Menaces de la commission des sondages: La Buvette diffusera les résultats dès 17h

Par Baudouindementen @BuvetteAlpages

J’avoue que j’ai pensé à un moment donné diffuser les résultats sous forme de métaphores sibyllines. Le passage aujourd’hui sur les routes ardennaises d’un Liège-Bastogne-Liège pour amateurs, avant la vraie course de demain m’aurait permis d’écrire “Le petit courreur hongrois a déjà roulé 27 km et n’a que que 1,5 km d’avance sur le batave Van der Flambynebroeck” ou d’autres curiosités du genre. Mais quel serait l’intérêt d’être aussi hypocrite? Eviter 75.000 euros de frais suite aux menaces et intimidations des autorités françaises ?
J’ai donc décidé de consulter quelques pointures du droit pour éclairer ma conduite pour demain …

What the fuck ?

En France, commençons par maître Eolas, un avocat que je suis de temps à autre et dont je vous recommande le site pour la plûme imagée et très agréable. Sur le sujet, il publie la note “Un peu de droit électoral” dont voici un extrait à propos de “l’application de cette loi dans l’espace”, donc de la diffusion des résultats depuis la Belgique (ou de tout autre pays que la France).
“J’ai lu des avis autorisés affirmer sans rire que tout site étranger qui publierait de tels résultats avant 20 heures heure française encourrait les foudres des tribunaux français. À cela je dirais, comme Démosthène apprenant après avoir lancé sa première philippique que le peuple avait opté pour l’attentisme d’Eubule : “What the fuck ?
Quand les faits sont commis à l’étranger, la loi pénale française s’applique à l’étranger quand l’auteur est français (NDLB: ce qui n'est pas le cas), ET, condition cumulative, que les faits constituent un crime (soit fasse encourir au moins 15 ans de réclusion criminelle), ou un délit à la condition supplémentaire dans ce dernier cas de la réciprocité d’incrimination, c’est-à-dire que la loi locale réprime également ce délit.” (NDLB: ce qui n'est pas le cas non plus).
La loi pénale française ne peut s’appliquer que dans les pays étrangers qui répriment eux-même la diffusion des sondages d’opinion relatifs aux élections présidentielles françaises, ou référendums français, et aux élections législatives françaises.
A propos de la diffusion d'infos sur Twitter, c'est la même chose : "Ce qui compte c’est où vous vous trouvez physiquement au moment où vous diffusez le message.”
Pour maître Eolas, “Si vous vous trouvez à l’étranger, vous pouvez discuter tranquillement des résultats, et si vous parlez tellement fort que vous pouvez être lu depuis la France, vous ne tombez pas sous le coup de la loi pénale.” L’avocat ironise sur les menaces de la commission des sondages en déclarant “Toute hypothèse contraire revient à dire que publier sur internet impose de respecter toutes les législations de tous les pays connectés à l’internet, cumulativement, ce qui, quand on va arriver aux lois iraniennes, syriennes, birmanes et nord-coréennes, va rapidement poser problème.

"En dépit du discours plutôt musclé de la Commission des sondages"

En Belgique, maîtres Thibault Verbiest et Etienne Wéry sont deux avocats specialisés en "Droit et Internet". Dans l’article “Estimations diffusées avant 20h : et s'il était interdit d'interdire ?", leurs conclusions vont dans le même sens.
Le CSA français – l’Etat français en général – n’a pas autorité pour empêcher les télévisions belge et suisse de travailler comme elles l’entendent à partir de leur territoire. Et si elles diffusent des résultats de sondage parce que leur droit national ne s’y oppose pas, tant pis. Quant aux autorités de tutelle belge ou suisse, on les imagine mal sanctionner leurs télévisions pour la violation alléguée d’une norme française inapplicable à l’étranger.” (…)
L’Etat pourrait demander à la Belgique de mettre fin à ces exagérations médiatiques, à ces pratiques abjectes antidémocratiques. Peine perdue : “La directive prévoit que la France doit d’abord demander à l'Etat d’origine de prendre des mesures, et ne peut agir que si ce dernier reste inactif ou adopte des mesures qui lui paraissent insatisfaisantes. En ce cas, la France doit aussi notifier à la Commission et à l'Etat d’origine son intention de prendre des mesures dérogatoires individuelles. A notre connaissance, la procédure n’a pas été engagée en dépit du discours plutôt musclé de la Commission des sondages…
Dans un autre article paru dans le journal Les Echos “La loi qui interdit de diffuser les résultats avant 20h est inconstitutionnelle”, Etienne Wéry termine de me rassurer. Pour lui : “La Cour européenne de justice pourrait s'opposer à la loi française sur l'interdiction de publier des estimations avant 20h les jours du scrutin.”
A la question : “Et dans le cas où un citoyen français diffuserait en avance des estimations de résultats sur un site hébergé à l'étranger ?” Etienne Wéry répond : “Sur le principe tout le monde est d'accord pour dire que la liberté de la presse s'applique à tout le monde, journaliste ou non. Mais la réponse de la justice sera moins tranchée dans le cas d'un simple citoyen (français). Je ne prendrais pas le risque à leur place.
La Buvette des Alpages étant un bloc belge tenu par un citoyen belge, elle publiera les résultats des élections présidentielles françaises 2012 dès réception des informations par la presse belge sans utiliser de métaphores légumières, météréologiques ou sportives. Nous serons sur le pont, dès 17 heures. Fin du jeu de dupe. A demain sur La Buvette des Alpages et sur twitter. Pom pom pom pom...