Roman - Livre de poche Editions - 253 pages - 6 €
Parution en poche en août 2007
L'histoire : Dans les années 50, Jacques, écolier de 12 ans, n'est pas comme les autres. Il est bègue. Des mots se refusent à lui, sont trop violents à prononcer... Avec son ami de coeur Bonzi, il cherche par tous les moyens à guerir. Quitte à goutter toutes les herbes des environs, à croire son père disparu, à inventer des mensonges qui le dépasseront, qui l'obligeront à se dépasser avec l'aide bienveillante d'un instituteur lui aussi, pas comme les autres.
Tentation : Un auteur et une histoire qui ne pouvaient que me toucher
Fournisseur : Ma CB, au salon de Rennes, avec une dédicace magnifique, mais que je garde pour moi !
Mon humble avis :Parfois, quand on lit un livre, on ne visualise rien ou l'on se crée un univers de toutes pièces, mais au plus proche des descriptions données par l'auteur sur les paysages, les personnages... Dans le Petit Bonzi, celles ci n'affluent pas, où restent discrètes. Mais dans mes yeux, je voyais des clichés de Doisneau et dans mon coeur, il régnait une atmosphère "à la guerre des boutons".
Le Petit Bonzi est le premier roman de Sorj Chalandon, un premier roman qui annonce déjà le sublime de la suite. Une histoire qui raconte déjà de l'homme lui même, celui qui s'est dissimulé dans Retour à Killibegs, pas là où il s'y est posé officiellement. L'auteur s'est inspiré de sa jeunesse : le bègue, c'est lui. Le père violent, c'est le sien. Le reste est littérature. Et quelle littérature ! Pas comme les autres. Poétique déjà ! Une littérature où les mots ont une importance capitale, où le style mêle adroitement les pensées et les ressentis d'un enfant et le talent d'un adulte pour rendre ce récit cohérent, rythmé. L'auteur est là pour montrer ce que l'enfant ne voit pas, pour aider le lecteur à déduire sans forcément prendre la parole et sans trahir l'enfant qu'il était. Oui, une écriture singulière où il m'a fallu prendre mes marques : ce n'est pas l'enfant qui parle et pourtant l'auteur homme semble tout de même s'effacer devant l'enfant... En fait, ça y'est, j'ai les mots de mon impression. L'auteur met en scène (il ouvrit la porte etc...) et l'enfant parle à travers le stylo de Sorj Chalandon quand il pense, regarde, craint, espère. Suis-je plus claire ? Si non, lisez le livre, si oui, lisez le aussi !
Le sujet maintenant.... Jacques est bègue. Les mots ne veulent pas sortir. Il n'y a qu'avec son copain Bonzi qu'il ne bégaie pas. Ces parents ne semblent pas s'en préoccuper plus que ça. Alors, on suit Jacques et Bonzi dans leurs rêves, leur quête de l'herbe qui guérit. Et l'on découvre avec émotions les efforts secrets que réalise ce petit gamin. Il s'exerce devant la glace à prononcer des mots compliqués. Il tient un cahier qu'il complète avec des mots de rechange qui contiennent moins de Pppp, bbll, ttttrrrr. Moi, ça m'a remuée tout au fond. Car il y a 3 ans, j'ai souffert soudainement de gros troubles de langage et parfois, ou systématiquement suivant les situations, ceux ci me reprennent, avec moins d'intensité bien sûr, mais tout de même. Et je sais quand ils vont venir pour dire sans doute "fragile, à manier avec délicatesse", ou " A peur", ou "n'en peut plus, panique à bord".
Autre intérêt de ce roman : une plongée dans les années 50, dans le monde de l'enfance (ses rêves, ses rivalités, ses bêtises, ses mensonges, son imagination), et de l'école d'alors. Une école de garçon. Et un instituteur qui aime tout ses élèves, ne montre aucune préférence, mais garde un oeil prévenant et protecteur sur les plus faibles, sur Jacques, entre autres. Et son salut, Jacques finira par lui devoir dans un final haletant, qui noue le coeur, tant on craint pour l'un, tant l'autre nous éblouit par sa hardiesse et altruisme, sa bonté, son sens du devoir...
Un livre qui vient du coeur, qui dit sans doute tout ce que l'enfant n'a pu dire à l'époque, mais avec pudeur et délicatesse. Un ancien bègue qui a sans doute appris de ce fait à dire l'essentiel, à ne pas dire les mots de trop, à ne pas mettre de mots sur ce qui se devine. Alors faisons comme lui, n'en disons pas plus...
Un livre très encourageant aussi. L'auteur était cet enfant bègue. Quand on voit l'homme, le journaliste et l'auteur qu'il est devenu, il peut être un exemple très convaincant de victoire contre les troubles du langage qui emprisonnent tant d'enfants et leur famille.