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Sur le retour àl’essentiel en un instant, sans effort :
« Quand l’homme estparfaitement et complètement dégagé [parce qu'il est tombé amoureux spontanément, sans le faire exprès !], extérieurement [argent, réputation, etc.] et intérieurement [réussite spirituelle, travaux intellectuels, etc.] , de touteattache, quand il a appris à s’appuyer sur son néant [= quand tout a échoué](...), alors s’ouvre toutegrande l’entrée et la conversion vers le Bien très pur et très simple qui estDieu, infiniment bon et infiniment grand.Or, cette conversion va se faired’une manière, en quelque sorte, essentielle [= au niveau du "je", centre de l'âme, Dieu ou point de contact avec Dieu]. Ici, en effet, l’esprit se porteen Dieu, non par quelque côté de lui-même [amour et connaissance, amour qui est connaissance, impossible de discerner], mais tout entier, mais en bloc.Voilà pourquoi cette conversion non seulement est, en réalité,essentielle, complète, indivise, parfaite [on tombe amoureux, quoiqu'il arrive par la suite]. Car, pour ce qui regarde l’esprit,il ne se partage jamais ; on peut donc dire que sa donation estessentielle, et Dieu lui-même, à son tour, se donne essentiellement, toujours [= il se donne lui-même, rien de moins].Et de fait, ici, l’homme ne reçoit pas Dieu par des images, par desméditations, ou par des conceptions intellectuelles sur l’essence divine [= le concept de Dieu] ;il ne le reçoit même pas comme savoureux ou lumineux : il le reçoit enLui-même, essentiellement, d’une manière qui dépasse toute saveur et toutelumière et tout ce qu’une créature peut recevoir de splendeur, d’une manièretranscendante à toute raison, à tout mode, à toute intelligence. Oui, Dieuillumine essentiellement ces ténèbres que nous sommes. Là, Dieu excèdeineffablement tout nom qu’on pourrait lui donner ; Il subsiste purement etsimplement dans sa propre substance [= "je"].(..) ce transport est momentanéet muet. Une âme parfaite pourra le renouveler des milliers de fois dansl’espace d’une jours ou d’une nuit, et à cette conversion totale répondra,chaque fois, l’essence divine et la béatitude essentielle [= peu importe la "durée", c'est hors du temps, parfait à chaque fois].Oh ! Comme elle estadmirable cette conversion ! Comme on devrait, spontanément, se dégager detout, afin que, libre et exempt de toute captivité, chacun pût s’appliquer à ce retour sur lui-même pour recevoir cetteaimable irradiation, si courte soit-elle, de l’éblouissante Lumière ! Lesâmes parfaites, ainsi dégagées de tout, ne s’écartent jamais de cerecueillement intérieur, si ce n’est pas suite de la fragilité humaine, etparce que certaines circonstances de temps et de lieu le demandent ; etvoilà pourquoi cette illumination momentanée est interrompue de courtsinstants. Mais dès qu’elles s’en aperçoivent, elles disent adieu à tout et,sans retard, elles retrouvent ce vrai fond essentiel ; orientées de tout leurêtre vers le désir [= pas d'effort, juste se laisser prendre] de ne jamais se trouver sans offrir une entrée toute grandeaux effluves amoureux de la divinité. Elles ne désirent pas autre chose, ellesn’attendent pas autre chose, elles n’ont qu’un but [mais est-ce vraiment un but ?] : préparer et ouvrirles voies à Dieu au-dedans d’elles-mêmes, afin que Dieu puisse accomplir enelles son œuvre de prédilection, afin que ce père céleste puisse parler etproduire, sans intermédiaire, au fond de ces âmes son verbe, ce verbe engendrépar lui de toute éternité, afin, en un mot, qu’il puisse se rendre maître parl’action de sa volonté sainte, de la partie la plus noble, la plus pure, laplus intime de ces âmes, en tout lieu, en tout temps, en toute manière [= pas de contrôle du corps et de l'esprit. Juste l'abandon].(…)Ah, oui ! Qu’il se plongesciemment dans son fond et dans son éternelle origine, Dieu, infiniment bon etinfiniment grand, en qui, de toute éternité, il était [= nous avons toujours été ainsi] ; qu’il s’oublielui-même, qu’il oublie tous les hommes et tout ce qui n’est pas Dieu ;qu’il se laisse dégager et débarrasser [par Dieu, en Dieu, pour Dieu, sans aucun effort propre] de toutes les formes, de toutes les images, detoutes choses enfin (…) jusqu’à ce que Dieu, à son tour, l’attire, l’entraîne,le ravisse et s’unisse à lui, de telle sorte que tous les autres objetss’effacent et disparaissent [= rien à éliminer], quels que soient ces objets, auraient-ils traits àl’essence, à la connaissance, ou à la jouissance. A partir de ce moment, il nedoit rien savoir par sa raison, rien expérimenter, si ce n’est l’Un."
Institutions taulériennes, chapitre 26
Cette "conversion" est le retournement du regard vers ce qui regarde, ici appelé (dans la tradition platonico-chrétienne) : fond nu, essence simple, substance, un de l'âme, fine pointe de l'âme, sommet sommet, troisième ciel, esprit, ombre de l'esprit angélique, intelligence simple, ciel suprême de l'âme, lumière de l'intelligence, lumière divine, étincelle de l'âme, pointe de la raison, syndérèse, nous, mens, intelligence possible, unité de l'esprit, partie virginale de l'âme, aiguillon naturel pour le bien, habitus pratique des principes, force amative supérieure, amour extatique, affectus suprême, suprême puissance cognitive, bref le "je".
La traduction des Institutions est du Père Noel (!).