Elle attendait ce train, dans cette gare bondée, une fin d'après-midi. Un vendredi, un mélange de valises, de sacs et de semi-immobilité, les regards vers le haut, vers les départs et les arrivées, tout ce monde attendait, scrutant les horaires à venir. Panneaux à l'affichage multiple, les heures défilaient, les retards apparaissaient, se décalent de ligne en ligne, parfois interminable, de vagues de roulettes vers les escaliers, d'impatients qui mordraient volontiers les autres, qui marchent sur les autres. Elle attendait dans un coin, plus tranquille. Voici des mois, plus d'un trimestre, presque un semestre qu'elle attend ce moment.
Au début elle avait pleuré, oui de joie, de fierté pour sa fille qui réussissait de brillantes études de droit, à Londres, en langue anglaise. Une envolée internationale. Naturellement elle ne lui disait pas, elle ne lui parlait pas de ses doutes, non sur sa réussite, mais sur cet envol si soudain hors du nid. Elle échangeait par email, par sms, et quelques coups de fil dans la semaine. Elle savait que sa jeune fille, son adolescente était devenue une jeune femme.
Volontaire elle décidait déjà de son avenir, une bourse et une grande tante heureuse de financer le voyage, le gîte et les frais, ce tout avait pris forme dans la banlieue oueste la capitale anglaise. Ses résultats étaient là, dans une performance qui lui ouvriraient les portes des plus grands cabinets d'affaires.
Londres, quelques cartes postales, beaucoup de photos de la ville, les beaux et les autres aspects, ce métro si moche, si sombre, si peu convivial, ses bus si grands, si aérés. Londres venait à elle. Elle avait quitté plus tôt son cabinet médical, sa place d'assistante, exceptionnellement, elle attendait dans ce flot de valises. Foule, mouvements des corps, cris des uns, conversations téléphoniques partagées avec les autres, courants d'air, chauds et froids, ici tout se mêlait.
Elle avait vécu si longtemps avec elle. Un duo de femmes sans père, avec des moments difficiles, son changement de travail, un bout de chômage, des pertes de statut social, cette formation, elle avait passé ces étapes, reconstruit sa vie. Quand l'une vieillissait, l'autre grandissait.
Maintenant elle était seule, à vivre un futur différent, elle ne l'avait pas envisagé, pensant uniquement à sa fille, à son bonheur exclusif. Son portable sonnait, elle lui parlait, un train, deux trains arrivaient, des centaines de personnes, créant des retrouvailles, des bouchons, des embrassades, des valises sautillantes.
"Je suis là."
"Où çà ...... sous le panneau .... quelle porte ?"
Elles se cherchaient. Trop de gens, d'enfants, de poussettes, de sacs, de passages dans un sens, dans l'autre, impossible de se voir.
Enfin, elle la voyait, rayonnante, une nouvelle coupe de cheveux, là devant elle, si grande, adulte. Si belle, si épanouie.
Une larme, de la joie encore, immense, intense, un flot en elle.
Elles se souriaient.
"Mon dieu, ma fille que tu as grandi."
Elles pleuraient, s'embrassaient.
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Photos : VANESSA JACKMAN
Modèle : RAINEY @ New York Model Management, West Village, NYC, February 2012
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