Conseil de l’Europe : Une Cour sous pression

Par Memoiredeurope @echternach

Durant les années où j’ai travaillé au Conseil de l’Europe, j’ai eu le plaisir d’engager des discussions passionnantes avec tous les groupes d’étudiants à qui je présentais les politiques des grandes institutions européennes. La Convention européenne des droits de l’homme et la Cour européenne des droits de l’homme provoquaient l’admiration. Leurs naissances, leurs fondements et surtout les valeurs mises en avant par cette Convention, dont j’expliquais alors l’application à la culture et au patrimoine, soulevaient l’enthousiasme. Une Convention et une Cour, un espace justiciable dont la reconnaissance absolue, au-dessus de toute décision nationale, scellait l’entrée des pays dans une Institution responsable de valeurs fondamentales. Autrement dit le rêve de tous les Européens convaincus était né à l’aube de l’Europe moderne et avait survécu à toutes les crises.

Cour européenne des droits de l’homme, Strasbourg

Une voix unique

J’ai déjà largement insisté sur le fait que l’Europe ne peut exister politiquement qu’au travers d’un comportement collectif. « Une Europe silencieuse ne saurait développer une seule et même voix ; or c’est dans cette voix unique, pourvu qu’elle soit entendue, que l’Europe se manifeste comme corps politique. » rappelle Luuk van Middelaar en énumérant les pas successifs qui ont fait rentrer une certaine vision de l’Europe dans le fleuve de l’histoire.

D’un côté, six pays décident de fonder une Communauté industrielle, militaire et économique – avec les difficultés que l’on connaît pour la seconde – et dans l’espoir que sur la longue durée un Traité viendra faire converger les opinions nationales d’un nombre de pays toujours croissant vers une voix unique.

Mais se contenter d’expliquer l’évolution de l’Europe par cette seule stratégie patiente est extrêmement réducteur. Certes, c’est l’évolution positive de l’Union européenne qui a donné raison aux optimistes pendant soixante années, contre toute autre stratégie possible, jusqu’à ce que l’épreuve de la crise monétaire, économique, spéculative conduise le navire sur un écueil qui est encore en ligne de mire : la mondialisation bancaire. Le plus grand des cyniques, l’incroyable philanthrope Georges Soros a commencé ces jours-ci une tournée « littéraire » européenne en habit de croque-mort. « Les dirigeants européens mènent l’Europe à sa perte » a-t-il déclaré dans une série de variations sur thème qui ressemblaient à un ensemble de communiqués de presse prédigérés reliés à la parution de son dernier ouvrage « Le chaos financier mondial ». Il s’agit sans doute pour lui aujourd’hui de jouer les Cassandres et de faire du « teasing » dans le cadre d’une stratégie marketing, mais une de ses réponses au journal « Le Monde » fait froid dans le dos tant elle indique entre quelles mains nous nous sommes mis depuis une vingtaine d’années. S’il était en condition de le faire, le financier spéculerait-il contre l’euro ?  « Je suis désormais à la retraite, et mon fonds Quantum ne possède pas de position en euro. Mais tant qu’il n’y a pas de changement parmi les dirigeants européens, si je devais investir, je parierais contre l’euro. Ou en tout cas, je ne miserais pas dessus. »

Deux Institutions pour une seule Convention ?

Une Europe de tous les dangers ? Mais alors pourquoi avoir constamment minimisé le rôle du Conseil de l’Europe et de sa Convention fondatrice ? Et pourquoi ne pas remettre en avant dans les médias le fait que depuis l’entrée en force du Traité de Lisbonne, l’Union européenne, enfin majeure juridiquement, peut rallier les meilleures expériences mises en place à Strasbourg ? Le rapport Juncker l’avait justement conseillé, le Traité de Lisbonne l’a rendu possible, l’Union peut aujourd’hui signer la Convention européenne des droits de l’homme.

