« - Je veux qu’on braque les types du bar. Je suis sûr que c’est un coup facile à organiser et qu’on peut récolter un maximum d’oseille sans prendre trop de risques. Ces types, ils ne vont pas porter plainte, tu comprends, et puis cet argent c’est pas grand chose pour eux. Il suffira de partir quelques semaines et puis tout va se tasser et on reviendra comme si de rien n’était.
– Je sais déjà tout ça, Abe... je ne sais juste pas si on doit le faire.
– T’es con ou quoi, cet argent nous tend les bras... fais ce que tu veux, moi je vais en parler aux autres.
– Je ne te parle pas d’argent là, je veux juste savoir si tu es vraiment prêt à rentrer dans un bar cagoulé avec une arme à la main. Tu te souviens de mon frère, du bonhomme que c’était, je l’ai vu vomir avant de monter ses coups.
– Bien sûr que j’ai peur... – Ce n’est pas seulement une question de peur... si on réussit à obtenir de l’argent avec des armes, nos vies vont changer.
– Mais non, il n’y aura pas de changements, on ne sera même pas recherchés par la police. On entre et on sort, ça ne va pas plus loin que ça.
– Abraham, tu ne le sais pas encore, mais si tu sors d’ici indemne, tu banderas tellement que tu recommenceras. »
Eh oui, une fois qu’on met le bras dans l’engrenage de la violence, il est difficile ensuite d’échapper à la spirale qui va faire enfler cette violence au fur et à mesure, qui prendra bientôt des proportions qu’on ne pourra plus maîtriser. C’est bien dommage pour Abraham et ses amis de la Goutte d'or, car la décision de ce soir-là pèsera sans doute longtemps sur leur vie future. Il y a en effet tout un monde entre les petites embrouilles du quotidien, bastons, larcins ou revente de shit ou de drogue à la sauvette, et un vrai braquage organisé… Les jeunes gens n’imaginent pas s’attaquer ainsi à plus fort qu’eux, ni les conséquences. Et puis après, il est trop tard pour reculer…
Nous nous enfonçons dans Paris la nuit, mais pas dans les quartiers chics qui font vibrer les touristes. Ici, on traine dans des bars miteux, on fume des joints sur les bancs défoncés de rues désertes, on boit jusqu’à plus soif des alcools de mauvaise qualité, on se drogue et on incite son entourage à découvrir la poudre magique. C’est une ville qui n’est ni belle, ni attirante, et dont les habitants sont tous paumés ou apeurés, et souvent les deux ensemble. On zone, on vivote de petits plans foireux en coups juteux, on finit au trou, parfois, quand les flics sont plus rapides, et on risque de finir un trou dans la poitrine ou dans la tête.
Le style de l’auteur est à l’instar de l’histoire, tranchant, incisif, bref. Le récit se passe au présent, puisque les jeunes dont il est question ne peuvent pas imaginer l’avenir, et préfèrent oublier un passé qui n’a rien d’heureux.
Je n’ai pas aimé du tout ce roman, mais je comprends très bien qu’il puisse vous plaire, car l'auteur a un réel talent pour décrire en quelques mots les situations, les sentiments, de même que Paris, que j'ai découverte sous un jour nouveau. J’ai trouvé pour ma part l’histoire totalement déprimante, probablement parce que sans doute trop réelle. Je n’aime pas voir ces jeunes se détruire en ne prenant pas leur vie en main, je n’aime pas non plus les voir détruire les autres en les incitant à se droguer. Impression d’un gros gâchis pour cette jeunesse qui risque de mal finir…
"Paris la nuit" est le premier volume d’une trilogie.
« Je donnerais tout pour oublier ces dernières semaines, reprendre ma minable vie d’avant. J’ai envie de revoir Julia. Je m’imagine aller, comme autrefois, la chercher à la fin des cours. Elle me dirait qu’elle m’aime, que ça ne changerait jamais. Plusieurs fois, je songe à retourner chez elle, à tout lui raconter et à pleurer dans ses bras. Mais je sais que je ne le ferai pas car je suis un lâche, un coupable naturel qui se rêve victime. Je m’invente un bourreau qui me tourmente pour ne pas penser à cet échafaud que j’ai construit de mes propres mains. »