S’abstenir, c’est par définition ne pas s’exprimer ! Si quelqu’un veut montrer sa désapprobation du système, qu’il le fasse ! La meilleure solution devrait alors être le vote nul : faire des graffitis sur le bulletin de vote, y écrire ses mémoires ou tout autre slogan, etc. Ce n’est malheureusement plus toujours possible. Je ne sais pas ce qu’il en est en France, mais en Belgique où le vote électronique existe dans de nombreuses communes, il (m’)est désormais impossible de voter nul. Il ne (me) reste que le vote blanc qui pourrait ressembler à une abstention, mais qui ne l’est pas. La situation en France et en Belgique est évidemment aussi différente, car chez nous, théoriquement, le vote est obligatoire. Cela dit, abstention, vote blanc ou vote nul, tout cela revient au même : ça ne « compte » pas !
S’abstenir, c’est ne pas s’exprimer, mais c’est aussi dès lors favoriser la majorité… et donc favoriser le système ! C’est là que s’abstenir est un piège à cons.
En effet, assez logiquement, les abstentions ne sont pas prises en compte dans les calculs de voix et de pourcentages de voix, pas plus que les votes blancs et les votes nuls d’ailleurs. C’est là que les problèmes surgissent. Essayons d’illustrer ceux-ci.
Pour faire simple, admettons qu’il y ait une élection avec plusieurs candidats et exactement 100 électeurs potentiels. Le jour de l’élection, seules 80 personnes se présentent aux élections. Il y a donc 20% d’abstentions. À qui profitent celles-ci ?
La candidate Mme Sourifaux obtient 40 voix. Le deuxième candidat, M. Lang-Debois, en obtient 20. Deux candidats – M. Vilain et Mme Hautetoit de Laque G’mimaite – se partagent le reste des voix : 10 voix à chacun. Si on réfère ces scores au nombre d’électeurs potentiels, à savoir 100, les deux premiers ont respectivement 40% des voix (40/100) et 20% (20/100). Les deux derniers n’ont que 10% des voix. On voit que Mme Sourifaux est en tête, mais elle n’atteint pas la majorité absolue.
Par contre, si on ne tient pas compte des abstentions – et c’est comme cela que ça se passe dans la réalité – les pourcentages se modifient : Mme Sourifaux obtient 50% des voix (40/80), M. Lang-Debois 25% (20/80), M. Vilain et Mme Hautetoit de Laque G’mimaite ayant chacun 12,5% (10/80). On peut aisément voir que les 20% d’abstentions se sont répartis proportionnellement aux scores de base : Sourifaux gagne 10%, Lang-Debois 5% et les deux « petits » chacun 2,5% (soit un total de 20%). Non seulement, grâce aux abstentionnistes, chacun gagne du « poids », à l’avantage des plus « gros », mais de plus, Mme Sourifaux atteint presque la majorité absolue (50% + 1 voix). On voit clairement que l’abstention favorise celui ou celle qui obtient le plus de voix, contrairement sans doute à ce que les abstentionnistes espèrent !
S’abstenir, c’est non seulement ne pas s’exprimer, mais c’est en plus aider ceux qui obtiennent au bout du compte le plus de voix. C’est vraiment un piège à cons !
Certains militent pour que les abstentions, les votes blancs et/ou les votes nuls soient pris en compte dans les calculs. Cela se fait dans certains pays (Suisse, Espagne, Suède…) pour certains scrutins. Le problème est cependant qu’on ne peut jamais vraiment interpréter le sens de ces (non-) « votes ». Une abstention peut par exemple résulter d’un désintérêt total pour la vie politique ou au contraire correspondre à un choix politique actif en voulant montrer son désaccord. Comment dès lors considérer de la même manière ces deux significations différentes, voire opposées ?
Bref, qu’on le veuille ou non, la meilleure manière de faire est sans doute d’aller voter. Dans l’élection présidentielle, au premier tour, voter pour les « petits candidats » permet d’exprimer d’une certaine manière son mécontentement sans favoriser les « grands candidats » tout en exprimant une certaine direction. Évidemment, au second tour, c’est différent !
Finalement, que chacun fasse comme il sent devoir le faire !