C’est la réflexion que m’avait inspiré la conclusion d’un édito de Laurent Joffrin dans un numéro du Nouvel Obs il y a six mois. Une éternité à l’heure numérique…Mais je n’ai trouvé ni le temps ni surtout l’envie d’une modeste contribution à cette campagne qui se révèle assez peu à la hauteur des enjeux (hormis la percée de Jean-Luc Mélenchon même si cela ne va pas vraiment dans le bon sens).
Donc, dans le n° 2454 du 17 novembre 2011 (édito qui n’est bizarrement pas disponible en ligne : pour cause de mauvaise interprétation de ses premières lignes ?), Laurent Joffrin écrit :
"La droite française a systématiquement creusé les déficits depuis dix ans mais elle se pose en gardienne de l’orthodoxie, invoque le pouvoir des marchés et récuse toute autre politique que la sienne. Pourtant le dernier gouvernement français qui ait stabilisé la dette publique était dirigé… par Lionel Jospin."
Et quelques jours plus tard le 6 décembre 2011, sur le site du Nouvel Obs, re-belote :
"Au pouvoir depuis dix ans, la droite française a pratiquement fait doubler l’endettement du pays, alors que le gouvernement de Lionel Jospin (chacun peut vérifier les chiffres) l’avait légèrement réduit."
Oui, c’est vrai, la dette publique s’est stabilisée entre 1997 et 2002 mais cela ne doit rien à la politique du gouvernement Jospin. C’est juste parce que Jospin et son gouvernement ont eu un énorme coup de bol : revenir au pouvoir en 1997 en pleine troisième révolution industrielle, celle des nouvelles technologies de l’information et de la communication (téléphone mobile, Internet) qui a généré la plus forte croissance économique des économies occidentales depuis la seconde guerre mondiale. Une croissance économique qui a généré naturellement et sans intervention de quiconque, une forte hausse des recettes fiscales qui ont permis d’absorber les mesures plutôt dispendieuses du gouvernement Jospin (les emplois-jeunes notamment, qui pour le coup ont contribué à entretenir cette croissance) tout en laissant un surplus, la fameuse « cagnotte » qui a permis de stabiliser la dette publique.
Et oui, c’est vrai, la dette publique a fortement augmenté entre 2007 et 2012. Je suis loin d’être un admirateur inconditionnel de la politique menée par Nicolas Sarkozy (il suffit de lire les billets que je lui ai consacrés), mais il faut rappeler qu’il a été aux prises avec la pire crise économique et financière depuis celle des années Trente.
Autrement dit, nul ne sait si droite n’aurait pas elle aussi stabilisé la dette publique avec le renfort de la très forte croissance économique de la période 1997-2002 et si la gauche aurait réussi cette prouesse si elle avait été commandes au cours des cinq dernières années.
Peu importe de toute façon, ce qui compte est ce qui sera fait (ou pas…) au cours des prochaines années.
Les éditos de Laurent Joffrin soulèvent deux questions :
1/ la responsabilité des journalistes français dans l’indigence de l’offre politique qui fait qu’on devrait avoir dimanche un électeur sur deux qui se sera abstenu ou qui aura voté pour Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon.
Qu’ils soient de gauche ou de droite (j’en ai autant au service d’une Laurence Ferrari dont chaque interview du Président de la République s’est bornée à la recherche d’un scoop : « Faut-il changer de Premier Ministre » ? « Serez-vous candidat à la prochaine élection présidentielle ? »), de trop nombreux journalistes font passer leurs convictions politiques personnelles, leurs ambitions et leurs accointances avant les exigences professionnelles de leur métier.
Le livre "Sexe, mensonges et médias" de Jean Quatremer est à cet égard assez instructif…
2/ L’ignorance et l’aveuglement que ces discours entretiennent dans l’opinion publique
L’antienne de Laurent Joffrin sur l’évolution de la dette publique laisse croire à des électeurs peu à l’aise avec l’économie (y compris les plus éduqués) que les socialistes, parce qu’ils ont stabilisé la dette il y a quinze ans grâce à une conjoncture favorable, renouvelleront forcément cet exploit.
Peut-être. Mais je ne vois pas bien pourquoi une politique menée par tous les gouvernements de droite comme de gauche, qui consiste à toujours augmenter les dépenses publiques et du coup les prélèvements obligatoireset qui n’a donné aucun résultat depuis quarante ans, marcherait mieux tout d’un coup.
Original post blogged on b2evolution.