Atm

Publié le 20 avril 2012 par Toulouseweb
Heurs et malheurs du contrôle aérien
L’Europe, Union européenne ou pas, Schengen ou pas, reste un continent morcelé, fragmenté et son unification, avec ou sans grands discours politiques, se hâte bien lentement vers des progrès qui relèvent pourtant de la simple logique. Une remarque qui s’applique aussi à espace aérien qui n’est toujours pas totalement rationalisé, unifié, comme le souhaitaient dès le début des années soixante les créateurs d’Eurocontrol.
Les premières adhésions à cette belle idée ont été enregistrées en 1960 et la convention proprement dite a été signée à Bruxelles en 1963. Il s’agissait alors de mettre en place un organisme unique pour gérer l’espace aérien supérieur, une initiative très remarquée, 6 ans à peine après la signature du Traité de Rome. D’autant qu’Eurocontrol annonçait, pensait-on, une Europe pratique, utile, puisqu’il s’agissait de mettre en place une institution véritablement opérationnelle, la première imaginée par les pères fondateurs de la Communauté européenne.
Depuis lors, les avancées devenues réalité sont constamment restées en deçà des projets initiaux tandis que s’allongeait la liste des Etats membres, qui va aujourd’hui de l’Albanie à l’Ukraine en passant par Monaco, une Europe de l’ATM, Air Traffic Management s’étendant de l’Atlantique à l’Oural. Eurocontrol a constamment cherché à faire œuvre utile …malgré ses adhérents. Dès ses tout débuts, elle a en effet été freinée par les administrations nationales peu désireuses de céder une partie de leurs prérogatives à un «machin» bruxellois. Hélas !
D’autres parties sont intervenues, au fil des années, y compris des organisations syndicales craintives et peu désireuses d’appuyer des initiatives supranationales. Et sans doute Eurocontrol elle-même a-t-il manqué de pouvoir de persuasion lorsqu’il s’agissait de justifier, exemple récent, la mise en place de ce qu’il est convenu d’appeler des «blocs d’espace fonctionnels», c’est-à-dire des regroupements d’espaces aériens nationaux en ensembles homogènes. L’un d’eux, au cœur du système, doit regrouper la France, l’Allemagne, le Benelux, la Suisse et le Royaume-Uni.
Les experts en ATM ont noté de longue date que la comparaison entre l’Europe et les Etats-Unis révèle un manque avéré d’efficacité, pour des étendues géographiques et des volumes de trafic qui peuvent être utilement comparés. Et de constater que non moins de 38 organismes gèrent l’espace aérien européen, à comparer à un seul en Amérique. D’un côté, 57.000 personnes, de l’autre 35.200 alors que l’Europe ne contrôle «que» 9,5 millions de vols par an, à comparer à près de 16 millions aux Etats-Unis.
Parmi ce qu’on pourrait qualifier de circonstances atténuantes, il convient de remarquer que chaque Etat européen dispose de sa propre armée de l’Air et, de ce fait, de zones militaires réservées. Mais, en cette matière, la coordination entre centres de contrôle civils et militaires a heureusement fait de grands progrès. Mieux, les militaires ont compris les spécificités et les contraintes du transport aérien, par exemple ses périodes de pointes de trafic.
L’Europe dispose d’atouts rarement évoqués. Ainsi, à trafic égal, elle doit gérer un nombre moindre de mouvements d’avions, chacun de ceux-ci, en moyenne, offrant une capacité accrue. Et les pistes du Vieux Continent sont mieux utilisées : 9,7 millions de passagers par piste et par an, contre 7,7 millions aux Etats-Unis. Mais, précisément parce que les avions sont plus grands d’un côté que de l’autre, le nombre de mouvements est proportionnellement inférieur en Europe qu’outre-Atlantique, ce qui implique une tendance moindre à la saturation.
Eurocontrol vient de se livrer à une comparaison minutieuse entre son ATM et celui des Américains. Compte tenu de son contexte géographique et politique, l’Europe, tout bien réfléchi, se défend bien. Et il suffirait de peu de choses pour obtenir des résultats marqués par une plus grande efficacité, des progrès que les compagnies aériennes appellent de leurs vœux pour rétablir une ponctualité exemplaire et réduire leurs coûts d’exploitation. Mais ce sont encore des vœux pieux.
Pierre Sparaco-AeroMorning