On commence à avoir l’habitude. Quand un auteur s’épuise, il retourne ses tiroirs, fouille son grenier, va rechercher ses essais d’il y a vingt ans, ses petits mots laissés sur des tickets de tram, ses lettres d’amour. Et il en fait un « livre »… En occurrence, le présent recueil compulse quatre textes assez hétéroclites, de longueurs et factures fort diverses…
L’Inachèvement : un écrivain planche tous les matins à sa table de travail. Il cherche le mots juste, l’expression idoine. L’écriture est un sacerdoce. Mais de l’autre côté du mur, des bruits insolites résonnent. C’est d’autant plus étrange que le logement est vide. L’écrivain n’aboutira pas, à l’encontre d’un autre, une sorte de double.
Le second texte est relatif à Kafka. Je ne devrais pas le dire car cet élément est la chute même de cette nouvelle, mais la quatrième de couv’ le dévoile, c’est malin. Donc rebelote, nous revoici à suivre les déboires d’un écrivain, ses difficultés à écrire dans une ambiance peu propice.
Le troisième texte a donné son nom au recueil. Un empereur chinois, grand amateur de champignons, apprend que le secret de l’immortalité est jalousement gardé par un mage. Celui-ci exige que des milliers d’hommes soient mis à sa disposition. Pour obtenir cet élixir de jouvence, l’empereur accepte. Mais l’expédition traine. L’empereur perd patience. Dépassé par son royaume, il décide de se faire passer pour mort afin d’obtenir la tranquillité…
« Le Mur de Planck », c’est ainsi qu’on appelle l’instant infinitésimal après le big bang, cette fraction de seconde inexplicable. Aucune théorie n’en vient à bout, ni la relativité, qui explique l’infiniment grand, ni la théorie quantique, qui dévoile le sub-atomique. D’ailleurs les deux sont antinomiques. La physique est enlisée dans un beau merdier. Les deux grandes théories sont incompatibles ! Dans ce dernier texte du recueil, un physicien tente de résoudre cette problématique. Parallèlement, il part au Japon pour une conférence, et cherche inlassablement le mont Fuji…
Ces textes exploitent une problématique que nombre de personnes connaissent, scientifiques ou artistes, c’est la quête d’un absolu, que ce soit la démonstration mathématique, l’idéal de perfection ou de beauté. Quelquefois cet absolu est impossible à atteindre. Les personnages de ce recueil sont en proie au doute, aux échecs, au mur de l’impossible… Leur recherche ne les conduit pas forcément où ils croyaient aboutir, mais les amènent à de curieuses découvertes. Et si nous faisions tous une grosse erreur, en nous dirigeant toujours obstinément vers une destination unique?
Ce recueil ne manquera pas de susciter réflexions et interrogations, et renverra peut-être un certain nombre de lecteurs à leur propre perplexité. Pas évident de s’approprier le sens de ces textes qui s’éloignent vers des contrées étranges et étrangères. Ils sont parfois énigmatiques, sibyllins. Si l’ensemble ne manque pas de qualités, les défauts, sans être rédhibitoires, sont bien réels et plus faciles à expliquer que le Mur de Planck ! Les deux premiers textes sont précipités, certains passages eussent pu être paraphrasés. Un peu court,un peu bref, il faut être attentif, décoder ces maigres mots qui font toute la différence. Les deux derniers par contre sont injustement longs. Ce chercheur qui passe trente pages à se demander où est le mont Fuji devient un soupçon agaçant. En résumé, voilà un bon livre, mais qui aurait pu être meilleur, avec quelques coupes, quelques développements, un rien par ci, un autre rien par là. La qualité d’un livre tient à d’infimes détails. Faut retravailler tout ça, Mr Faye, ce n’est pas complètement abouti. Vous êtes comme le personnage de l’Inachèvement, vous passez à côté du nirvana littéraire. Dommage !
Devenir immortel, et puis mourir. Eric Faye. Éditions José Corti
Date de parution : 01/03/2012