C’est un lieu commun qui mérite cependant d’être souligné : alors que l’édition va mal, la revue (mais pas n’importe laquelle !) se porte mieux que jamais. Nombre de titres de presse indépendants fleurissent en kiosque et en librairie : ils ont en commun une exigence certaine de contenu, un engagement politique affirmé et un refus des logiques commerciales (peu de publicité, pas de recherche du scoop, inscription dans la durée), et ce dans plusieurs domaines : politique, littéraire, iconographique… Passage en revue.
La revue littéraire ou l’art de ne pas se prendre au sérieux
Fondée entre autres par Nick Hornby, j’avais quelque appréhension quant au contenu d’une revue qui doit son existence à un auteur qui a connu le succès grâce aux aventures d’un trentenaire qui s’assume mal mais espère quand même que la gente féminine restera là à l’attendre. Je ne sais pas pourquoi. Finalement, sa chronique littéraire (“Mes Lectures” par Nick Hornby) nous apprend que les écrivains de moins de trente ans lui donnent envie de vomir mais que ceux de 35 ans l’enthousiasment. Cinquante pages plus loin, l’une des auteures les plus reconnues au monde depuis ses 24 ans fait semblant de ne pas nous donner de leçon d’écriture par un subtil jeu de fausse modestie, que l’on croit tout à fait sincère mais qui existe néanmoins, et qui ne donne qu’une envie : se précipiter sur ses livres. À suivre donc : Sourires de loup, de Zadie Smith. Juste avant, Porter Fox se balade à Christiana, le futur ex-quartier libre de Copenhague : îlot utopique né dans les années 70 où la propriété a été abolie et où les quelques règles sont fixées collectivement, mais où, tout de même, on préfère avoir son copain comme voisin et où les drogues, qui circulent librement, coûtent la vie à quelques personnes. Ce qui nous amène à penser que l’auto-régulation est très efficace pour les suicidaires (ce qui ne veut pas dire qu’il faudrait les empêcher de l’être, suicidaires), et que les jeux de pouvoir dont nous sommes les témoins tous les jours dans les médias ne nous indignent que parce qu’ils nous permettent d’occulter les nôtres, qui eux n’ont pas la chance d’être surexposés. Juste après, Jonathan Taylor visite la maison de Thomas Bernhard en Autriche, ou le lieu le plus solitaire du monde. Et les boucles littéraires de Bernhard me tombent toujours des mains, rien à faire. Sinon [attention scoop !], Don DeLillo aime Bob Dylan, Marx écrivait comme un pied à 18 ans (Nick Hornby doit être content), se faire larguer ça fait toujours aussi mal, Steve Carrell n’a presque pas pris la grosse tête et Jonathan Safran Foer, annoncé en couverture, joue à Où est Charlie ?
Le Believer, version française de The Believer, merci les Éditions Inculte, n°1, 128 pages, 15 euros