Jean-Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois

A la tribune de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, il y a six ans le 11 avril 2006, le Premier ministre luxembourgeois commentait le rapport qu’il venait de rendre, après que les chefs d’Etats et de gouvernements le lui eussent confié au sommet de Varsovie un an plus tôt. Je recommande la lecture de ce rapport historique et du discours prononcé, dont je détache un point majeur décliné en deux temps. Le site du gouvernement luxembourgeois présente ainsi sa déclaration : « La première de ces mesures serait l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH). Jean-Claude Juncker propose donc que les gouvernements des États membres prennent, en vertu de l’article 48 du Traité sur l’Union européenne, l’initiative de soumettre à leurs parlements un projet de protocole dans ce sens. Par ce geste, l’Union européenne témoignerait de son attachement inconditionnel au respect des droits de l’Homme en renforçant un système de protection unique à l’échelle du continent européen. Jean-Claude Juncker a déclaré qu’il avait longtemps hésité avant de formuler cette proposition. Mais dans la mesure où il y a consensus des États membres de l’UE sur l’adhésion à la CEDH, cette adhésion peut être envisagée indépendamment du processus de ratification du traité constitutionnel. La deuxième mesure serait “la reconnaissance par l’Union du Conseil de l’Europe comme la référence continentale en matière de droits de l’Homme”. Les arrêts et conclusions de ses mécanismes de suivi seraient systématiquement cités comme référence. La consultation par l’Union européenne du commissaire aux droits de l’Homme et des experts juridiques du Conseil de l’Europe serait la règle dans le processus d’élaboration de nouveaux projets de directives ou de mesures politiques et/ou judiciaires qui touchent à ces questions. »

Six années après ce discours et deux années et demie après que l’Union européenne en ait acquis la possibilité juridique, non seulement l’adhésion n’est pas encore signée, mais encore, le Premier ministre d’un des pays membres des deux institutions, le Royaume-Uni, qui assume de surcroît en ce moment la Présidence du Conseil de l’Europe, fait les gros yeux en demandant à ce que l’on examine de plus près si la Cour n’excède pas ses prérogatives. Une fois de plus on voit que l’intégration européenne s’inscrit bien dans le temps long de l’histoire.

Rencontre entre le Premier ministre britannique, David Cameron et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland

Une Conférence sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme s’est tenue à Brighton le 19 avril. Elle se situait dans le prolongement des deux conférences précédentes, celles d’Interlaken en 2010 et d’Izmir en 2011 qui avaient examiné « l’inquiétude » – on peut aimer le langage diplomatique- née de l’écart toujours croissant entre les requêtes introduites et les requêtes traitées et qui avaient noté certaines améliorations. Cette fois, le langage du Président en exercice du Conseil de l’Europe a été un brin moins diplomatique. Loin de ma pensée d’affirmer que M. David Cameron ne soit pas soucieux des Droits de l’homme. Sa déclaration liminaire au Conseil de l’Europe le 25 janvier dernier commençait même en ces termes : “Human rights is a cause that runs deep in the British heart and long in British history. In the thirteenth century, the Magna Carta set down specific rights for citizens, including the right to freedom from unlawful detention. In the seventeenth century, the Petition of Right gave new authority to Parliament; and the Bill of Rights set limits on the power of the monarchy. … It was that same spirit… that drove the battle against tyranny in two World Wars and that inspired Winston Churchill to promise that the end of the “world struggle” would see the “enthronement of human rights“. Je suis également parfaitement convaincu de l’appréciation positive que lui-même et ses conseillers portent sur la naissance de la Convention : “Over sixty years ago the Convention was drafted with very clear intentions. It was born in a continent reeling from totalitarian rule shocked by the brutality of the holocaust sickened by man’s inhumanity to man. Its purpose was clear: to spread respect for vital human rights across the continent – for life, liberty and the integrity of the person.” Je constate surtout que le Premier ministre anglais renvoie également les juges dans leurs cordes en leur rappelant qu’ils devraient plus regarder l’Est que l’Ouest de l’Europe, bien que le Belarus ne soit par ailleurs pas membre du Conseil : “As we sit here today, in Belarus, there are people being thrown into prison for their political beliefs. Dissidents’ voices are being silenced and their rights are being crushed. What is happening less than a thousand miles from here underlines the continuing importance and relevance of the Council, the Convention and the Court. It reminds us that now, more than ever, we need a Court that is a beacon for the cause of human rights, ruthlessly focused on defending human freedom and dignity, respected across the continent and the world.

