge, dans ses mains, le confirme : « CODE PÉNAL »
Doisneau Robert : les jambes du metro de Paris -1971
Elle n’est peut-être pas la plus assidue en cours mais elle a tout de même un bon niveau et c’est grâce à sa touche charme et glamour qu’elle réussit à gouverner ce cercle de jolie fille telle une reine entourée de ses dames de chambre.
Elle descend. Elle s’éloigne. On ne la reverra plus jamais. On fera peut-être appel à elle un jour sans savoir qu’un jour nous avons partagé la même rame de métro ? Un jour, peut être.
« Les Mendiants »
Une odeur pas très commode envahie la rame, on se retourne et on voit deux mendiants. Par pure hasard et pas du tout par esprit de compression de l’histoire on se retrouve en face des deux types de mendiants qui peuplent le métro parisien. Celui qui rentre avec un violon qui date de je ne sais quand, mal accordé (autant le violon que la personne maniant l’instrument) reprenant du « Bessame mucho » avec un soupçon de « Vivaldi ». Enfin reprenant est un bien grand mot. Car comme pire interprétation on ne peut trouver mieux. Mais sa ne les empêchent pas de paraître contents. Pour eux, c’est comme un message à transmettre, où le messager demande un pourboire à la fin. On est obligé de mettre nos écouteurs et d’augmenter le volume a 100% pour ne pas entendre le massacre d’une œuvre magnifique (je parle bien-sûre des reprises de Vivaldi). Pour ne pas se faire violer les oreilles par des notes écorchées vif.
Lui quand il descendra de cette rame, il aura cette impression d’avoir accompli son devoir. Il n’a pas de travail fixe. Mais il a, j’ose croire, trop d’orgueil pour tendre la main sans avoir d’abord offert une contre partie.
Photo mise en scene par Janol Apin dans les années 90
Vient donc l’autre catégorie. A la base c’était une pratique roumaine, mais cela s’étend a toute les nationalités!
Tout adepte de cette pratique doit connaitre un discours précis. Toujours le même : « S’il vous plait, désolé de vous déranger. Mais j’ai pas de travail, j’ai deux enfants ! Je ne peux pas les nourrir. Svp une pièce ou un ticket restaurant pour un repas chaud mesdames messieurs merci. Bonne journée et bon weekends-end ». Ce qui change c’est l’accent ! Le Roumain prononcera tout ceci avec sivouplii pas argent pas travail… Etc. Ce dernier peut tendre la main et mettre sur votre siège un petit bout de papier précisant qu’il n’a vraiment pas de travail qu’il a deux enfants et qu’il faut les nourrir ! Tu te demandes combien d’argent il a fallu pour imprimer autant de tract. Puis tu te dis, sceptique comme tu es, qu’il doit sûrement y avoir une société écran, car tu sais pas ce que s’est, qui les emploie. Des magnais de la drogue roumaine et portugaise ! Tu as peur, tu lui donnes une pièce.
Une vidéo d’Elie Kakou qui montre que cette façon de faire date déjà depuis longtemps :
Cliquer ici pour voir la vidéo.
Je pourrais vous présenter ainsi une dizaine d’autres catégories de personnes qui peuplent les bouches de ce métro parisien, mais je dois vous quitter. J’arrive bientôt à ma station. N’oubliez pas de rejoindre vos corps avant le Terminus. Les autres je vous les présente à notre prochaine rencontre dans cette même rame.