Au carrefour
Où s’est posé le lointain,
Je croise le printemps avec une gaieté triste.
La première petite herbe a percé
La terre rude encore.
Et, parmi les dentelles du bouleau,
Au loin, dans les profondeurs,
Violette, la pente des ravins.
Elle a commencé à faire des signes,
Cette terre déserte !
Au couchant rouge de froid,
C’est le soleil, comme le casque de cuivré
Du guerrier dont le triste visage est tourné
Vers d’autres horizons,
Vers d’autres temps..
Et le heaume absorbe avec ses plumes blanches
Les nuées d’or,
Au-dessus de la splendeur insolente
De mes guenilles vespérales.
Et mes ailes navrées
Ailes d’épouvantail à corbeaux
Flamboient comme un casque solaire
Dans les reflets du soir
Et dans ceux du bonheur..
Les croix, les fenêtres lointaines,
Les cimes de la forêt crénelée,
Tout respire la mesure,
Paresseuse et blanche,
Du printemps.
Alexandre BLOK (1880-1921), poète russe.
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