La question majeure qui est soulevée cette fois tient surtout à un domaine dont les responsables politiques de plusieurs pays européens ont fait un cheval de bataille électoral, celui du droit d’un pays à se protéger des auteurs d’attentats et de l’immigration sauvage qu’ils considèrent comme une des causes de cette menace. La sécurité est en effet un droit, mais ce n’est certainement pas un instrument politique destiné à manipuler des peurs légitimes ou à stigmatiser une communauté en raison des folies de ses propres extrémistes. Après tout, nous avons appris depuis juillet dernier avec nos amis norvégiens que la folie peut naître tout autant dans les remugles du racisme ordinaire, de citoyens ordinaires amateurs d’armes, que de jeunes gens entraînés dans des camps paramilitaires d’Asie centrale et encadrés par des islamistes fondamentalistes. “Protecting a country from terrorism is one of the most important tasks for any government. Again, no one should argue that you defend our systems of rights and freedom by suspending those freedoms. But we do have a real problem when it comes to foreign national who threaten our security. In Britain we have gone through all reasonable national processes including painstaking international agreements about how they should be treated and scrutiny by our own courts and yet we are still unable to deport them. It is therefore not surprising that some people start asking questions about whether the current arrangements are really sensible. Of course, no decent country should deport people if they are going to be tortured. But the problem today is that you can end up with someone who has no right to live in your country, who you are convinced – and have good reason to be convinced – means to do your country harm.” dit encore Cameron. L’un des journalistes qui écrit au nom de la Fondation Robert Schuman dans le blog du site de France24 intitulé « Ils sont fous ces Européens » est plus incisif que moi dans ses commentaires. Caroline de Camaret titre ainsi sans ambages « Cameron veut museler les droits de l’homme européens » et elle commente : « Au motif que son gouvernement conservateur veut « moins d’Europe » dans le processus de décision national, il propose de brider les pouvoirs de la Cour : « une requête serait jugée irrecevable si elle est identique à une question qui a été examinée par une juridiction nationale. » Exit cette protection judiciaire supranationale, qui rassurait les citoyens dans leurs droits. La Grande-Bretagne pourrait former une « coalition des mauvais élèves » avec ceux qui sont régulièrement épinglés pour torture et violation des droits de l’homme : la Russie, la Turquie, l’Ukraine, voire la France ! Triste alliance de la reculade démocratique. »

On comprendra que j’ai regardé de près la Déclaration de Brighton et le texte du communiqué du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland. Il ne fallait pas s’attendre à des prises de position tonitruantes d’un côté comme de l’autre, mais derrière le langage diplomatique on comprend que le Secrétaire Général, en accord avec le Président de la Cour, a su défendre cet acquis européen fabuleux et que les concessions ont été de pure forme, tandis que l’alliance des mauvais élèves ne s’est pas vraiment formée. La réforme « a renforcé le rôle et l’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme » déclare M. Jagland, en ajoutant : « L’efficacité de la protection des droits de l’homme commence au niveau national. La Cour n’a jamais eu pour vocation de se substituer aux juridictions nationales »…« Les Etats membres ont choisi librement de se soumettre à un mécanisme de contrôle judiciaire international, car ils sont fermement convaincus que ce mécanisme est une garantie essentielle de la démocratie, de la liberté et de la paix sur tout le continent. Les droits fondamentaux de l’homme ne sauraient être dictés par une quelconque majorité ou autorité. Ils s’imposent parce que nous sommes tous des êtres humains et que toutes les nations sont dans l’obligation de les défendre par la loi ».

Les droits fondamentaux s’imposent ? Devons-nous en accepter l’augure sans plus de discussion ?

Si on se rapporte à la Déclaration complète, que je ne me vois pas épurer de toutes ses formes diplomatiques et juridiques et dont je laisse à chacun le soin de la lire et de l’interpréter, je retiens cependant quelques paragraphes qui me touchent à la fois sur la forme et sur les conséquences qui vont en découler.

