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Une étrange pluie de pétales

Publié le 20 avril 2012 par Perce-Neige

Une étrange pluie de pétalesIl ne suffit pas toujours de le dire pour le faire… ni de l’avoir dit, pourl’avoir fait... William T. Vollmann semble, lui, être effectivement allé à Fukushima, dans la zone interdite. Il en est revenu avec un texte étrange,mélancolique et presque résigné, récemment publié aux éditions « Tristram »(« Fukushima. Dans la zone interdite ») et dont je retire, tout demême, ceci :
S'agissant du séisme-tsunami et du désastre concomitant du réacteur,il pourrait être pertinent de citer les paroles du Bouddha : Rien en ce monde n'est permanent ou durable ;tout est changeant et momentané et imprévisible. Mais les hommes sont ignorantset égoïstes, et ne se préoccupent que des désirs et des souffrances du momentprésent. Ils n'écoutent pas les bons enseignements, pas plus qu'ils n'essaientde les comprendre ; et ils s'abandonnent simplement à l'intérêt présent, à larichesse et au plaisir » - par exemple, aux crédits d'impôts accordés àceux qui vivent près d'une centrale nucléaire, sans même parler de ce que leréacteur permet et impose. À Tokyo les rames de métro sont plongées dansl'obscurité pour une station ou deux, sans aucun doute à cause d'une pénuried'électricité. L'écran d'information près de la porte à gauche nous apprendqu'une ligne se trouve à l'arrêt en raison d'une « panne », tandis que deuxtrains rapides ont été annulés à cause d'un « tremblement de terre ». Le jeunesalarié blafard de l'autre côté de la travée baissait les yeux, par-dessus sonmasque de protection blanc, sur son portable étincelant; l'homme et la femmejaunes stylisés brillaient côte à côte dans leur carré noir pour nous indiquerque les toilettes étaient occupées; et nous avancions en volant par-dessusmaisons et jardins. Du point de vue du Bouddha, il n'importe guère que toutnotre bien-être dans l'existence dérive de pastilles d'uranium, de cellulessolaires, ou du mouvement perpétuel; dans chaque cas, notre suffisance, à elleseule, empêche les toits et les arbres si jolis de l'instant présent de devenirles décombres dans lesquels l'instant d'après pourrait bien les jeter. Maiscombien d'entre nous (moines exceptés) peuvent vivre et espérer - en d'autrestermes, poursuivre nos intérêts présents - sans méconnaître nos inévitablesfins? Je dis que nous sommes « mieux » en feignant de croire que le trainrapide qui nous emmène ne déraillera pas. Le péril est lointain; nous mourronsprobablement de quelque chose d'autre. Quand il est plus proche, l'intérêtprésent conseille de ne pas le négliger. Et plus présent est l'intérêt, moinsprésent ou apparemment présent le danger, plus l'indifférence est irrésistible.
Et puis ceci, en écho singulier à mes propres souvenirs d’unejournée passée à Hiroshima, au printemps 2010, en pleine floraison des cerisiers :
À Hiroshima, mon dosimètre enregistra 0,2 millirem en vingt-quatreheures - deux fois la radioactivité naturelle de Tokyo. Au début, je pensaiavoir découvert un artefact de la bombe, mais un dosimétriste américain me fitremarquer plus tard qu'un tel résultat tombait sans doute dans la normepré-atomique pour la région. Sur un banc, de l'autre côté des ruines dubâtiment sur lequel tomba la bombe avec son dôme atomique, une fillette avecdes nattes était assise sur les genoux de sa jeune mère, gloussant et frottantson nez contre le sien, le ciel bleu jetant sa lumière aveuglante à travers lestrous des fenêtres vides dans la brique. Puis les pétales commencèrent àpleuvoir, se perdant dans la blancheur des dalles de granit, flottant sur leslongs cheveux noirs de deux jeunes femmes assises à boire un café, qui chacunetournèrent le visage vers l'autre. 

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