Vue d’ailleurs, l’élection présidentielle française est regardée avec curiosité et compassion : comment une démocratie peut-elle être aussi peu soucieuse d’elle-même pour donner de la voix à des candidats réactionnaires et populistes ? The Economist a même écrit que cette élection est « la plus frivole des pays occidentaux ». En effet, pas moins d’un quart des Français accorde un crédit à des partis totalitaires incarnés par un fascisme noir, Le Pen, et un fascisme rouge, Mélenchon. Et si nous ajoutons les voix des candidats minuscules —Dupont-Aignan, Cheminade, Arthaud, Poutou— tout aussi misérabilistes et extrémistes, nous arrivons grosso modo à plus de 30% d’électeurs qui s’enferment dans le déni, la grande maladie de ce pays qui refuse de voir le monde tel qui l’est.
Tous ces candidats qui se drapent dans le drapeau tricolore de la Révolution, qui fustigent Wall Street et les banques, guillotinent les entrepreneurs et les capitaines d’industries, honnissent la réussite et l’argent des autres, vivent dans le passé, une lamentation mortifère qui tire la France vers le bas. Des candidats qui cultivent la nostalgie de la France des Trente Glorieuses, le passé mythique d’une France des industries nationalisées et des grands travaux, une France simpliste et repliée dans un monde complexe et ouvert.
La position radicale-populiste des Mélenchon et consorts a trouvé un écho formidable dans les médias qui aiment s’apitoyer avec les « indignés » (des médias toujours très indulgents avec les extrémistes), et plus encore chez les candidats « normaux » qui ont tenu et tiennent encore des propos désolants et promettent l’impossible. Le seul candidat qui soit réaliste est Bayrou, mais il est inaudible, borné et trop orgueilleux pour admettre qu’il est de droite, ce qui lui ouvrirait le soutien des citoyens raisonnables.
Face à un tel exotisme démocratique, les observateurs rappellent que le réveil va être douloureux au lendemain du deuxième tour : les Français tentés par les mélenchoneries vont être rapidement avalés par la réalité. Les institutions européennes et internationales ne sont pas du tout convaincues des pathétiques programmes des candidats dont les dérives budgétaires et le refus des réformes structurelles font déjà clignoter les voyants au rouge. Les investisseurs ont le doigt sur le bouton « alerte » et ont placé la France dans le classement des pays à risques… devant la Grèce ! The Economist constate même que « la France est le maillon faible de l’Europe », sa « qualité démocratique » recule, passant de la 24ème place à la 31ème sur 167, derrière toutes les nations d’Europe de l’Ouest, même de l’Italie ! Alors quel que soit le Président de la République, il faudra restaurer la crédibilité politique et économique du pays, cesser les rodomontades de tribune pour ranger cette France nostalgique dans le placard des illusions perdues… Et commencer à travailler.
Oui mais avec qui ? Le choix est cornélien, face au honteux ramassis de « politicrates » * qui rêvent de gouverner cette étrange démocratie…
* Le mot est d’Augustin de Romanet, ancien DG de la Caisse des dépôts et consignations, auteur de « Non aux trente douloureuses » paru chez Plon.