J’admire tout d’abord le rappel ferme des principes qui vient au point 7 : « La pleine mise en œuvre de la Convention au niveau national suppose que les Etats parties prennent des mesures effectives pour prévenir les violations. Toutes les lois et politiques devraient être conçues et tous  les agents publics devraient exercer leurs responsabilités  d’une manière qui donne plein effet à la Convention. Les Etats parties doivent aussi prévoir des voies de recours pour les violations alléguées de la Convention. Les juridictions et instances nationales devraient prendre en compte la Convention et la jurisprudence de la Cour. La combinaison de toutes ces mesures devrait permettre de réduire le nombre de violations de la Convention. Elle devrait aussi permettre de réduire le nombre de requêtes bien fondées présentées à la Cour, ce qui contribuerait à alléger sa charge de travail. »

En effet, si la manipulation des compétences juridiques récemment envisagées en France n’avait pas été préparée dans le but de mieux contrôler les juges, il n’y aurait pas eu de plainte. Si des journalistes n’étaient pas systématiquement emprisonnés voire même assassinés, les plaintes ne s’accumuleraient pas en nombre pour les mêmes motifs qui se répètent sans qu’on sorte pour autant des pratiques mafieuses. Et si certains pays n’avaient pas autorisé, avec la complicité de la CIA, le survol aérien d’avions transportant des prisonniers vers Guantanamo, voire l’utilisation temporaire de camps d’internements sur leur propre sol pour y réunir ces mêmes prisonniers dans des conditions qui les plaçaient en dehors de toute compétence juridique, le Conseil de l’Europe n’aurait pas eu à demander un rapport sur cette question à Dick Marty (« Il est désormais clair que les autorités de plusieurs pays européens ont activement participé, avec la CIA, à des activités illégales, que d’autres les ont ignorées en connaissance de cause, ou n’ont pas voulu savoir. »). Il semble bien que les droits fondamentaux ne sont pas une évidence et qu’ils ne s’imposent pas, même dans les Etats de droit !

Je suis plus inquiet par contre par le paragraphe 11 qui touche la question du droit d’appréciation national et donc la question de la subsidiarité : « La jurisprudence de la Cour indique clairement que les Etats parties disposent, quant à la façon dont ils appliquent et mettent en œuvre la Convention, d’une marge d’appréciation qui dépend des circonstances de l’affaire et des droits et libertés en cause. Cela reflète le fait que le système de la Convention est subsidiaire par rapport à la sauvegarde des droits de l’homme au niveau national et que les autorités nationales sont en principe mieux placées qu’une Cour internationale pour évaluer les besoins et les conditions au niveau local. La marge d’appréciation va de pair avec la supervision découlant du système de la Convention. A cet égard, le rôle de la Cour est d’examiner si les décisions prises par les autorités nationales sont compatibles avec la Convention, eu égard à la marge d’appréciation dont disposent les Etats. »

Conférence de Brighton sur l’avenir de la Cour européenne des droits de l’homme 1ère rangée, en partant de la gauche: Niels Muiznieks, Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil de l?Europe, Kenneth Clarke, Secrétaire d’Etat de la Justice, et Sir Nicolas Bratza, Président de la Cour Européenne des Droits de l’Homme.  

Mais surtout, je ne peux ignorer la question récurrente des besoins budgétaires du Conseil de l’Europe et tout particulièrement de la Cour, besoins qui ont conduit l’Institution de Strasbourg, de réforme en réforme, à couper les budgets de domaines pourtant fondamentaux, mais qui ne constituent pas selon les réformateurs, le cœur du métier du Conseil, ou d’en changer l’intitulé de manière à faire corps avec le domaine des affaires politiques et celui des droits de l’homme. Ainsi la culture et le patrimoine ont changé d’intitulé pour devenir une « Direction de la gouvernance démocratique, de la culture et de la diversité », sans voir pour autant ses moyens augmenter de manière significative, tandis que les programmes de visibilité étaient supprimés ou transférés sur des Accords partiels et donc sur une contribution budgétaire supplémentaire forcément aléatoire des Etats. Et pourtant s’il est en effet un domaine où la question des droits de l’homme se pose régulièrement c’est bien celui du droit à l’identité, à la culture et au patrimoine. Je terminerai par là.

