Je sais, cela vous aura échappé, car ces derniers temps vous êtes monopolisés par le farouche combat opposant le lièvre et la tortue (je vous laisse choisir qui est qui), mais la semaine dernière est décédé l'acteur américain William Finley à l'âge de 69 ans. Il est essentiellement connu pour avoir joué le rôle de Winslow Leach dans le film musical culte de Brian De Palma, Phantom of the Paradise (1974).
Brian de Palma a notamment réalisé Scarface (1983), Les Incorruptibles (1987), Le Bûcher des vanités (1990), ou plus récemment le Dahlia Noir (2006), dans lequel William Finley aura effectué une dernière passe, avant de tirer sa révérence. Je n’avais pas vu Phantom of the Paradise avant cette semaine, mais le décès de William, combiné avec une chaude recommandation d’une amie cinéphile bienveillante, m’ont poussé à m’y intéresser.
Phantom of the Paradise une fable délicieusement kitsch qui puise son inspiration dans l’environnement musical édulcoré des années 60 encore si proches, en y injectant la rébellion naissante des années 70. Couteau, bras d’honneur, slam dans un décor acidulé constitué de fruits juteux et de bananes gélifiées, il bénéficie d’une mise en scène grotesque, loufoque et incroyable, mais qui donne pourtant au film un rythme haletant et nous plonge dans un univers poétique et visionnaire. Il fait d’ailleurs bonne figure dans la déferlante d’opéras rock qui aura lieu dans les années 70, avec notamment A Night at the Opera de Queen (1975), Starmania de Michel Berger et Luc Plamondon (1978), ou encore The Wall de Pink Floyd (1979).
On y trouve déjà quelques touches du style très marqué de Brian de Palma, divisant par exemple l’écran en deux scènes simultanées, traitant de deux sujets différents mais pourtant suffisamment bien synchronisés pour qu’on puisse les suivre de concert (Snakes Eyes, 1998). Mais on y observe aussi de manière plus surprenante, de petits ingrédients qui font penser à la provocation britannique et la violence caricaturale d’un Stanley Kubrick (Orange Mécanique, 1971), mais aussi l’exubérance et la fragilité poétique des personnages d’un Terry Gilliam (Brazil, 1985). Et des références d’une variété déconcertante, comme le Fantôme de l’Opéra, la Belle et la Bête, et même Frankenstein.
Mais la principale référence du film reste celle faite au conte populaire de Faust (qui a inspiré la pièce de Goethe), ici incarné en artiste génial qui signe avec son sang un pacte avec le diable pour achever l’œuvre de toute sa vie, et la dédier à son amour en œuvrant dans l’ombre du malin afin d’exploiter son talent, pourtant divin.
Phantom of the Paradise reste une critique acerbe, caricaturale mais aussi visionnaire du show business tel qu’il l’était déjà dans les années 70. Il met aussi en évidence les excès que l’appât du succès et de la célébrité peuvent générer, ce qui en fait finalement un film très actuel.
Enfin la musique, omniprésente, presque premier second rôle en lieu et place de William et Williams, nous fait rebondir de flashbacks en anticipations, sur deux décennies, au moins. Dans Phantom of the Paradise, on trouve une matière curieusement oubliée, et qui pourrait pourtant servir un bon paquet de reprises, voire de remixes. Je sais, pour ceux qui ont vu le film, ce serait pêché, mais je le dis quand même. Avis aux amateurs.