J’ai espéré à peine secrètement que les noms de Terrence Malick, Wong Kar Wai, Paul Thomas Anderson ou Park Chan Wook soient prononcés, et ils ne l’ont pas été. Et si l’on pourrait craindre qu’un Festival de Cannes où ces noms ne figureront pas au profit de ceux de Zac Efron, Robert Pattinson et Kristen Stewart soient un mauvais cru, en y regardant de près il se pourrait bien que non, malgré tout.
Bien sûr à Cannes, tous les ans, on aimerait que ce ne soient pas forcément toujours les mêmes noms qui reviennent. Michael Haneke, Abbas Kiarostami, Ulrich Seidl, Walter Salles, Carlos Reygadas, Ken Loach, David Cronenberg, Jacques Audiard ? Bien sûr ça ne sent pas la grande originalité. Et même quand un nom n’évoque rien, comme celui de Sergei Loznitsa, en se penchant dessus on reconnaît celui du réalisateur de My Joy, venu représenter l’Ukraine dans cette même compétition il y a deux ans. Mais c’est cela Cannes, un formidable vivier de cinéastes aguerris à la course à la récompense cinématographique suprême, un vivier qui côtoie d’autres réalisateurs découvrant les enjeux de la quête de la Palme pour la première fois.
Et cette année, c’est du côté des anglo-saxons qu’il faut chercher les petits nouveaux. Lee Daniels, révélé par le médiocre Precious il y a trois ans, présente « Paperboy ». Les australiens Andrew Dominik (L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford) et John Hillcoat (The Proposition, La route) s’intéressent tous deux aux criminels avec respectivement « Killing them softly » et « Lawless ». Wes Anderson, qui ne se contentera pas d’ouvrir le festival avec « Moonrise Kingdom ». Et Jeff Nichols, vainqueur l’an passé de La Semaine de la Critique, promu en compétition pour « Mud » avec Matthew McConaughey et le génial gamin de Tree of Life. J’aurais aimé que Cannes aille chercher d’autres coréens que les sempiternels (et non moins passionnants) Hong Sang-Soo et Im Sang-Soo (ils ne sont pas frangins, Sang Soo c’est leur prénom), oui. Mais deux coréens en compétition, je ne cracherai pas non plus dessus.
Que retenir d’autre de cette compétition ? Assurément les retours en force de Leos Carax, Matteo Garrone et Thomas Vinterberg. Du côté des étonnements, qu’aucune femme cinéaste ne soit en compétition cette année, ni par ailleurs aucun premier film. Hors compétition, l’extase hollywoodienne n’est pas de mise lorsque l’on constate que c’est Madagascar 3 qui a été choisi… heureusement qu’un Takashi Miike sera là en séance de minuit, une comédie musicale qui plus est (« Ai to makoto ») !
Chez la petite sœur de la compétition reine, Un Certain Regard, le fils de Cronenberg, prénom Brandon, présentera son premier long-métrage (« Antiviral ») face à des pointures comme Lou Ye (« Mystery »), Pablo Trapero (« Elefante blanco »), Koji Wakamatsu (« 11.25 The Day he chose his own fate ») ou Xavier Dolan, qui avec son très attendu « Laurence Anyways » n’a pas vu les portes de la compétition s’ouvrir à lui, deux ans après son magnifique Les amours imaginaires déjà présenté à Un Certain Regard.
Claude Miller, décédé il y a quelques jours, aura l’honneur postum de clore le festival avec son dernier film, « Thérèse D. ». Un chant du cygne qui je l’espère fermera un grand festival. Car même si je ne vais pas à Cannes, je le vis et le guette comme si j’y étais. D’autant que les films d’Un Certain Regard et des sections parallèles passeront à Paris dès que la manifestation aura baissé le rideau sur la Croisette. Alors forcément, maintenant, j’attends avec impatience la sélection de la Semaine de la Critique et de la Quinzaine des Réalisateurs…