Mais en attendant que cette conférence de Brighton trouve ses issues concrètes, ou que le rapport de force avec certains pays membres ne prenne une autre voie à la fois plus sournoise et plus contraignante, celle de la réduction du montant des contributions, on ne peut qu’approuver les souhaits d’amélioration du fonctionnement de la Cour. Ainsi la Conférence (Point 20 e) « note que, pour permettre à la Cour de se prononcer dans un délai raisonnable sur les requêtes pendantes devant ses chambres, il pourrait être nécessaire à l’avenir de désigner des juges supplémentaires à la Cour ; note en outre qu’il pourrait être nécessaire que ces juges aient un mandant d’une durée différente, et/ou un éventail de fonctions différent des juges existants à la Cour ; et invite le Comité des Ministres à décider d’ici fin 2013 s’il devait ou non entreprendre d’amender la Convention en vue de permettre la nomination de tels juges suite à une décision unanime du Comité des Ministres agissant sur la base d’informations reçues de la Cour. » Frais supplémentaires et dépenses à budget constant sont des notions contradictoires. Il y a de quoi s’inquiéter d’une attitude assez schizophrène.

Droit au patrimoine ?

Lorsque j’évoquais l’enthousiasme des étudiants au début de ce texte, je n’ai pas noté que cela se passait dans la première moitié des années 90. A partir du moment où l’Ukraine (1995) et surtout la Fédération de Russie (1996) sont devenus pays membres, les discussions ont pris un jour nouveau. Il a fallu expliquer ce que voulait dire le monitoring, la période d’adaptation, la notion de transition démocratique, la rédaction de nouvelles constitutions et de leurs décrets d’application. Mais l’enthousiasme est peu à peu retombé et j’ai dû faire face aux questions concernant la Transnistrie, les Lipovènes, la notion de génocide arménien ou le sort des femmes en Turquie. Et puis les demandes d’explication ont tout simplement cessé, comme si le Conseil de l’Europe avait définitivement disparu sous les difficultés de la vie quotidienne et la prédominance des discussions économiques. J’ai été de ce fait conduit à me replier à un commentaire plus réduit et portant uniquement sur la Convention culturelle européenne, la Convention européenne du paysage et la Convention de Faro. Le dernier moment proactif de cet exercice comparatif de citoyenneté européenne entre  les deux institutions a eu lieu au Puy-en-Velay il y a deux ans lors d’une session du Parlement européen des jeunes où j’ai pu faire une intervention devant une centaine de participants. J’en garde un merveilleux souvenir.

Parlement européen des jeunes, le Puy-en-Velay, mars 2010

Il reste cependant – et heureusement – un domaine où l’application de la Convention européenne des droits de l’homme a pris dans les années récentes tout son sens et a constitué une véritable innovation, c’est celui du patrimoine. Une Convention, dont la ratification par l’ensemble des pays membres s’avère très difficile, a ainsi regroupé dans un même cadre les conventions précédentes concernant le patrimoine et déjà ratifiées, tandis qu’elle définissait les contours de l’implication des droits de l’Homme dans de domaine. Il s’agit de la Convention-cadre de Faro (2005) sur la valeur du patrimoine culturel pour la société, dont je conseille la lecture, et dont je ne cite que quelques extraits qui vont dans le sens de mon propos :

« Article 4 – Droits et responsabilités concernant le patrimoine culturel

Les Parties reconnaissent :

a   que toute personne, seule ou en commun, a le droit de bénéficier du patrimoine culturel et de contribuer à son enrichissement ;

b   qu’il est de la responsabilité de toute personne, seule ou en commun, de respecter aussi bien le patrimoine culturel des autres que son propre patrimoine et en conséquence le patrimoine commun de l’Europe;

c   que l’exercice du droit au patrimoine culturel ne peut faire l’objet que des seules restrictions qui sont nécessaires dans une société démocratique à la protection de l’intérêt public, des droits et des libertés d’autrui.

