Dans moins de trois jours maintenant, je vais partir pour le premier volet de mon Terdav Trail World Tour, sur le chemin de Saint-Jacques de Compostelle. Un départ, un de plus, mais sans doute plus important pour moi que les autres. D'abords parce qu'il marque le début de la réalisation d'un grand projet personnel, ensuite parce qu'il doit me porter, j'espère, vers une vie encore plus proche de mes aspirations. En ce moment, j'en ai vraiment besoin je pense, car je suis traversé par pas mal de doutes, pour dire vrai.
Bien souvent, un départ, un voyage, s'engage déjà bien avant le départ proprement dit. Cependant, je pars si souvent en voyage qu'en général je pars sans grande préparation, jettant dans mon sac ce qu'il me faut et voguant à vue. J'aime aussi me laisser porter par le voyage, par la destination ou l'évènement qui s'y adjoint. Mais ce coup ci, c'est un peu différent. Ce n'est pas un départ comme les autres, j'y pense davantage. D'abords parce que je pars pour pas mal de temps, même si un mois et demi n'est pas si long, mon précédent voyage plus long date de 2010 et il m'a bien sûr marqué (il s'agissait d'enchaîner 1000 kms de vélo en Mongolie et 1000 kilomètres à pied en Himalaya, sur l'Himal Race), ensuite parce que c'est un départ symbolique. Je vais en effet partir à pied, et de chez moi. Cela faisait longtemps que je rêvais d'un tel départ à pied, et pourtant... Comme le font les vrais pélerins, je vais fermer la porte de ma maison, et me mettre en route, avec mes seuls habits de marche, le nécessaire (et quelques instruments modernes pour communiquer, car c'est également le but de mon voyage) et quelques distractions. Je ne pars pas en reportage cette fois, même si je vais raconter ce périple encore davantage qu'à l'habitude. Partir de chez moi, c'est cependant presque incongru dans mon cas. Je vais partir d'Aix-les-Bains, une jolie ville de Savoie, dont j'apprécie les rues piétonnes et bien entendu le lac, ainsi que sa situation au coeur du Rhône-Alpes. C'est à peu près tout ce que je peux en dire cependant. L'appartement de 19m2 que j'y occupe, entre deux voyages et souvent pour pas longtemps, n'est que mon adresse fiscale. Je ne suis que de passage. Le chemin m'intéresse bien plus que mon point de départ, ou de retour, finalement. Celui ci sera sans doute beau et inspirant, théâtre de rencontres et de rêveries. Je vais en effet, après 300 kms, rejoindre la voie du Puy, la plus célèbre route jacquaire française, semée de monuments, riche de la quête de tant de marcheurs à travers les siècles. Partir de chez moi, j'aurai pu le faire d'autres endroits. De chez mes parents, à Poitiers, des lieux de mon enfance, Rambouillet et Videlles, en Ile-de-France, ou même de Pralognan ou d'ailleurs. Difficile pour moi de me sentir vraiment de quelque part (bon certes les grandes forêts d'Ile-de-France restent les lieux qui m'ont le plus habité). Certains lieux me parlent, je m'attache aux gens, mais les notions d'appartenance à une région ou une ville me sont assez étrangères. Mais bon, partir d'Aix, sans doute en compagnie de mon ami Philippe Delachenal les deux premiers jours, m'offre de belles perspectives et c'est là l'essentiel.Je vais partir le 23 avril, le lendemain du premier tour des elections. Je m'apprête donc à vivre un printemps français, pour une fois, mais non au rythme des journées classiques, ni à celui d'une campagne présidentielle dont je n'entendrai, je pense, en me promenant sur les chemins de France, que de lointains échos. Symptomatiquement, je ne me suis même pas inscrit sur les listes à Aix. Pas souvent là, négligeance pour la vie politique et sociale telle qu'elle est à présent. Ce n'est pas bien. Mais d'un autre côté, je ne me suis pas senti de réelle passion pour cette campagne électorale. J'y ai entendu parler de choses, des agences de cotations, des enjeux financiers, qui semblent devoir effrayer tout le monde sans qu'on n'en connaisse vraiment la cause, et dont on n'avait jamais entendu parler il n'y a pas si longtemps. Certes, avoir peur du lendemain, avoir peur de perdre son emploi, avoir peur de la violence est peut-être légitime en France en 2012. Mais je vois aussi beaucoup de gens qui n'ont jamais autant consommé, qui n'ont jamais autant travaillé, qui n'ont jamais autant vécu dans un stress érigé en gardien de leur confort quotidien. J'ai surtout eu l'impression que les principaux candidats défendent finalement tous ce point de vue, différemment certes, globalement sécuritaire. Peu de place pour le vivre autrement, pour changer le monde, pour l'idéalisme. Avec mon option de vie, que je ne veux surtout pas citer en exemple, attention, ma recherche de la liberté individuelle, l'abandon (certes je possède un recours pour y revenir) et d'un salaire très correct, mon attirance pour la désobéissance civile, je crois que finalement, m'en aller sur les chemins et ne pas voter est presque logique. Je préfère rêver, sans doute. Ne vous inquiétez pas, j'en ai fini de ce petit intermède politique. Mais bon vu le contexte, ça me paraissait légitime et tout de même dans mes préoccupations. Je vais finir ce post en chanson. Elle est de circonstance également, puisqu'elle parle de départ, de politique et d'amour. Son auteur, Alex Beaupain, explique qu'une élection (celle de la gauche en 1981 bien entendu, jusqu'au désastre de 2002) est comme une histoire d'amour. Un fol espoir au départ, bien souvent suivi d'un cohabitation, avant une rupture finale. J'ai bien peur que celle-ci ne suscite pas cet élan. Quant à mes amours, ils ne vont jamais, pour l'instant, jusqu'à la cohabitation. Ce qui n'empêche pas l'espoir ni le désespoir. Alors pour en avoir encore, de l'espoir, je préfère courir les chemins.