De l'art de dire des conneries

Publié le 20 avril 2012 par Jlaberge
O les larmes de crocodiles que versent actuellementla gauche caviar, s'apitoyant sur l'université devenue, selon elle, un terraind'affrontement livré à la brutalité policière alors qu'elle serait le lieu idyllique du dialogue et del'échange pacifique… Bullshit !diront plusieurs. Ce qui renvoie à l'essai percutant du philosophe américain,Harry G. Frankfurt, On Bullshit - trdfrse De l'art de dire de conneries(10/18, 2006).Comme on sait, Frankfurt s’est rendu célèbre pouravoir distingué le mensonge de la «bullshit» - du baratin. Le baratinageest plus proche, selon le philosophe, du bluffque du mensonge. «Le bluff et le mensonge sont deux modes de représentationdéformée ou tromperie», écrit Frankfurt.
«Mais le concept fondamental, poursuit-il, quicaractérise la nature du mensonge est celui de la fausseté : le menteurest avant tout quelqu’un qui proclame volontairement une chose fausse. Le bluffvise lui aussi à transmettre une fausse information. Cependant, il se distinguedu mensonge pur et simple en ce qu’il repose non pas sur la fausseté, maisplutôt sur le trucage. Ainsi s’explique qu’il soit si proche du baratin. Car l’essencemême de ce dernier est l’imposture, et non la fausseté.»
«Pour les jourscomme aujourd’hui!» est le slogan publicitaire d’une entreprise commercialebien connue. Un bel exemple de baratin (bullshit).On ne vise pas tant à dire ce qui est faux, qu’à bluffer, qu’à induire en erreur.Depuis le débutdu conflit étudiant, il y eut, de part et d’autre, beaucoup de baratinage chezles anti-hausses comme chez les pro-hausses. C’est de bonne guerre.Du côté des pro-hausse,il y a évidemment l’imbroglio actuel du conflit où le président de la CLASSÉ,Gabriel Nadeau-Dubois (GND), déclare «se dissocier» des gestes de violence etde vandalisme commis par les étudiants contestataires, mais se refusent à les «condamner».Pourquoi? D’abord parce que GND n’en a pas le mandat. Étonnant! Passons. Enfait, ces gestes dont GND dit du bout des lèvres «se dissocier», résultentselon lui de l’exaspération des étudiants contestataires devant le refus systématiquedu gouvernement de négocier. En somme, ce serait la faute du gouvernement si violence il y eut. Puisque le gouvernementen est le responsable, il est saugrenu de chercher à s’excuser! C’est sans doutela conclusion qu’accouchera le congrès de la CLASSÉ ce week-end. Nous verronsbien. Quoi qu’il ensoit, on a là un exemple éloquent de baratinage. GND ne cherche pas tant àmentir, à dire le faux, qu’à bluffer, c’est-à-dire à maquiller, à truquer laréalité afin de se sortir d’embarras. Il est en vain par ailleurs de rétorquer commele fit Martine Desjardins, présidente de la FEUQ, d’exiger de la ministre «dedénoncer les actes posés par les administrations universitaires à l’égard desétudiants et les actes de violence policière», car c’est simplement renvoyer laballe dans le camp de l’adversaire - ce qui s’appelle le sophisme du Tu quoque («Toi aussi»). Lors de chicanesd’enfants, on entend souvent la répartie : «Tu m’accuses de telle et tellechose; et bien toi aussi t’as fait telle et telle chose, et  pire encore!»Le baratinagedans le présent conflit n’est pas qu’à sens unique. Au contraire. GND a biencompris que l’exigence de la ministre Beauchamp constituait en réalité unesorte de bluff pour diviser le mouvementétudiant. «Divide et impera», diviser pour mieux régner. La ministre ne mentpas en exigeant de GND et de la CLASSÉ qu’ils condamnent les violences. Elleest sincère. Mais il est aussi très clair que son exigence musclée constitue unesorte de croc-en-jambe, de coup bas illégitime. Bref, de baratin. C'est d'ailleurs la raison pourquoi Frankfurt termine son lumineux essai par cette phrase renversante: «La sincérité, par conséquent, c'est du baratin».