Article 5 – Droit et politiques du patrimoine culturel

Les Parties s’engagent :

a   à reconnaître l’intérêt public qui s’attache aux éléments du patrimoine culturel en fonction de leur importance pour la société;

b   à valoriser le patrimoine culturel à travers son identification, son étude, son interprétation, sa protection, sa conservation et sa présentation;

c   à assurer, dans le contexte particulier de chaque Partie, l’existence de mesures législatives relatives aux modalités d’exercice du droit au patrimoine culturel défini à l’article 4; »

Dans le rapport explicatif qui a été publié avec la Convention, deux paragraphes sont particulièrement incisifs quant à la liaison avec les grands conventions fondatrices du Conseil de l’Europe.

« 1. En accord avec le concept de « patrimoine commun de l’Europe », constitué essentiellement par l’expérience et l’engagement partagés envers les droits de l’homme et les principes démocratiques, la Convention traite du patrimoine comme d’un objet des droits individuels, ce qui lui donne du sens. On évite ainsi le flou de définitions – toujours changeantes – du patrimoine pour se référer au socle des droits de l’homme et des libertés fondamentales (l’article 4 s’insère totalement dans la logique d’interprétation de la Convention européenne de droits de l’homme). Dans la présente Convention, le patrimoine est conçu comme « source » (Préambule, paragraphe 1) et « ressource » pour l’exercice des libertés (Préambule, paragraphe 3 et article 2).

2. Le texte s’appuie ainsi sur le droit au patrimoine culturel (article 4), qu’il explicite comme un aspect contenu dans le droit de participer à la vie culturelle de la communauté (article 1) et du droit à l’éducation (Préambule, paragraphe 4, citant l’article 27 de la Déclaration universelle de droits de l’homme et les articles 13 et 15 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.) Toute référence à des cultures et à des patrimoines matériellement définis est ainsi évitée. »

Il y a eu ainsi de grandes avancées dans un des secteurs qui m’est cher et qui est fortement lié aux itinéraires et au tourisme culturel, les touristes et les visiteurs étant en tant que « consommateurs et usagers » des parties prenantes de la responsabilité culturelle et patrimoniale au sens large. Ces avancées concernent l’insertion du droit au patrimoine comme un des droits fondamentaux. Il est certes dommage qu’un pays comme la France n’ait pas encore ratifié la Convention qui n’a atteint le chiffre fatidique de dix ratifications qu’en 2011, grâce à la Géorgie et n’est donc entrée en vigueur de manière contraignante que le 1er juin de la même année pour les pays qui s’y sont ainsi ralliés.

Mais l’exercice citoyen qui a conduit à cette Convention et auquel j’ai pu participer marginalement au cours de la Campagne « L’Europe, un patrimoine commun » m’a beaucoup appris et a modifié ma vision des itinéraires culturels à égalité avec la Convention européenne du paysage car elle touche autant le patrimoine des migrants, les patrimoines religieux ou ouvriers et ouvre clairement la question d’une histoire européenne qui s’est écrite sur les territoires comme un palimpseste où il faut absolument retrouver la trace de la première écriture, comme celle du tracé le plus ancien qui a ouvert la route.

Le vieux pont de Mostar

Références

La Convention Européenne des Droits de l’Homme dans la pratique

Le site du Conseil de l’Europe indique clairement :

La Cour européenne des droits de l’homme a été instituée en 1959 à Strasbourg en tant que mécanisme de protection des droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l’homme de 1950. L’importance de la Convention, entrée en vigueur en 1953, réside non seulement dans l’étendue des droits qu’elle protège, mais aussi dans le système de contrôle mis en place pour examiner les violations alléguées et veiller au respect par les Etats de leurs obligations découlant de la Convention.

