"Si vous pensez que vous êtes trop petit pour changer quoique ce soit, essayez donc de dormir avec un moustique dans votre chambre." (Betty Reese).
Nicolas est petit. Il a des costumes trop grands pour lui et une femme plus grande que lui. Nicolas est un petit bourgeois qui parle trop du travail et de l'argent. Le petit Nicolas a des petits sondages qui asphixient une éventuelle dynamique et destabilisent ses soutiens. Faudrait maintenant qu'il se mette à devenir moustique. Qu'il énerve, qu'il fasse du bruit, qu'il soit partout sans être nulle part, qu'il pique. C'est la stratégie du résistant. Il faudrait aussi que nous soyons nous-mêmes des moustiques.
Le peuple français s'étonne. Les médias s'étonnent. Je m'étonne. Comment se fait-il que François Hollande soit à ce point leader de la course? Les enquêtes nous disent que François est mou, qu'il apparait peu crédible, que personne ne connait son programme. Pire, il fait des petits meetings avec peu de monde et tout ce petit monde s'ennuie. Mais il est en tête.
Et puis, j'ai compris. Il est en tête parce que je ne suis pas engagé. Il est en tête parce que je n'aime pas beaucoup mon petit Nicolas, parce qu'il m'énerve et parce que je le dis. Il est en tête parce que le petit Nicolas a déçu une partie de ceux qui avaient voté pour lui et, quand bien même ceux-ci revoteraient pour lui, ils ne le feraient pas avec enthousiasme. Il n'y a pas d'enthousiasme non plus du côté des partisans de François mais ils ont un but finalement assez fédérateur puisque même pas contredit par l'autre bord : virer le petit.
Alors je me suis souvenu. Je me suis souvenu de l'histoire de France. Il a raison Nicolas quand il dit que les français sont un peuple de frondeurs. Nous sommes en 1793 quand la majorité de la France semblait être relativiste et jacobine. Quand toutes les valeurs traditionnelles étaient piétinnées, niées, méprisées et que l'Etat devenait le sauveur ultime. Quand les petits bourgeois voulaient prendre leur revanche sur les aristocrates en se bouchant le nez devant les paysans. Nous sommes en 1793 quand un peuple de paysans qui n'avait aucune envie de faire la guerre ni de quitter les fermes douillettes s'est senti obligé de se lever pour défendre sa liberté, protéger sa famille, affirmer le sens de sa vie.
Quand ces paysans se sont levés, ils ont très vite compris qu'il leur fallait des leaders qui connaissent les techniques de la guerre. Ils sont donc allés frapper aux portes des chateaux pour y sortir de force des barons et des marquis qu'ils aimaient ou qu'ils détestaient afin de les obliger à mener le combat avec eux et pour eux. Nous sommes en 1793. Nous avons un petit Nicolas qui n'est ni baron ni marquis. Il n'a rien d'un aristocrate et c'est d'ailleurs son principal défaut. Il est dans son drôle de chateau post-moderne et nous avons besoin de lui. Nous pouvons aimer ou détester notre chef comme les paysans d'autrefois mais c'est à nous de le tirer de sa torpeur et de lui donner les règles. C'est à nous paysans de lui retirer sa gourmette et d'en faire un vicomte. Vas-y Nicolas, ennoblis-toi. Prends de la hauteur, de la grandeur et bats-toi. Reforme la finance, rencontre Dieu, aime le pauvre, découvre les arts, sois fier de tes racines, apprends le savoir-vivre, respecte la vie, sois serviteur de ceux qui t'ont élu. Fais-nous la révolte de 1793 face à un relativisme jacobin qui est en train de nous tuer. Ne lis pas les sondages, les enquêtes d'opinion. Aie des valeurs. Les valeurs justes ne sont pas forcément celles de la majorité et la majorité le sait. Sois un chouan, un résistant, ce que tu veux mais sois quelque chose.
Bien-sûr que nous préférons être "les enfants de Beaumarchais" plutôt que d'entendre François nous réveler que "la grandeur de l’histoire, c’est Lionel Jospin et les grandes avancées économiques et sociales de son gouvernement" ! Nous voulons de la transcendance, du rêve, de l'élan. A toi de devenir aristo et à nous de devenir ces paysans qui vont frapper à la porte du chateau parce qu'ils savent qu'ils le doivent.
Nous devons être des moustiques. Il n'y a personne dans les meetings de François. Allez, 40 000 personnes à tout cassé à Vincennes? Les autres votent en attendant impatiemment 2017. Il faut que ça les gratte, que ça les démange, que ça rougisse. Il faut que chaque nuit, ils entendent bzzzz, ce bruit horrible qui leur rappelle que les lits d'Hollande sont trop mous, que les nuits d'Hollande empêchent la lumière de la vie de rayonner, que les placards d'Hollande seront bientôt vides. Passons au travers de la moustiquaire médiatique et bzzzz, faisons rougir les peaux roses.
Nous ne pouvons pas croire en François. Quand nos voisins, nos amis, nos frères mettent le bulletin François dans l'urne, ils appuient sur le bouton "pause" jusqu'à la prochaine élection. Et puis François, ce n'est pas la résistance. François, c'est le jacobin des chouans. La mort face à la vie. L'état face à la liberté. Le nihilisme face à la transcendance. François, c'est pas Robespierre mais c'est le Directoire. François, c'est la république des mous relativistes. François, c'est quand même le mec qui pense que Lionel Jospin appartient à la grandeur de l'histoire de France. François, c'est une société inadmissible qui se prend pour Dieu à la place de Dieu et qui est prête à aller contre la nature, contre la création pour répondre au désir orgueilleux de l'homme. François c'est Prométhée. Mais François c'est surtout une peau toute rose qui attire les moustiques.
Les chouans se reconnaissaient au cri de la chouette. Deviens vicomte Nicolas, et pendant deux semaines, il y aura dans toutes les chambres de France un nouveau cri de révolte : bzzzzzzzzzzzzzz.