Depuis sa création, la Cour a rendu plus de 10 000 arrêts qui sont obligatoires pour les Etats condamnés et conduisent les gouvernements à modifier leur législation ou leur pratique administrative dans de nombreux domaines. Chaque année, elle est saisie de plus de 30 000 nouvelles requêtes. Au fil des ans, elle  a été amenée à se prononcer sur des violations très graves de droits de l’homme, sur des questions touchant à l’essence même de l’Etat de droit ainsi que sur de nombreux sujets de société comme l’avortement, le suicide assisté, les fouilles à corps, l’esclavage domestique, le droit pour une personne née sous X de connaître ses origines, le port du foulard islamique à l’école, la protection des sources journalistiques ou la discrimination à l’égard des minorités…

En un demi-siècle, l’importante jurisprudence de la Cour a fait de la Convention européenne des droits de l’homme un instrument dynamique et puissant pour relever les nouveaux défis et consolider l’Etat de droit et la démocratie en Europe

L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) constitue une étape majeure dans le développement des droits de l’homme en Europe. Envisagée depuis la fin des années 1970, cette adhésion a été rendue obligatoire par le Traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009 (voir l’article 6, paragraphe 2 du Traité). L’article 59, paragraphe 2 de la CEDH telle qu’amendée par le Protocole no 14 à la Convention, entré en vigueur le 1er juin 2010, constitue la base juridique de cette adhésion (« L’Union européenne peut adhérer à la présente Convention. »).

Le Conseil de l’Europe s’est entendu vendredi sur un plan pour améliorer le fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’Homme engorgée, selon la déclaration finale d’une Conférence à Brighton (Angleterre), sans accepter les changements radicaux demandés par Londres.

La Conférence de Brighton (sud de l’Angleterre), qui se tenait jeudi et vendredi, a convenu d’amender les critères d’admissibilité des requêtes faites à la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH), bras juridique du Conseil de l’Europe. Le Conseil a convenu que la CEDH pourra rejeter une requête si le plaignant n’a pas été victime d’”inégalité significative”, a expliqué le porte-parole du Conseil de l’Europe, Daniel Holtgen.

“Cela rendra la Cour plus efficace” car elle gérera seulement “les plus sérieuses violations de la Convention des droits de l’Homme” sur laquelle se base la CEDH, a estimé le secrétaire général du Conseil de l’Europe, Thorbjorn Jagland. Pour améliorer l’efficacité de la Cour, la conférence de Brighton a aussi décidé de réduire le délai de saisine de six à quatre mois. Elle a également insisté sur la nécessité pour les 47 États membres du Conseil d’appliquer la Convention, signée en 1950.

Extraits des réponses de Georges Soros

Une proposition radicale serait de créer une holding à travers la BCE, où les Etats transféreraient 2 000 à 3 000 milliards d’euros d’obligations et n’auraient plus à payer d’intérêt. Ce qui donnerait une bouffée d’air à certains pays fragiles : l’Italie n’aurait plus besoin d’un excédent primaire s’élevant à 3 % du produit intérieur brut pour réduire sa dette. Il faudrait également un agenda de croissance pour la zone euro. Il est impossible de réduire la dette en faisant plonger la croissance économique.

La Grèce a peut-être intérêt à quitter l’euro, car sa situation semble désormais au-delà de ce qui est réparable. L’Espagne, elle, est en train d’être poussée dans la situation de la Grèce. Le gouvernement de Mariano Rajoy savait sa tâche impossible, il avait demandé à Bruxelles d’étaler dans le temps la réduction de son déficit, mais Bruxelles n’a pas voulu, et aujourd’hui les marchés punissent l’Espagne d’avoir révélé ses faiblesses. Quant à l’Italie, Mario Monti mène les bonnes réformes, mais il commence à perdre le soutien de ses concitoyens.

Le problème est en Allemagne, car l’opinion publique fait confiance à la Bundesbank. Cette dernière représente un des plus grands succès du pays, elle lui a permis d’avoir une monnaie forte. La Bundesbank domine la politique européenne, mais elle mène une action bonne pour l’Allemagne, pas pour l’Europe. Car l’Allemagne est un pays florissant, il bénéficie de la crise de l’euro, du taux de change bas de l’euro par rapport à la force de son économie, et de taux d’intérêt très bas pour financer sa dette.